Une étude révèle que le taux de réchauffement des océans a plus que quadruplé au cours des 40 dernières années, avec une température moyenne augmentant de 0,27 °C par décennie. Ce réchauffement accéléré serait dû à l’augmentation du déséquilibre énergétique de la Terre. Les océans rejettent beaucoup moins d’énergie solaire dans l’espace qu’auparavant, en raison de la hausse toujours croissante des émissions de gaz à effet de serre.
2024 a été l’année la plus chaude jamais enregistrée depuis le début des relevés météorologiques. Elle est également la première à dépasser le seuil de 1,5 °C par rapport aux niveaux préindustriels, l’une des limites symboliques pour lesquelles l’Accord de Paris a été signé.
Les températures moyennes de la surface de la mer ont également atteint des records pendant 450 jours consécutifs, entre avril 2023 et juillet 2024. Ces fortes hausses de températures sont en partie attribuées à l’effet El Niño, qui a émergé en début d’année 2023. Des pics similaires ont été observés lors des précédents épisodes El Niño de 1997-1998 et 2015-2016.
Cependant, les températures océaniques des deux années précédentes ont dépassé de loin ce qui devrait être attendu lors d’un événement El Niño. Celui de 2023-2024 s’est accompagné de pics de température de surface océanique d’une durée et d’une amplitude inhabituelles. Or, les données climatiques indiquent qu’il était moins intense que celui de 1997-1998. Cela suggère que les températures de 2023-2024 étaient anormalement élevées.
La nouvelle analyse de l’Université de Reading (en Angleterre) révèle que les températures inhabituelles des deux dernières années seraient attribuées à un réchauffement accéléré de la surface des océans. « Les océans déterminent le rythme du réchauffement climatique en général », explique Christopher Merchant, auteur principal de l’étude, au New Scientist. « Par extension, le réchauffement climatique dans son ensemble, y compris sur la terre ferme, s’est donc accéléré ».
Un phénomène dû au déséquilibre énergétique de la Terre
En analysant plusieurs décennies de données satellites, l’étude – publiée dans la revue Environmental Research Letters – montre que le taux de réchauffement de la surface de la mer était beaucoup plus rapide au cours des dix dernières années, qu’au cours des décennies précédentes. Plus précisément, le réchauffement des océans a plus que quadruplé au cours des quatre dernières décennies.
Alors qu’elles augmentaient d’environ 0,06 °C par décennie depuis la fin des années 1980, elles augmentent désormais à un rythme de 0,27 °C par décennie. « Si les océans étaient une baignoire d’eau, alors dans les années 1980, le robinet d’eau chaude coulait lentement, réchauffant l’eau d’une fraction de degré seulement par décennie. Mais aujourd’hui, le robinet d’eau chaude coule beaucoup plus vite, et le réchauffement s’est accéléré », explique Merchant dans un communiqué.
D’après les chercheurs, ce réchauffement accéléré serait dû à l’augmentation du déséquilibre énergétique de la Terre. Les systèmes terrestres, y compris les océans, absorberaient désormais plus d’énergie solaire qu’ils n’en rejettent dans l’espace. En conséquence, la quantité de chaleur qui s’accumule au niveau des océans augmente.
Le déséquilibre énergétique de la Terre a plus que doublé depuis 2010, principalement en raison de la hausse de la concentration des gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Bien que les températures de 2023-2024 soient en partie attribuées à l’effet El Niño, 44 % seraient directement attribuées à ce déséquilibre énergétique et au réchauffement accéléré des océans qui en résulte.
Des températures encore plus élevées dans les 20 prochaines années
Ces résultats ne constituent toutefois pas un indicateur précis des réchauffements à venir, ont précisé les chercheurs. Par ailleurs, le déséquilibre énergétique a diminué en 2024 après avoir atteint un pic en 2023. Néanmoins, selon les experts de la nouvelle étude, il est hautement probable que les températures océaniques des 20 prochaines années surpassent celles des 40 dernières années. Merchant affirme en outre que les tendances climatiques actuelles sont en accord avec les (voire supérieures aux) prévisions les plus préoccupantes des modèles.
Ces observations laissent présager un dangereux basculement où le seuil de 1,5 °C pourrait être définitivement franchi. « En soi, une hausse de 1,5 °C ne constitue pas un obstacle majeur en termes d’impacts climatiques », explique dans un article du Musée d’histoire naturelle de Londres, Rowan Sutton, directeur du Hadley Centre du Met Office, qui n’a pas participé à l’étude. « Mais chaque fraction de degré d’augmentation de la température mondiale accroît la fréquence et la gravité des phénomènes météorologiques extrêmes ».
« Le moyen de ralentir ce réchauffement est de commencer à fermer le robinet d’eau chaude, en réduisant les émissions mondiales de carbone et en s’orientant vers la neutralité carbone », conclut Merchant en revenant à sa précédente analogie.