Des fragments de l’astéroïde Bennu bouleversent notre compréhension de l’origine de la vie sur Terre

De nouvelles analyses révèlent une distribution inhabituelle des acides aminés, soulevant de nouvelles questions sur le rôle des astéroïdes dans l’émergence de la vie.

Des minéraux et des acides aminés découverts sur des échantillons d’astéroïdes remettent en question la théorie de l’apparition de la vie sur Terre
Aperçu du mécanisme d'acquisition d'échantillons de Bennu d'OSIRIS-REx | NASA
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Des chercheurs ont récemment identifié que l’astéroïde géocroiseur 2024 YR4 présente un risque d’impact avec la Terre d’ici 2032. En attendant des analyses plus précises de sa trajectoire, d’autres scientifiques concentrent leurs recherches sur les échantillons de l’astéroïde Bennu.

Des études antérieures suggéraient que ce dernier renferme des traces d’eau et des molécules organiques, renforçant l’hypothèse selon laquelle des astéroïdes similaires auraient pu semer les éléments essentiels à la vie sur la Terre primitive. Récemment, des analyses des échantillons prélevés par la NASA ont apporté des résultats allant dans ce sens. Toutefois, les deux études distinctes menées à cet effet révèlent aussi une distribution inhabituelle des acides aminés, soulevant de nouvelles interrogations sur le rôle exact des astéroïdes dans l’émergence de la vie.

Bennu, un astéroïde d’environ 500 mètres de diamètre, s’est formé il y a moins de 65 millions d’années à partir d’un corps céleste plus massif, lui-même issu des premiers temps du système solaire, il y a 4,5 milliards d’années.

En 2020, la sonde OSIRIS-REx (Origins, Spectral Interpretation, Resource Identification and Security-Regolith Explorer) de la NASA a réussi l’exploit de collecter 122 grammes d’échantillons à la surface de Bennu. Une première pour une mission spatiale américaine depuis les prélèvements lunaires des missions Apollo.

En septembre 2023, alors qu’elle survolait la Terre, la sonde a largué une capsule contenant ces échantillons. À son atterrissage dans le désert de l’Utah, une équipe scientifique était présente pour récupérer la précieuse cargaison et la préserver de toute contamination terrestre.

Les échantillons ont ensuite été répartis entre soixante laboratoires à travers le monde. Deux équipes de recherche viennent de publier les premières conclusions de leurs travaux dans les revues Nature et Nature Astronomy.

Des minéraux jamais observés auparavant sur d’autres astéroïdes

La première étude, publiée le mercredi 29 janvier dans Nature, a été menée par une équipe du Musée national d’histoire naturelle du Smithsonian, sous la direction de Tim McCoy, conservateur de la collection de minéraux. À l’aide d’un microscope électronique à balayage, les chercheurs ont scruté la composition microscopique des échantillons (moins d’un micromètre).

Leur surprise fut de taille : ils ont identifié des traces de carbonate de sodium hydraté, un minéral jamais observé jusqu’ici dans des échantillons extraterrestres. Ils ont également mis en évidence « des phosphates contenant du sodium ainsi que des carbonates, des sulfates, des chlorures et des fluorures riches en sodium ».

Image au microscope à balayage de trona trouvées dans les échantillons de Bennu
Images obtenues au microscope électronique à balayage de trona trouvées dans des échantillons de l’astéroïde Bennu. © Rob Wardell, Tim Gooding et Tim McCoy/ Smithsonian

Selon les chercheurs, ces minéraux résultent d’un processus d’évaporation ayant eu lieu aux prémices du système solaire. « Nous savons désormais que les éléments fondamentaux de la vie s’associaient de manière complexe sur le corps parent de Bennu », explique McCoy dans un communiqué.

Sara Russell, minéralogiste au Natural History Museum de Londres et co-auteure de l’étude, précise dans un entretien : « La présence de ces saumures, couplée à des substances organiques simples, a peut-être initié la formation de molécules biologiques plus complexes, comme les nucléobases ».

Des composés organiques complexes

Une seconde étude, dirigée par Daniel Glavin, astrobiologiste au Goddard Space Flight Center de la NASA et publiée dans Nature Astronomy, met en évidence une concentration élevée d’azote, notamment sous forme d’ammoniac, dans les échantillons de Bennu. Les scientifiques ont également identifié quatorze des vingt acides aminés qui composent les protéines des organismes vivants terrestres, ainsi que cinq bases nucléotidiques essentielles à la formation de l’ADN et de l’ARN.

Les chercheurs ont relevé une particularité intrigante : alors que les acides aminés des êtres vivants sur Terre présentent une configuration chimique majoritairement « gauchère », les échantillons de Bennu affichent une répartition quasi égale entre ces structures et leur version « droitière », miroir de la première.

Cette observation remet en question l’hypothèse selon laquelle des astéroïdes comme Bennu auraient joué un rôle déterminant dans l’émergence de la vie terrestre. Ces travaux, parmi les premiers résultats issus de l’analyse des échantillons de Bennu, enrichissent notre compréhension de l’évolution des astéroïdes et de leur possible rôle dans la chimie prébiotique terrestre.

Les scientifiques insistent sur la nécessité de poursuivre ces recherches pour tenter d’approfondir notre compréhension des processus ayant façonné notre planète. « Ensemble, nous avons accompli d’énormes progrès dans la compréhension du rôle des astéroïdes comme Bennu dans l’histoire de la Terre et son habitabilité », conclut Russell.

Source : Nature, Nature Astronomy

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