Le secteur de l’IA a récemment été bousculé par l’émergence d’un modèle d’intelligence artificielle chinois open source, développé par la start-up DeepSeek. La semaine dernière, l’entreprise a dévoilé DeepSeek-R1, la dernière version de son IA générative, dont les performances rivalisent avec celles des modèles phares développés aux États-Unis. Selon DeepSeek, ce projet a nécessité un investissement de moins de six millions d’euros, une somme dérisoire comparée aux budgets colossaux mobilisés par les géants américains. Le chatbot s’est rapidement hissé au sommet des applications gratuites les plus téléchargées sur l’App Store, tout en ébranlant les cours des entreprises phares de la Silicon Valley.
Jusqu’à la semaine dernière, DeepSeek était inconnue pour beaucoup. Aujourd’hui, la start-up est propulsée sur le devant de la scène, notamment aux États-Unis, grâce à son chatbot devenu un sérieux concurrent de ChatGPT et Gemini. Fondée en 2023 à Hangzhou par l’entrepreneur Liang Wenfeng, DeepSeek incarne une nouvelle vague d’innovation technologique en Chine. Âgé de 40 ans, Wenfeng a financé la start-up en mobilisant des capitaux issus du fonds spéculatif High-Flyer, qu’il a également cofondé.
Contrairement à de nombreuses entreprises technologiques chinoises, DeepSeek a choisi de fonctionner de manière indépendante, sans s’appuyer sur les infrastructures des mastodontes comme Baidu ou Alibaba. Une stratégie audacieuse reposant sur l’expertise locale pour développer des modèles performants. Le résultat : DeepSeek-R1 rivalise directement avec les leaders américains, avec des capacités impressionnantes de raisonnement, à l’instar d’o1 d’OpenAI, et des aptitudes particulièrement élevées en codage et en résolution de problèmes mathématiques complexes, selon l’entreprise.
« Ce que nous avons constaté, c’est que DeepSeek est soit le meilleur (pour une tâche donnée), soit au niveau des meilleurs modèles américains », a affirmé Alexandre Wang, PDG de la société américaine Scale AI, lors d’une interview accordée à CNBC. Lancé le 10 janvier aux États-Unis, le chatbot est déjà disponible en application mobile et sur ordinateur. Il a non seulement conquis la première place des téléchargements, mais il est également devenu l’une des applications les mieux notées du pays.
Un développement à moins de 6 millions d’euros
Selon Liang Wenfeng, DeepSeek-R1 a été conçu en utilisant des puces informatiques moins avancées que celles employées par les géants américains. Ces composants ont cependant été combinés à des puces Nvidia A100, acquises avant leur interdiction d’exportation vers la Chine. Marc Andreessen, investisseur influent de la Silicon Valley, a qualifié DeepSeek-R1 de « moment Spoutnik » pour l’intelligence artificielle, en référence au satellite soviétique de 1957 qui avait en quelque sorte déclenché la course à l’espace. Sur son compte X, Andreessen a salué cette avancée comme « l’une des plus impressionnantes » du domaine.
L’apparition inattendue de DeepSeek sur le marché marque un tournant, remettant en question la domination américaine sur l’intelligence artificielle. Cette annonce intervient alors que Donald Trump, lors d’un événement récent à la Maison-Blanche, a évoqué un investissement de 500 milliards de dollars dans le cadre du projet d’IA Stargate. En comparaison, DeepSeek affirme avoir dépensé moins de six millions d’euros pour l’entraînement de son modèle, une somme infime face aux budgets astronomiques mobilisés par des acteurs comme Meta, OpenAI ou Alphabet (Google).
« Les implications de DeepSeek en matière de coûts pour la formation de l’IA pourraient bien marquer la fin de l’euphorie des dépenses d’investissement qui a suivi les annonces majeures de Stargate et Meta la semaine dernière », ont écrit les analystes de la banque d’investissement Jefferies, dans une note publiée sur TechCrunch.
DeepSeek = Deep Sink ?
L’arrivée de DeepSeek suscite par ailleurs des interrogations sur l’avenir de l’IA aux États-Unis. En effet, ce lundi, les marchés financiers ont accusé le coup : la valorisation de la start-up et ses faibles coûts ont contribué à une baisse de 3 % du Nasdaq. Nvidia, qui domine le marché des composants utilisés pour l’IA générative (entre autres), a perdu 600 milliards de dollars de capitalisation boursière en une journée, après une chute de 17 % de la valeur de ses actions. Microsoft, SoftBank et Oracle ont également vu leurs titres reculer respectivement de 4 %, 9 % et 7 %.
Si certains analystes relativisent en qualifiant l’engouement autour de DeepSeek d’exagéré, le succès de la start-up remet néanmoins en cause l’idée selon laquelle des budgets astronomiques et des puces de pointe sont indispensables pour faire progresser l’intelligence artificielle.