Un immunosuppresseur courant pourrait prolonger la fertilité féminine de 5 ans

Le composé a réduit le vieillissement ovarien de 20 % lors d’essais cliniques.

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Des essais cliniques préliminaires avec un médicament couramment utilisé pour prévenir les rejets de greffes suggèrent qu’il pourrait prolonger la fertilité chez les femmes jusqu’à 5 ans. Une dose hebdomadaire pendant 3 mois a réduit le vieillissement ovarien de 20 %, en limitant le nombre de follicules primordiaux activés par cycle menstruel. Ces résultats mettent en évidence le potentiel de réutilisation de médicaments existants pour traiter d’autres problèmes de santé.

La fertilité chez les femmes commence généralement à décliner à partir de l’âge de 35 ans. Chez la femme, la fertilité dépend en effet de la réserve ovarienne. Il s’agit des follicules primordiaux, des amas de cellules spécialisées produites par les ovaires et entourant les ovocytes. À ne pas confondre avec les ovules, qui sont le résultat de la maturation des ovocytes. L’ovule désigne ainsi la cellule prête pour une fécondation.

Un grand nombre de follicules meurent avant même la naissance, ce qui signifie que chaque femme naît avec le nombre total de follicules dont elle disposera tout au long de sa vie — d’où l’appellation « réserve ovarienne ». Chaque follicule contient un ovocyte et entre dans un état de dormance jusqu’à la puberté. Puis, une fois l’âge de la puberté atteint, plusieurs dizaines d’entre eux sont recrutés et activés à chaque cycle menstruel. Cependant, un seul libère un ovule pour être fécondé, tandis que le reste est dégradé par l’ovaire.

La réserve diminue de façon mesurable à partir de 35 ans, jusqu’à la préservation d’un nombre très limité de follicules de bonne qualité. Le taux d’activation des follicules diminue également en raison d’une inflammation chronique de faible intensité qui survient avec le vieillissement. La perte progressive de la réserve s’accompagne en outre d’une réduction des hormones ovariennes circulant dans l’organisme. L’ensemble de ces processus aboutit finalement à la ménopause.

Cependant, alors que la ménopause survient généralement entre 50 et 55 ans, certaines femmes souffrent de ménopause précoce — qui se manifeste dès 45 ans. Certaines présentent même une ménopause prématurée avant l’âge de 40 ans. Malgré les avancés en matière de don d’ovocytes et de technologies de fertilité, la préservation de la réserve ovarienne chez les femmes demeure essentielle pour l’avenir de la natalité humaine — sans compter le vieillissement rapide de la population mondiale. Il est important de noter que la ménopause a également des impacts sur la qualité de vie et la santé des femmes, notamment en augmentant les risques de maladies cardiovasculaires, d’ostéoporose et de démence.

Des stratégies pharmacologiques sont de plus en plus explorées pour préserver au mieux cette réserve. Parmi les plus prometteuses figure la rapamycine, qui a montré des résultats encourageants pour ralentir la perte de réserve ovarienne et prolonger la fertilité féminine lors d’essais cliniques préliminaires.

« Même s’il est encore trop tôt pour dire si la rapamycine pourrait être l’avenir des traitements contre la fertilité (il faudra attendre deux ans pour que l’essai clinique soit terminé), il y a des raisons d’être optimiste quant aux résultats rapportés », explique dans un article publié dans The Conversation Stéphane Berneau, maître de conférences à l’École de pharmacie et de sciences biomédicales de l’Université de Central Lancashire (en Angleterre).

Une réduction de 20 % du vieillissement ovarien

Également appelée sirolimus, la rapamycine est un composé extrait d’une algue découverte sur l’île de Pâques. Ses propriétés bactéricides, antimycotiques, antiprolifératives et immunosuppressives en font un composé largement exploré pour les recherches biomédicales. Il est par exemple utilisé en tant que traitement immunosuppresseur post-opératoire après une transplantation d’organe et pour traiter certaines maladies vasculaires en ralentissant la prolifération cellulaire.

Récemment, des études ont montré que la rapamycine améliorait plusieurs marqueurs du vieillissement chez la souris. L’une d’entre elles fait par exemple état d’un ralentissement de la perte de tonus musculaire liée à l’âge, tandis qu’une autre rapporte une augmentation de 10 % de la durée de vie chez les souris âgées.

Une recherche a en outre démontré qu’une dose quotidienne du médicament ralentissait le vieillissement ovarien et retardait la ménopause chez les souris. Ces dernières présentaient une augmentation de leur réserve de follicules primordiaux (en réduisant le nombre activé et dégradé à chaque cycle menstruel) et ont eu des portées même plus tard dans leur vie.

Dans le cadre de l’essai clinique préliminaire, les effets du médicament ont été évalués chez 50 femmes âgées de 35 à 45 ans et périménopausées (la phase de transition vers la ménopause). Les critères de sélection incluaient également les femmes qui n’ont pas pu concevoir en raison d’une diminution de la réserve ovarienne, qui ont déjà échoué à des FIV ou qui ne souhaitent tout simplement pas avoir d’enfant.

Les volontaires ont reçu soit une dose hebdomadaire de rapamycine, soit un placebo. Pendant toute la durée du traitement (3 mois), leur réserve ovarienne a été suivie par le biais d’une échographie transvaginale. Des analyses des taux d’hormones ovariennes ont également été effectuées.

Les chercheurs ont constaté que le médicament a réduit le vieillissement ovarien (c’est-à-dire augmenté la réserve ovarienne) d’environ 20 % et ce, sans effets secondaires. Chez les femmes traitées, seuls 15 follicules ont été activés par cycle menstruel, contre 50 chez les participantes témoins. Les experts estiment que cela pourrait se traduire par un gain supplémentaire de 5 ans de fertilité.

Toutefois, le nombre de participantes à l’étude ainsi que sa durée sont relativement restreints et les résultats pourraient ne pas s’appliquer à toutes les femmes. En prochaine étape, les chercheurs prévoient ainsi d’élargir la cohorte avec le recrutement de 1000 femmes. Des travaux supplémentaires seront également nécessaires afin de déterminer si les effets du médicament sur la fertilité persistent sur le long terme. De leur côté, Berneau et ses collègues prévoient d’explorer le potentiel de réutilisation de médicaments existants, tels que ceux contre le diabète.

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