Autisme : coup de projecteur sur la forte implication du microbiote intestinal, grâce à une analyse portant sur 1200 enfants

autisme microbiote intestinal
| Pixabay
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Depuis quelques années, les scientifiques soupçonnent l’implication du microbiote intestinal dans les troubles du spectre de l’autisme (TSA). Cependant, la grande disparité des données entrave la cohérence des résultats. Une nouvelle analyse longitudinale donne un coup de projecteur inédit sur le sujet, en confirmant l’existence de voies métaboliques spécifiques étroitement liées aux TSA et principalement régies par plusieurs genres microbiotiques.

L’autisme englobe une large gamme de conditions neurodéveloppementales incluant des troubles cognitifs, comportementaux et communicatifs, se manifestant tôt dans l’enfance. Plus de 100 gènes potentiellement associés aux TSA ont été identifiés à ce jour et contribuent au diagnostic clinique précoce standardisé. Cependant, le trouble se manifeste de manière particulièrement hétérogène, que ce soit phénotypique, physiologique ou comportemental. Cette grande différence entrave considérablement l’identification des mécanismes biomoléculaires sous-tendant les symptômes.

Visant à décrypter ces mécanismes, de nombreuses recherches se sont orientées vers l’axe intestin-cerveau, notamment sur les interactions entre le système gastro-intestinal et le système nerveux endocrinien, neuro-immunitaire et autonome. Il s’avère que le microbiote intestinal (faisant référence à l’ensemble du génome microbien présent) est une pièce maîtresse dans la régulation de cet axe, et son altération contribue à la pathogenèse de troubles neurodéveloppementaux, dont les TSA.

Une incohérence dans les données antérieures

Malgré leur mise en lien, la mesure dans laquelle le microbiote influence l’axe intestin-cerveau reste peu comprise. Les recherches à ce jour sur le sujet rapportent généralement des proportions assez relatives de microbes spécifiques. Les séquençages métagénomiques du microbiote intestinal de personnes souffrant d’autisme ont révélé de nombreuses variations, par rapport à celui des neurotypiques. Mais ces résultats comportaient un taux élevé d’incohérences et ne permettaient pas d’identifier quelles populations microbiennes sont véritablement pertinentes, pour les conditions liées aux TSA.

La nouvelle analyse longitudinale, réunissant les plus éminents experts dans le domaine, consistait à « aborder la question en constante évolution de la manière dont le microbiote est associé à l’autisme », selon l’auteur co-correspondant Gaspar Taroncher-Oldenburg, directeur des alliances thérapeutiques à l’Université de New York. « Nous revenons aux ensembles de données existants et voyons combien d’informations nous pourrions en tirer », explique-t-il.

Rassemblant au total 43 experts internationaux en biologie computationnelle, en ingénierie informatique et en médecine, la nouvelle étude se base sur une analyse informatique poussée de 25 ensembles de données, englobant plus de 1200 enfants. L’un des auteurs, James Morton du centre de biologie computationnelle de la fondation Simons de New York explique : « Nous avons pu harmoniser des données apparemment disparates provenant de différentes études et trouver un langage commun avec lequel les unir ».

Récemment publiée dans la revue Nature Neuroscience, l’analyse révèle l’existence d’une signature microbienne spécifique à l’autisme. Cette découverte est corroborée par une étude majeure à long terme intervenant sur des personnes autistes par le biais d’un traitement axé sur le microbiote intestinal. L’intervention — consistant à la transplantation de microbiote sain provenant d’un donneur — s’est révélée prometteuse et suggère que les TSA pourraient être une condition réversible.

Implication de genres microbiotiques spécifiques

Pour effectuer leur analyse de précision, les chercheurs ont développé un algorithme brassant 25 ensembles de données sur le microbiote, l’expression des gènes neuronaux, la réponse immunitaire et le régime alimentaire, concernant des cohortes autistes et neurotypiques. L’algorithme a ensuite classé les individus de ces cohortes par paires, comprenant chacune une personne atteinte d’autisme et une personne neurotypique (contrôle), du même âge et du même sexe. De ce fait, chaque paire est traitée comme étant un point de données. Au total, l’analyse réunit 600 paires TSA-contrôle correspondant à plus de 1200 enfants. Cette approche innovante a permis de déterminer avec cohérence et précision les différences de microbiome chez les enfants autistes.

À leur grande surprise, les scientifiques ont identifié chez les enfants atteints d’autisme des voies métaboliques spécifiques (agissant au niveau de l’axe intestin-cerveau) régies par des genres microbiotiques particuliers. L’activation de ces voies serait en corrélation avec l’hétérogénéité des phénotypes de TSA et se manifeste par des différences de profils d’acides aminés, de glucides et de lipides. Cette activation serait codée par les genres Prevotella, Bifidobacterium, Desulfovibrio et Bacteroides. Ces groupes sont également impliqués dans la modification de l’expression de gènes neuronaux, dans les changements biomoléculaires liés aux régimes alimentaires restrictifs et dans la production de cytokines inflammatoires.

« L’architecture fonctionnelle révélée dans les cohortes appariées selon l’âge et le sexe n’est pas présente dans les cohortes appariées selon la fratrie », écrivent les chercheurs dans leur étude. Des changements temporels phénotypiques et microbiotiques ont également été constatés. En citant les problèmes de conformité souvent rencontrés par les études traditionnelles à long terme, les experts suggèrent que les conceptions d’études devraient prendre en compte plus efficacement la réalité de l’échantillonnage à long terme du microbiome des personnes autistes.

Par ailleurs, cette approche longitudinale pourrait également être transposée à d’autres domaines impliquant potentiellement le microbiote intestinal, tels que la dépression, Parkinson et le cancer. « Mais le plus gros point est qu’à l’avenir, nous avons besoin d’études solides à long terme qui examinent autant d’ensembles de données que possible afin de comprendre comment ils changent lorsqu’il y a une intervention », conclut Morton.

Source : Nature Neuroscience

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