Prédits dans le cadre de la relativité générale dès 1916, les trous noirs sont certainement les objets les plus mystérieux du cosmos. Détectables uniquement via leurs effets indirects, seules les mathématiques et les simulations sont capables de nous renseigner sur leur aspect potentiel. Mais cela vient de changer. Après plusieurs années de calculs réalisés sur les données recueillies par l’Event Horizon Telescope (EHT) concernant les trous noirs supermassifs Sagittarius A* (situé au centre de la Voie lactée) et M87* (situé au centre de la galaxie M87), la toute première image de l’un des deux trous noirs supermassifs a été révélée ! Et il s’agit de M87*.
Si marcher sur la Lune était un grand pas pour l’humanité, selon les mots de l’astronaute Neil Armstrong, l’annonce que viennent de faire les différentes institutions spatiales devrait, elle, être un véritable bond de géant. Après plusieurs années à imager le centre de la Voie lactée, l’immense masse de données produites par l’Event Horizon Telescope a enfin terminé d’être analysée par les 800 CPUs de la grille de calcul combinée de l’observatoire Haystack du MIT et de l’Institut Max Planck pour la Radioastronomie (Allemagne).
L’EHT combine la puissance de résolution de divers radiotélescopes — utilisant l’interférométrie à très longue base (VLBI) — dispersés à travers le monde afin d’obtenir un télescope virtuel du diamètre de la Terre. Cela lui permet d’atteindre une résolution angulaire équivalente à celle de l’horizon des événements d’un trou noir. Et c’est justement là l’objectif de l’EHT : observer l’environnement du trou noir supermassif Sagittarius A* situé au centre de la Voie lactée, ainsi que celui du trou noir M87* situé au centre de la galaxie elliptique M87.
Depuis le début de sa mission en 2006, des radiotélescopes se sont ajoutés au réseau au fil du temps, et l’EHT a progressivement accumulé des disques durs de données concernant ses deux cibles. Ces disques durs étant eux-mêmes transportés par avion depuis les différents radiotélescopes jusqu’aux deux centres de calculs cités plus haut.
Bien entendu, malgré le très haut pouvoir de résolution de l’EHT, un trou noir demeure noir. Passé l’horizon des événements, aucun rayonnement électromagnétique ne peut s’en échapper et donc nous renseigner directement sur sa véritable forme. Ce n’est donc pas une image directe du trou noir ou de son horizon des événements qu’il faut attendre, car cela est physiquement impossible.
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Toutefois, en analysant l’environnement immédiat du trou noir et les différents processus physiques qui y prennent place, l’EHT peut recréer une image fidèle de la structure de l’horizon des événements. Notamment en examinant la manière dont l’espace-temps est courbé aux abords de celui-ci et la façon dont la trajectoire de la lumière est déformée. En combinant ceci aux perturbations gravitationnelles et à la dynamique du disque d’accrétion, une silhouette plus ou moins sombre du trou noir peut être obtenue.
Au-delà de la prouesse scientifique que représente une telle image, ces résultats permettront également de tester la relativité générale d’Einstein dans ses conditions physiques les plus extrêmes, ainsi que les modèles théoriques actuels des trous noirs dont Hawking et Wheeler sont les principaux auteurs. Ces résultats permettront également de conforter ou réfuter certaines théories alternatives de la gravité impliquant des modifications de la théorie d’Einstein.
L’image révélée par la collaboration de l’EHT est celle du trou noir supermassif de la galaxie Messier 87 (M87), un objet titanesque d’environ 6 milliards de masses solaires. Elle correspond bien à l’image qu’attendaient les scientifiques au regard des précédentes simulations. Sur le cliché, résultat de deux années de calculs complexes, l’on peut apercevoir l’anneau brillant de la photosphère, entretenue par l’extrême distorsion de l’espace-temps, révélant la silhouette de l’horizon des événements du trou noir :
Concernant le trou noir supermassif situé au centre de la Voie lactée, Sagittarius A*, il faudra attendre encore un peu avant d’en obtenir les premières images. En effet, celui-ci étant moins massif (environ 4 milliards de masses solaires), et donc de plus petite taille, les effets gravitationnels perturbatifs sont moins importants et sa plus haute variabilité impose un temps de traitement et de calcul plus longs.
Vous pouvez revoir l’annonce en direct ici :