Urgence mondiale face à la variole du singe : l’activité sexuelle serait le moteur de l’épidémie

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Les cas de variole du singe ne cessent d’augmenter à travers le monde, l’épidémie progressant inexorablement. Samedi, à l’issue du Comité d’Urgence, l’OMS a qualifié cette dernière comme une urgence de santé publique de portée internationale. Néanmoins, les principes scientifiques, les preuves et autres informations pertinentes sont actuellement insuffisantes et laissent de nombreuses inconnues. Récemment, une collaboration internationale de chercheurs a identifié de nouveaux symptômes cliniques chez les personnes infectées par la variole du singe, dans la plus grande étude de cas à ce jour. Leurs découvertes amélioreront les diagnostics futurs, contribueront à ralentir la propagation de l’infection et aideront la communauté internationale à donner la priorité à l’approvisionnement mondial limité de vaccins et de traitements contre la variole du singe aux communautés les plus à risque, notamment les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes.

Selon les CDC (Centres pour le contrôle et la prévention des maladies), au 20 juillet, la variole du singe comptait plus de 16 800 cas à travers 74 pays, dont seulement 6 connus pour être endémiques de la maladie. L’épicentre de cette épidémie reste l’Europe, région à risque élevé selon l’OMS.

D’ailleurs, suite à la réunion du Comité d’Urgence le 22 juillet, le directeur général de l’OMS a décidé que l’épidémie mondiale de variole du singe représentait une urgence de santé publique de portée internationale, émettant une série de recommandations, selon la situation du pays, mais en insistant sur le dépistage et les mesures de protection adéquates, malgré un manque évident d’informations scientifiques solides. En effet, en Afrique, la variole du singe se propage principalement aux humains par des animaux sauvages infectés, comme les rongeurs, lors d’épidémies limitées ne dépassant pas les frontières. Mais, en Europe, en Amérique du Nord et ailleurs, la variole du singe se propage parmi des personnes sans lien avec les animaux ou des voyages récents en Afrique.

Récemment, une équipe internationale de chercheurs a mené une étude multi-pays fournissant l’ensemble le plus complet de données cliniques et démographiques à ce jour sur les cas de variole du singe survenant en dehors des zones endémiques. L’étude, dirigée par des chercheurs de l’Université Queen Mary de Londres, a identifié de nouveaux symptômes cliniques de l’infection. Ils faciliteront le diagnostic futur et contribueront à ralentir la propagation de la maladie, chez la communauté à risque, en dehors de la zone endémique, définie dans l’étude, à savoir les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes. Les travaux sont publiés dans la revue The New England Jounal of Medicine.

De nouveaux profils pour les malades et un diagnostic élargi

Cette étude de cas a été menée en réponse à la menace sanitaire mondiale émergente. Elle compile les données de 528 infections confirmées sur 43 sites entre le 27 avril et le 24 juin 2022. Il faut savoir que pour de nombreuses personnes, la maladie est relativement bénigne et se résout d’elle-même en quelques semaines sans qu’aucune intervention médicale ne soit nécessaire. Les symptômes systémiques courants, précédant l’éruption cutanée caractéristique, comprennent la fièvre, la léthargie, la myalgie (douleur musculaire) et les maux de tête ; la lymphadénopathie est également fréquente (gonflement des ganglions lymphatiques).

Néanmoins, de nombreuses personnes infectées examinées dans l’étude présentaient des symptômes non reconnus dans les définitions médicales actuelles de la variole du singe. Ces symptômes comprennent des lésions génitales et des plaies sur la bouche ou l’anus. Chez 95% des personnes infectées, la transmission a été médiée par l’activité sexuelle. D’ailleurs, les experts de l’OMS soupçonnent que les épidémies en Europe et en Amérique du Nord se soient propagées par voie sexuelle à l’occasion de deux raves en Belgique et en Espagne, au printemps.

De plus, les symptômes cliniques sont similaires à ceux des infections sexuellement transmissibles (IST) et peuvent facilement conduire à un diagnostic erroné. Chez certaines personnes, des symptômes anaux et buccaux ont conduit à l’hospitalisation de personnes pour la prise en charge de la douleur aiguë et des difficultés de déglutition.

Chloe Orkin, professeur de médecine du VIH à l’Université Queen Mary de Londres, déclare dans un communiqué : « Nous avons montré que les définitions de cas internationales actuelles doivent être élargies pour ajouter des symptômes qui ne sont pas actuellement inclus, tels que des plaies dans la bouche, sur la muqueuse anale et des ulcères simples. Ces symptômes particuliers peuvent être graves et ont conduit à des hospitalisations, il est donc important de poser un diagnostic. L’élargissement de la définition de cas aidera les médecins à reconnaître plus facilement l’infection et empêchera ainsi les gens de la transmettre ».

