Selon les scientifiques, si nous désirons limiter le réchauffement climatique à seulement 2 °C, nous avons beaucoup de travail devant nous. Il s’agit de réduire les émissions de gaz à effet de serre, planter des arbres, et éliminer (du moins diminuer) le dioxyde de carbone (CO2) atmosphérique avec les dernières technologies. À présent, un nouveau procédé permet de convertir le CO2 gazeux — produit par la combustion de combustibles fossiles — en carbone solide à température ambiante, en utilisant que très peu d’électricité. Mais faire fonctionner le système à l’échelle de la planète représente un défi conséquent.
Au cours des dernières années, les chercheurs ont découvert un certain nombre de catalyseurs à base de métaux solides (des composés qui accélèrent les réactions chimiques), capables de convertir le CO2 en carbone solide. Mais ceux-ci ne fonctionnent qu’à plus de 600 °C, et comme vous le savez, atteindre une telle chaleur nécessite beaucoup d’énergie. Les catalyseurs se détériorent aussi rapidement lorsque le carbone qu’ils produisent s’accumule, limitant leur capacité à maintenir les réactions.
Pour résoudre ce problème, les chimistes Dorna Esrafilzadeh et Torben Daeneke de la RMIT University de Melbourne, en Australie, se sont tournés vers une nouvelle classe de catalyseurs à base d’alliages métalliques liquides à température ambiante. Un de ces catalyseurs, qui a été dévoilé pour la première fois dans Nature Chemistry en 2017, consiste en du palladium à activité catalytique mélangé à du gallium liquide. Le liquide permet au palladium de continuer à convertir des hydrocarbures de faible valeur — appelés alcanes — en des alcènes de plus grande valeur, sans se détériorer. Esrafilzadeh, Daneneke et leurs collègues ont voulu voir si un produit similaire fonctionnerait avec du CO2.
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Ils ont d’abord fabriqué un alliage de gallium, d’indium et d’étain, qui est liquide à température ambiante et qui conduit l’électricité. Ils ont ensuite enrichi le mélange avec une pincée de cérium à activité catalytique et l’ont placé dans un tube en verre. De l’eau envoyée sur le système aidait le CO2 à se convertir en carbone.
Lorsqu’ils ont inséré un fil dans le métal liquide, une partie du cérium situé au sommet de la surface du liquide a réagi avec l’oxygène de l’air ambiant, formant une couche ultrafine d’oxyde de cérium. Mais la plus grande partie du cérium reste alors protégée par le métal liquide.
Ensuite, les chercheurs ont injecté du CO2 pur dans le tube en verre, et envoyé une décharge électrique dans le fil conducteur. Le CO2 s’est diffusé dans le métal liquide, où le cérium et l’électricité l’ont converti en carbone solide.
Les chercheurs expliquent que le mécanisme exact de la réaction n’est pas encore clair, mais il implique probablement cinq étapes distinctes, car le cérium interagit avec l’oxygène, le CO2 et l’eau, libérant en fin de compte du carbone solide et de l’oxygène pur en tant que sous-produits.
Le plus grand avantage de cette nouvelle approche est que le catalyseur au cérium ne se détériore pas. Au lieu de cela, le carbone forme de petits « flocons » noirs sur la surface du métal liquide, qui se détachent ensuite et se déplacent vers les côtés et le fond du tube, permettant ainsi à la réaction catalytique de se poursuivre.
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Bert Weckhuysen, chimiste à l’Université d’Utrecht aux Pays-Bas, qualifie cette technique « d’innovante » et de « plutôt sympa ». Il déclare que le carbone produit pourrait être utilisé dans une grande variété de matériaux, tels que les électrodes de batterie, les raquettes de tennis et les ailes d’avions.
Toutefois, le gros avantage serait que cette technologie puisse être mise à l’échelle pour aspirer le CO2 de l’air et le stocker en permanence dans un solide. « Bien que nous ne puissions pas littéralement remonter le temps, reconvertir le dioxyde de carbone en charbon et l’enfouir dans le sol, c’est un peu comme rembobiner l’horloge des émissions », déclare Daeneke.
Mais d’abord, l’expérience de laboratoire de l’équipe, qu’Esrafilzadeh considère comme étant « un premier pas », devrait être dupliquée à grande échelle. En 2017 seulement, les humains ont rejeté plus de 32 milliards de tonnes de CO2 dans l’air selon l’Agence internationale de l’énergie. Convertir cette quantité en carbone solide reconstituerait essentiellement les montagnes de charbon que les mineurs ont extrait du sol.