Ayant lieu au sein des étoiles, mais également au sein de dispositifs artificiels comme la bombe à hydrogène (bombe H), le phénomène de fusion nucléaire est un des phénomènes physiques connus les plus énergétiques. Malgré l’échec des scientifiques à la maîtriser depuis le début des années 1950, les physiciens continuent de l’étudier afin de mieux la comprendre.
Lors de la fusion nucléaire, deux noyaux atomiques s’interpénètrent. Pour ce faire, les noyaux, qui sont chargés positivement, doivent vaincre la répulsion électrique (barrière coulombienne) qui tend à les éloigner. Pendant ce processus, la réorganisation interne des nucléons (protons et neutrons) dégage de grandes quantités d’énergie nucléaire dont la source est l’énergie de liaison nucléaire, c’est-à-dire l’énergie assurant la cohésion du noyau via l’interaction nucléaire forte.
Si la fusion nucléaire est particulièrement bien décrite dans le cas de la fusion de l’hydrogène – dans le cadre de la fusion d’un noyau de deutérium et d’un noyau de tritium (isotopes de l’hydrogène), il existe théoriquement des cas de fusion nucléaire bien plus énergétiques. En effet, dans une étude publiée dans le journal Nature le 2 novembre 2017 (1), les physiciens Marek Karliner (Université de Tel Aviv) et Jonathan Rosner (Université de Chicago) démontrent que la fusion impliquant des quarks dégagerait bien plus d’énergie que la fusion de l’hydrogène.
La fusion des quarks : une énergie bien supérieure à la fusion de l’hydrogène
Il y a quelques mois, nous annoncions la découverte d’un nouveau baryon par le LHCb : le baryon Ξcc++, composé de deux quarks CHARM « c » et d’un quark UP « u » (l’on trouve ainsi également la notation Ξcc++ = ccu), et formé lors de la fusion de deux baryons lourds Λc. Le baryon Ξcc++ possède une masse de 3.621 GeV/c², impliquant une énergie de liaison nucléaire B(cc) de 129 MeV (1, 2) entre les deux quarks CHARM.
Lors de la fusion de ces derniers, une telle énergie de liaison conduirait à un dégagement exothermique d’énergie nucléaire de 12 MeV, provenant du réarrangement des quarks. Cette réaction se note ΛcΛc → Ξcc++ n (avec « n » un baryon léger). Elle peut être considérée comme l’analogue de la fusion deuterium-tritium, DT → 4He n, qui dégage environ 17.6 MeV.
Après avoir étudié les quarks CHARM, les physiciens ont étudié la réaction de fusion concernant des quarks bien plus massifs : les quarks BOTTOM « b », possédant une masse de 4 GeV/c². Pour une configuration à deux quarks BOTTOM, l’énergie de liaison est d’environ 280 MeV, conduisant au dégagement d’une énergie de 138±12 MeV lors de la réaction ΛbΛb → Ξbb N. Soit une énergie 8 fois plus importante que celle produite par la fusion de l’hydrogène.
Bien que théoriquement possible à mettre en œuvre expérimentalement au LHC, l’instabilité des quarks rend la réalisation de la fusion des quarks extrêmement complexe. En effet, le quark BOTTOM possède une durée de vie de 10-12 secondes et le quark CHARM une durée de vie de 10-13 secondes. De telles valeurs rendent impossible la persistance de réactions nucléaires en chaîne. À ce titre, les auteurs précisent bien qu’il est donc impossible d’utiliser la fusion des quarks dans une arme nucléaire.
Les physiciens montrent que ces réactions de fusion entre quarks pourraient également avoir lieu avec les hypernoyaux. Les hypernoyaux sont des noyaux composés d’hypérons et de nucléons. Les hypérons sont des baryons composés d’au moins un quark STRANGE. Ainsi, la production de l’hypernoyau Ξ-16-C dégagerait une énergie d’environ 139 MeV lors du réarrangement des quarks.