Volcans sous-glaciaires : le recul des glaciers pourrait multiplier les éruptions explosives, selon une étude

Cela entraînerait une boucle de rétroaction aggravant encore plus le réchauffement climatique.

volcans sous glaciaire eruption explosive
| Unsplash
⇧ [VIDÉO]   Vous pourriez aussi aimer ce contenu partenaire

La fonte des glaciers pourrait provoquer des éruptions volcaniques plus explosives et plus fréquentes de volcans sous-glaciaires dormants à travers le monde, selon une étude, et libérer d’immenses quantités de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Les glaciers agiraient comme des bouchons recouvrant les réservoirs magmatiques, dont la pression accumulée pendant des milliers d’années risque de se libérer soudainement à mesure qu’ils reculent. Cela pourrait enclencher une boucle de rétroaction aggravant encore plus le réchauffement climatique.

L’hypothèse selon laquelle la fonte des glaciers pourrait influencer l’activité volcanique est avancée depuis les années 1970. Les couches de glace exercent en effet une pression sur la croûte et le manteau terrestres situés en dessous, maintenant le magma comprimé et prisonnier. Puis, lorsque la glace recule, la couche de magma et de gaz souterrain se dilate et accumule de la pression qui finit par exploser de manière violente.

Ce mécanisme serait à l’origine du remodelage profond de l’Islande, où le volcanisme est particulièrement actif en raison de sa position sur la faille tectonique séparant les plaques nord-américaine et eurasienne. L’activité volcanique y serait aujourd’hui de 30 à 50 fois supérieure à celle qui aurait été observée lors de la dernière période glaciaire, il y a 10 000 ans, lorsque l’île était largement recouverte de glace.

Des éruptions plus fréquentes et plus explosives

Cependant, ce phénomène a été peu étudié pour les systèmes volcaniques continentaux. Pour combler cette lacune, un groupe de chercheurs de l’Université du Wisconsin-Madison, aux États-Unis, s’est penché sur six volcans des Andes chiliennes autrefois recouverts de glace. Leurs résultats indiquent que le processus ne se limite pas à l’Islande : il pourrait également concerner l’Antarctique ou d’autres régions continentales, comme certaines zones d’Amérique du Nord, de Nouvelle-Zélande ou de Russie.

« Les glaciers ont tendance à réduire le volume des éruptions des volcans situés en dessous. Mais à mesure qu’ils reculent sous l’effet du changement climatique, nos résultats suggèrent que ces volcans entrent en éruption plus fréquemment et de manière plus explosive », explique dans un communiqué Pablo Moreno-Yaeger, de l’Université du Wisconsin-Madison, auteur principal de l’étude.

« La condition essentielle pour une explosivité accrue est la présence initiale d’une épaisse couche glaciaire au-dessus d’une chambre magmatique. Le point de bascule intervient lorsque ces glaciers commencent à reculer, libérant ainsi la pression — ce qui se produit actuellement dans des régions comme l’Antarctique », ajoute-t-il.

Les résultats de l’étude ont été présentés hier (8 juillet) lors de la conférence Goldschmidt à Prague, l’une des plus importantes rencontres internationales de géochimie. Des chercheurs de l’Université Lehigh, de l’Université de Californie à Los Angeles et du Dickinson College ont également participé aux travaux.

Des éruptions en chaîne avec une portée planétaire

Moreno-Yaeger et ses collègues ont étudié six volcans du sud du Chili, dont le Mocho-Choshuenco, aujourd’hui endormi, pour comprendre l’impact de la fonte du glacier de Patagonie il y a plusieurs millénaires. Pour ce faire, ils ont utilisé la désintégration radioactive de l’argon libéré par les roches volcaniques comme horloge isotopique. Ils ont également analysé les cristaux formés dans les roches magmatiques expulsées lors des éruptions.

La datation des éruptions passées et l’analyse des cristaux ont permis de retracer l’effet du poids et de la pression de la glace sur les caractéristiques du magma souterrain. Les chercheurs ont ainsi constaté qu’au plus fort de la dernière période glaciaire (entre 26 000 et 18 000 ans avant notre ère), une épaisse couche de glace avait totalement supprimé l’activité volcanique, permettant à un vaste réservoir magmatique riche en silice de s’accumuler entre 10 et 15 kilomètres de profondeur.

Cependant, lorsque les glaciers ont reculé à la fin de cette période, la croûte recouvrant le réservoir s’est assouplie, laissant le gaz et le magma se dilater. La pression accumulée a déclenché des éruptions volcaniques explosives depuis ces profondeurs, donnant naissance au volcan Mocho-Choshuenco.

Selon les chercheurs, un tel scénario pourrait se reproduire avec les volcans sous-glaciaires actuels. Leur réveil pourrait avoir des conséquences à l’échelle planétaire. À court terme, ces éruptions projetteraient des aérosols dans l’atmosphère, provoquant un refroidissement temporaire : les particules réfléchissent davantage la lumière solaire vers l’espace. Ce phénomène a été observé après l’éruption du mont Pinatubo, aux Philippines, en 1991, qui a entraîné une baisse d’environ 0,5 °C de la température moyenne mondiale.

En revanche, des éruptions répétées pourraient à long terme avoir l’effet inverse. « Au fil du temps, l’effet cumulatif de multiples éruptions peut contribuer au réchauffement climatique à long terme en raison de l’accumulation de gaz à effet de serre », souligne Moreno-Yaeger. « Cela crée une boucle de rétroaction positive : la fonte des glaciers déclenche des éruptions, lesquelles pourraient à leur tour aggraver le réchauffement et accélérer la fonte. »

Ces résultats renforcent la nécessité urgente de réduire les émissions de gaz à effet de serre afin de préserver les glaciers et de maintenir endormis les volcans qu’ils recouvrent. En outre, si la réponse des volcans à la fonte est quasi instantanée d’un point de vue géologique, les transformations des systèmes magmatiques se produisent plus lentement, sur plusieurs siècles. Cela laisse une certaine marge pour la mise en place de systèmes d’alerte précoce.

Laisser un commentaire