Les vidéos de robots-chiens, notamment celles mettant en scène le modèle Spot conçu par Boston Dynamics, sont habituellement plutôt cocasses. Mais c’est une vidéo d’un tout autre genre qui circule sur le Web depuis deux jours : le robot-chien ne danse pas en rythme, et n’effectue pas non plus des saltos. Surmonté d’un fusil d’assaut, il est filmé en train de tirer sur des cibles.
La vidéo en question, publiée le 20 juillet sur Twitter, est rapidement devenue virale. On y voit un robot-chien, d’apparence similaire à ceux développés par Boston Dynamics, en train de tirer sur des cibles dans un environnement enneigé. À noter que la précision du tir n’est pas au rendez-vous et le robot semble également avoir du mal à gérer le recul de l’arme. Néanmoins, cette vidéo d’un peu plus d’une minute rappelle que ces robots, qui sont la plupart du temps conçus à des fins d’assistance ou de reconnaissance de terrain, pourraient aussi jouer un rôle plus macabre.
« Tous ceux qui, il y a quelques années, se sont moqués des ‘inquiets’ qui paniquaient à propos des ‘amusants robots chiens danseurs’ devraient être contraints de regarder cette vidéo une fois par jour pendant le reste de l’année », écrit Sean Chiplock, qui a relayé la vidéo sur son compte Twitter. Impossible de savoir si le robot agit de manière autonome ou si une personne, située hors caméra, active la gâchette à distance. Le magazine Vice a toutefois découvert que la vidéo a vraisemblablement été tournée en Russie.
Le « jouet » d’un passionné de technologie
La vidéo originale (ci-dessous) a été publiée sur YouTube au mois de mars, par un certain Alexander Atamanov. Après quelques recherches, Vice a découvert qu’Atamov est le fondateur de la société Hoversurf, qui développe des aéroglisseurs. Passionné de technologie, il semble avoir conçu ce robot tireur simplement pour se divertir et ne semble pas animé d’une quelconque ambition guerrière — même s’il a officiellement baptisé ce chien « Skynet », comme précisé sur son compte Facebook.
Bien qu’il ressemble au robot Spot de Boston Dynamics, ce modèle est complètement différent — comme le rappellent les journalistes de Vice, il existe de nombreuses contrefaçons de ce robot sur le marché. Le modèle que l’on aperçoit dans cette vidéo semble être un produit d’UnitreeYusu, que l’on trouve sur AliExpress pour quelque 3000 dollars. L’arme est très probablement un PP-19 Vityaz — un pistolet-mitrailleur d’origine russe.
À noter que le robot est estampillé de signes distinctifs sur ces flancs : le drapeau russe d’un côté, une tête de loup de l’autre. Cet insigne à tête de loup est communément associé aux forces d’opérations spéciales russes (ou Spetsnaz), rapporte le magazine. Mais il peut être acheté à divers endroits et sa présence ne signifie donc pas que les forces spéciales se sont dotées de robots chiens tueurs… Le véhicule blindé que l’on aperçoit dans la vidéo confirme également l’origine russe de la vidéo : il s’agit d’un BDRM-2, un véhicule russe reconnaissable par sa porte triangulaire, qui a notamment été repéré récemment en Ukraine.
Une technologie difficile à réglementer
Les robots-chiens de Boston Dynamics n’ont officiellement pas vocation à être utilisés dans des conflits armés. On leur prête généralement des fonctions plus « respectables », telles qu’assurer des tâches agricoles (gardiennage, contrôle des rendements, etc.), ou inspecter des endroits dangereux pour l’Homme. Les forces de l’ordre américaines l’utilisent quant à elles à des fins de surveillance, ce qui n’est pas toujours bien accueilli par la population.
Les robots Spot ont cependant déjà été utilisés dans un cadre militaire — pour la reconnaissance, toujours —, y compris lors d’exercices militaires menés par l’armée française. Selon le magazine The Verge, le vice-président du développement commercial de Boston Dynamics, Michael Perry, a déclaré à l’époque que le robot avait été fourni par un distributeur européen, Shark Robotics, et que la firme américaine n’avait pas été informée de cette utilisation particulière.
À savoir que Boston Dynamics met un point d’honneur à ce que ses machines ne soient jamais armées. Les termes et conditions qui encadrent le robot-chien interdisent explicitement de l’utiliser « pour blesser ou intimider une personne ou un animal, en tant qu’arme, ou pour permettre l’utilisation d’une arme » ni « à des fins illégales ou ultra-dangereuses ». Les robots Spot n’ont de ce fait jamais été équipés d’une arme (ou du moins, pas à notre connaissance).
Ce n’est pas le cas du robot Q-UGV, pouvant être équipé d’un fusil de précision automatique développé par Ghost Robotics, en partenariat avec le fabricant d’armes SWORD International. Présentée en octobre 2021 lors de la conférence annuelle de l’Association de l’armée des États-Unis, cette « machine à tuer » peut atteindre sa cible à une distance de 1200 mètres. Les avis sont partagés sur ce genre de technologie. Quand certains y voient un tremplin vers un monde sombre et dangereux, dénué de morale et d’éthique, d’autres ne voient guère de différence entre ces robots-chiens armés et les drones ou autres armes terrestres autonomes déjà déployés.
À noter qu’à ce jour, l’utilisation des armes létales autonomes n’est pas réglementée, malgré plusieurs tentatives infructueuses de l’ONU de les interdire. Les États-Unis et la Russie, et d’autres pays qui développent ce type d’armes, s’opposent fermement à toute restriction dans ce domaine.