Plus tôt ce mois-ci, le modèle R1 de la startup DeepSeek a fait sensation aux États-Unis en surpassant certains modèles concurrents. Marc Andreessen, figure influente de la Silicon Valley, a salué cette avancée en qualifiant DeepSeek-R1 de « moment Spoutnik », ajoutant qu’il s’agit selon lui de l’une des percées les plus impressionnantes en intelligence artificielle. Récemment, Andreessen a de nouveau attiré l’attention en exposant sa vision « techno-optimiste » du futur. Le PDG de la célèbre société de capital-risque Andreessen Horowitz a déclaré que l’IA vise à faire baisser les salaires à l’échelle mondiale et que cette évolution est une étape nécessaire vers une utopie économique.
L’intelligence artificielle progresse à une vitesse fulgurante. Ses avancées offrent un potentiel immense, mais aussi un risque accru de pertes d’emplois à grande échelle. Lors d’un débat organisé à l’Université de Dartmouth en juin 2024, Mira Murati, ancienne directrice technique d’OpenAI, a déclaré que si l’IA éliminait les emplois créatifs, c’était parce que ces métiers « n’auraient pas dû exister en premier lieu ». Une déclaration qui illustre la menace de l’automatisation sur de nombreux secteurs.
En janvier, Sam Altman, PDG d’OpenAI, a annoncé l’arrivée imminente des agents IA autonomes sur le marché du travail. Ces systèmes seraient capables d’exécuter des tâches complexes sans intervention humaine. Microsoft développe également des agents capables de prendre des décisions d’achat et d’effectuer des transactions de leur plein gré.
Sur le plan administratif, Goldman Sachs, l’une des plus grandes banques d’investissement, a récemment déployé un assistant IA destiné à ses banquiers et courtiers. L’objectif à terme serait d’introduire des agents dotés des mêmes compétences que les employés expérimentés. Mark Zuckerberg, PDG de Meta, a également affirmé que les ingénieurs de niveau intermédiaire risquent d’être remplacés par l’IA.
Un mal pour un bien ?
Ces annonces traduisent la fragilité grandissante du marché de l’emploi face aux progrès fulgurants de l’IA. Toutefois, Marc Andreessen a récemment réaffirmé, dans un tweet, que le but de l’IA n’était pas de remplacer les travailleurs, mais bien de faire chuter leur revenu. Une déclaration qui a suscité un tollé, ravivant les inquiétudes quant aux conséquences économiques de cette révolution technologique.
Pour Andreessen, cette transition est inévitable et même bénéfique : elle permettrait l’avènement d’une « utopie économique » sans sous-classe sociale. « Un monde dans lequel les salaires humains s’effondrent à cause de l’IA – logiquement et nécessairement – est un monde où la productivité explose et où les prix des biens et des services chutent jusqu’à frôler le zéro », a-t-il affirmé, avant d’ajouter : « Une corne d’abondance pour les consommateurs. Tout ce dont vous avez besoin et envie pour quelques centimes ».
Si Andreessen défend une vision « techno-optimiste », ses propos traduisent une logique économique implacable, partagée par les élites de la Silicon Valley. Dans cette perspective, le progrès technologique s’impose et les bouleversements qu’il entraîne ne seraient qu’une étape vers une prospérité future. Pourtant, ces discours ne s’accompagnent d’aucune mesure concrète pour améliorer les conditions des travailleurs. Les rares propositions visant à atténuer l’impact social de l’IA, comme le revenu universel, demeurent vagues et hypothétiques.
Dans le même temps, Andreessen n’hésite pas à fustiger ceux qui s’inquiètent de ces transformations. Il a ainsi affirmé que nombre de travailleurs sont des « communistes qui détestent l’Amérique » et infiltreraient les entreprises pour les saboter. Quoi qu’il en soit, un rapport scientifique international sur les risques liés à l’IA, qui doit être publié prochainement, devrait aborder cette question. Selon les premières analyses, l’IA pourrait rapidement remplacer de nombreux travailleurs, entraînant une baisse des salaires et du taux d’emploi.