Des chercheurs ont identifié un groupe de 31 microorganismes et dysfonctionnements métaboliques spécifiques aux personnes atteintes d’autisme au niveau du microbiote intestinal. Bien que des études aient précédemment mis au jour des groupes microbiens intestinaux associés aux troubles du spectre de l’autisme (TSA), cela incluait principalement les bactéries. La nouvelle étude propose un panel de biomarqueurs plus significatifs incluant plusieurs règnes microbiens.
La prévalence des TSA a considérablement augmenté au cours des deux dernières décennies, en partie en raison d’efforts de sensibilisation et de diagnostic. On estime qu’ils affectent actuellement entre 5 et 15 % de la population mondiale. Dans les pays occidentaux, 1 personne sur 100 pourrait être diagnostiquée autiste. Pour des raisons qui restent mystérieuses, ce trouble semble affecter majoritairement les hommes.
Bien que l’étiologie exacte des TSA soit en grande partie incomprise, on estime qu’ils sont associés à une interaction complexe entre des facteurs génétiques et environnementaux. À ce jour, plus de 200 gènes ont été identifiés comme étant liés au trouble et 60 à 90 % des cas d’autisme seraient dus à des facteurs génétiques. La probabilité d’avoir un enfant autiste est 10 à 20 fois plus élevée chez les parents ayant déjà eu un précédent enfant souffrant du même trouble. D’autre part, les jumeaux monozygotes (vrais jumeaux) partagent un diagnostic d’autisme plus fréquemment que les jumeaux dizygotes (faux jumeaux). Les facteurs non génétiques vont, quant à eux, des polluants environnementaux aux complications néonatales, en passant par l’âge des parents au moment de la conception.
D’un autre côté, de précédentes études ont montré le rôle central du microbiote intestinal dans la régulation de l’axe intestin-cerveau. En modulant les réseaux neuroimmunitaires et la production de neurotransmetteurs, il pourrait être impliqué dans le développement des TSA. Des analyses précliniques ont montré une altération du microbiote intestinal (dysbiose intestinale) chez les enfants présentant le trouble. En outre, le transfert de microbiote fécal (FMT) de personnes atteintes de TSA à des souris a favorisé un comportement de type autistique, tandis que la transplantation de microbiote fécal sain à des enfants atteints de TSA a entraîné une diminution des symptômes. Une récente étude a également mis au jour des groupes microbiens intestinaux spécifiques aux enfants souffrant du trouble.
Cependant, la plupart de ces travaux se sont uniquement basés sur la composante bactérienne du microbiote intestinal. Or, des recherches ont récemment démontré l’implication des organismes non bactériens (archées, champignons et virus) dans la modulation de l’axe intestin-cerveau. La nouvelle étude, de l’Université chinoise de Hong-Kong (CUHK), vise à combler les lacunes en effectuant une analyse métagénomique multirègne sur des enfants autistes et neurotypiques.
Une réduction significative de 80 espèces microbiennes
L’étude, détaillée dans la revue Nature Microbiology, inclut 1627 enfants diagnostiqués autistes et neurotypiques âgés de 1 à 13 ans (24,4 % étaient des filles). Leurs selles ont été collectées pour une analyse métagénomique, qui consiste à étudier la structure génétique et la fonction de l’ensemble des microorganismes présents dans un échantillon, et non uniquement des bactéries.
Les chercheurs ont constaté des changements dans la diversité microbiotique des enfants souffrant de TSA. Des différences marquées ont été détectées pour 51 espèces de bactéries, 18 virus, 14 archées et 7 champignons. L’abondance relative de 80 de ces espèces microbiennes était significativement inférieure chez les enfants autistes, par rapport aux neurotypiques. La différence la plus prononcée a été détectée chez les bactéries, où 50 espèces étaient moins fréquentes, tandis qu’une seule était présente à des niveaux similaires.
Toutefois, « cela n’implique pas nécessairement la causalité, mais suggère que le microbiote peut influencer la gravité ou l’expression des symptômes du spectre autistique », a précisé Qi Su du CUHK, auteur principal de l’étude, à The Guardian. D’autre part, une altération d’une douzaine de voies impliquées dans le métabolisme énergétique et le neurodéveloppement a également été constatée chez les enfants autistes.
Une précision de diagnostic de 82 %
Sur la base de ces informations, les chercheurs ont sélectionné un panel de 31 marqueurs microbiens et métaboliques pour établir un diagnostic d’autisme. Ils ont ensuite formé un modèle d’apprentissage automatique à partir de ces données pour détecter la maladie. Des facteurs de variabilité tels que l’âge, le sexe et la région géographique des lieux de résidence ont également été pris en compte. Ils ont constaté que le modèle pouvait identifier les enfants autistes avec une précision de 82 %.
Ces résultats pourraient ouvrir la voie à des techniques de diagnostic précoce simples, non invasives et peu coûteuses. Il est en effet important de savoir qu’il faut généralement trois à quatre ans pour établir un diagnostic confirmé d’autisme, la plupart des enfants étant diagnostiqués à l’âge de six ans. Cette lenteur de dépistage est non seulement due aux procédures, mais également à la pénurie de cliniciens (psychologues et psychiatres) formés pour poser un diagnostic correct. « Notre panel de biomarqueurs du microbiote est très performant chez les enfants de moins de quatre ans, ce qui peut faciliter un diagnostic précoce », suggère Su.
Par ailleurs, ces résultats suggèrent la possibilité de traiter les TSA ainsi que d’autres maladies en améliorant ou en modifiant le microbiote intestinal. Nous avons d’ailleurs exploré la question dans un précédent article d’investigation. Toutefois, davantage de recherches sont nécessaires afin de confirmer ces données, la reproductibilité des résultats ayant tendance à faire défaut dans les recherches basées sur le microbiote intestinal.