Selon les auteurs de l’étude, la propagation actuelle du virus affecte de manière disproportionnée les hommes gays et bisexuels, avec 98% des personnes infectées appartenant à ce groupe. Cette constatation est conforme aux données sur l’épidémie dans le monde entier, comme un rapport récent de l’Agence britannique de sécurité sanitaire le révèle : sur les 699 cas d’infections, 97% concernaient des homosexuels, des bisexuels ou d’autres hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes.

Le directeur de l’OMS rejoint cette conclusion, dans un communiqué : « Bien que je déclare une urgence de santé publique de portée internationale, il s’agit pour le moment d’une épidémie qui se concentre chez les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, en particulier ceux qui ont plusieurs partenaires sexuels. Cela signifie qu’il s’agit d’une épidémie qui peut être stoppée avec les bonnes stratégies dans les bons groupes. Il est donc essentiel que tous les pays travaillent en étroite collaboration avec les communautés d’hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, pour concevoir et fournir des informations et des services efficaces, et pour adopter des mesures qui protègent la santé, les droits humains et la dignité des communautés concernées ».

Stigmatisation communautaire et épidémie mondiale

La situation sanitaire de la variole du singe st d’autant plus préoccupante qu’il y a une pénurie mondiale de vaccins et de traitements contre cette infection. Les résultats de cette étude, y compris l’identification des personnes les plus à risque d’infection, contribueront à la réponse mondiale au virus. Les interventions de santé publique visant le groupe à haut risque pourraient aider à détecter et à ralentir la propagation du virus. Reconnaître la maladie, rechercher les contacts et conseiller aux personnes de s’isoler seront des éléments clés de la réponse de santé publique.

Mais le directeur de l’OMS met en garde : « La stigmatisation et la discrimination peuvent être aussi dangereuses que n’importe quel virus. En plus de nos recommandations aux pays, j’appelle également les organisations de la société civile, y compris celles qui ont de l’expérience dans le travail avec les personnes vivant avec le VIH, à travailler avec nous pour lutter contre la stigmatisation et la discrimination ».

D’ailleurs, bien que la proximité sexuelle soit la voie de transmission la plus probable dans la plupart de ces cas, les chercheurs soulignent que le virus peut être transmis par tout contact physique étroit par le biais de grosses gouttelettes respiratoires et potentiellement par les vêtements et autres surfaces, ou par les plaies cutanées. En effet, les scientifiques notent que leurs découvertes ne confirment pas que le sperme transmette le virus, nécessitant plus de recherches. Sans compter que samedi, les autorités américaines ont fait état de deux enfants infectés par le virus de la variole du singe, une première pour le pays. Même si les causes ne sont pas encore connues, il semble probable que l’infection se soit faite via des lésions cutanées sur les bras ou les mains, lors d’un contact avec une personne porteuse du virus.

C’est pourquoi dans un communiqué, l’ONUSIDA exhorte les médias, les gouvernements et les communautés à réagir avec une approche fondée sur les droits et les preuves qui évite la stigmatisation. Sans compter que les auteurs reconnaissent eux-mêmes l’existence de biais. Ils sont liés aux cas étudiés, issus seulement de personnes venues consulter, impliquant que des malades asymptomatiques, ou avec des symptômes plus légers, ne soient pas inclus. De surcroit, ces derniers ne sont pas forcément des hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes.

Matthew Kavanagh, directeur adjoint par intérim de l’ONUSIDA, déclare : « La stigmatisation et le blâme minent la confiance et la capacité à réagir efficacement lors d’épidémies comme celle-ci, entravant les efforts d’identification des cas et encourageant des mesures punitives inefficaces. […] Nous réaffirmons que cette maladie peut toucher n’importe qui ».

Les auteurs concluent que les virus ne connaissent pas de frontière, il est donc primordial que le monde agisse de manière cohérente et rapide pour combler les lacunes dans les connaissances et contenir l’épidémie. Comme c’est souvent le cas en médecine clinique, il existe une diversité dans la façon dont les maladies peuvent se manifester et la variole du singe n’est pas différente. Cette épidémie montre que l’humanité continuera à être menacée par les virus et que la coordination et la solidarité internationales sont essentielles pour la santé publique. Les virus ne peuvent être vaincus qu’à l’échelle mondiale.

Source : The New England Jounal of Medicine

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