L’univers recèle un large éventail d’objets, des étoiles aux trous noirs, en passant par les planètes ou les galaxies. Bien qu’un grand nombre de ces objets aient été observés directement ou indirectement, les scientifiques continuent de proposer de nouveaux objets, correspondant à des modèles théoriques cohérents. C’est le cas pour les objets de Thorne–Żytkow.
Dans un article publié le 15 mars 1977 dans la revue The Astrophysical Journal, les physiciens Kip Thorne et Anna Żytkow présentent un type d’étoile hypothétique représenté par une géante rouge ou une supergéante dont le cœur serait une étoile à neutrons dégénérée. C’est en étudiant les différentes possibilités concernant la structure interne d’une étoile que les deux physiciens ont élaboré ce modèle, après avoir déterminé une solution physique aux équations d’états de la matière. Un tel objet est appelé « objet de Thorne–Żytkow ».
La formation d’un tel objet peut être expliquée par deux scénarios différents. Le premier implique la collision entre une géante rouge ou une supergéante et une étoile à neutrons. Les deux étoiles peuvent être des étoiles errantes au sein d’un amas globulaire extrêmement dense. Le second implique la formation de l’étoile à neutrons au sein d’un système stellaire binaire, après qu’une des deux étoiles ait implosé en supernova.
Le phénomène de supernova entraînant des modifications de l’interaction gravitationnelle entre les deux objets du système binaire, l’étoile à neutrons résultante verrait sa vitesse augmenter et son orbite désynchronisée, cette dernière pourrait alors intersecter l’orbite de l’étoile compagnon, et l’étoile à neutrons serait absorbée par celle-ci.
Une fois l’étoile à neutrons absorbée par la géante rouge, l’orbite du système binaire commence à décliner à cause des frictions thermiques entre l’étoile neutronique et son hôte. L’étoile à neutrons et le cœur de la géante rouge entrent alors dans un mouvement de spirale aboutissant à la fusion des deux objets ; la durée avant fusion dépend directement de la distance entre les deux objets, elle peut aller d’une centaine d’années à un millier d’années.
Dans le cas où la masse résultante de la fusion est supérieure à la limite d’Oppenheimer-Volkoff (entre 1.5 et 3 masses solaires), alors l’objet s’effondre gravitationnellement en un trou noir, en passant par le stade de supernova à effondrement de cœur (supernova de type Ib ou II). Dans le cas contraire, la fusion aboutit à une étoile à neutrons unique possédant un disque d’accrétion (disque de poussières et de gaz) massif et instable.
La température de surface de l’étoile à neutrons à l’intérieur de la géante rouge est supérieure à 109 °C. Cette chaleur est produite par les réactions nucléaires au sein du plasma entourant l’étoile à neutrons et par la compression du gaz due à l’extrême gravité de celle-ci. L’effondrement des différentes couches de la géante rouge sur l’étoile à neutrons entraîne l’apparition de réactions thermonucléaires inhabituelles, telle que la fusion de l’hydrogène en isotopes différents de ceux produits lors de la nucléosynthèse stellaire standard. À l’observation, un objet de Thorne-Żytkow possède la structure d’une géante rouge ou encore celle d’une étoile de Wolf-Rayet riche en azote (type WN8).
Les objets de Thorne-Żytkow ont une durée de vie comprise entre 105 et 107 années. Ainsi, entre 10 et 250 de ces objets pourraient actuellement exister dans la Voie lactée. Dans tous les cas, une fois la fusion terminée, il en résulte une étoile à neutrons entourée d’un disque d’accrétion, l’enveloppe de gaz des deux objets se transformant également en disque périphérique.
Ces étoiles à neutrons pourraient être les pulsars isolés à disque d’accrétion que l’on observe depuis quelques années. Le disque d’accrétion étant instable, celui-ci pourrait s’effondrer pour former une nouvelle étoile et ainsi constituer un système binaire. En accrétant suffisamment de masse, l’étoile à neutrons pourrait également s’effondrer en trou noir.
Depuis 2014, l’étoile variable froide HV 2112 située dans le Petit Nuage de Magellan constitue la candidate la plus prometteuse comme objet Thorne-Żytkow. L’étude dirigée par l’astrophysicienne Emily Levesque (Université de Washington) a en effet montré que HV 2112 possédait certaines caractéristiques chimiques, notamment des niveaux anormalement élevés de lithium, molybdène et rubidium, que l’on ne retrouve normalement que dans les objets de Thorne-Żytkow.