Alors que le développement de logiciels a été l’un des premiers domaines à adopter l’IA, celle-ci n’apporterait que des gains de productivité modestes par rapport au battage médiatique qui l’entoure, selon une récente enquête. Elle aurait même tendance à ralentir les développeurs, ceux-ci devant passer par des étapes de révisions rigoureuses pour corriger les hallucinations générées.
Depuis le lancement de ChatGPT en 2022, les outils d’IA se sont intégrés à presque tous les domaines. Ils sont proposés aux entreprises comme leviers pour accélérer leurs processus de travail. Parmi les premiers secteurs à s’y être ouverts figure le développement de logiciels. Les acteurs de la technologie ont vanté un gain de productivité grâce à la génération automatisée de programmes à partir de simples instructions textuelles.
Cependant, les performances réelles de l’IA en programmation suscitent un scepticisme croissant. Si, globalement, le nombre de développeurs ayant recours à ces outils progresse, leur confiance envers la technologie s’érode. Une enquête publiée plus tôt cette année révèle un niveau de satisfaction inférieur aux attentes initiales.
« L’une des conclusions les plus surprenantes a été un changement significatif dans les préférences des développeurs vis-à-vis de l’IA par rapport aux années précédentes. Bien que la majorité continue de l’utiliser, ils l’apprécient moins et lui accordent moins de confiance cette année », explique Erin Yepis, analyste principale de l’entreprise à l’origine du sondage, citée par VentureBeat.
« Ce résultat est surprenant. Avec les investissements massifs et l’attention médiatique portés à l’IA, je m’attendais à ce que la confiance augmente au fur et à mesure que la technologie s’améliore », ajoute-t-elle.
Une autre étude souligne que, loin de soutenir les développeurs, l’IA tend parfois à les ralentir. Selon des travaux du laboratoire de recherche METR, des développeurs open source expérimentés mettraient 19 % plus de temps à écrire un programme lorsqu’ils utilisent un outil d’IA, comparé à ceux qui n’y ont pas recours. Cette observation repose sur un échantillon spécifique et ne saurait être généralisée à l’ensemble de la profession, mais elle met en lumière un écueil récurrent : les codes générés doivent être affinés et corrigés en raison des erreurs ou « hallucinations » que l’IA peut produire. Les outils se révèlent également moins performants pour la création de programmes complexes et volumineux.
Un rapport du cabinet international de conseil Bain & Company confirme ces inquiétudes. Il montre que les économies réalisées grâce à l’IA en programmation demeurent marginales, d’après The Register. « L’IA générative est apparue avec des attentes très élevées, et de nombreuses entreprises ont multiplié les projets pilotes. Pourtant, les résultats sont loin d’être à la hauteur », observe le document.
Une faible adoption du côté des développeurs
L’enquête de Bain & Company indique qu’environ deux tiers des éditeurs de logiciels déclarent avoir recours à l’IA générative. Mais son usage direct par les développeurs reste limité. Ceux qui utilisent des assistants d’IA pour la programmation signalent un gain de productivité de seulement 10 à 15 %, un chiffre en cohérence avec les résultats d’autres enquêtes.
Selon les auteurs, cette efficacité réduite s’explique par le fait que le temps gagné dans le cycle de développement n’est généralement pas réaffecté à des tâches à plus forte valeur ajoutée. Dès lors, même les gains modestes n’ont pas d’impact significatif. En effet, si l’IA générative est principalement employée pour l’écriture de code, cette étape, avec les tests en aval, ne représente que 25 à 35 % du processus complet de développement, selon Bain & Company. L’accélération de cette seule phase ne suffit donc pas à réduire les délais de mise sur le marché.
Les experts estiment que l’application de l’IA à l’ensemble du cycle de développement pourrait, à terme, générer de réels gains. Au-delà de l’écriture du code, cela inclut les phases d’idéation, de définition des exigences, de conception, de tests, ainsi que la planification du déploiement.
Si l’IA générative ne peut couvrir simultanément toutes ces étapes, l’arrivée de nouveaux outils dits « agents IA » pourrait ouvrir la voie à davantage d’autonomie en coordonnant plusieurs phases avec une intervention humaine minimale. « L’IA agentique est déjà en train de remodeler l’entreprise, et seuls ceux qui agiront avec détermination — en repensant leur architecture, leurs équipes et leurs méthodes de travail — en tireront pleinement parti », conclut le rapport.