Les êtres humains possèdent-ils un sens magnétique ? À l’heure actuelle, nous savons que d’autres animaux en sont effectivement capables. En effet, les biologistes pensent que cela aide des créatures comme les abeilles, les tortues, ou encore les oiseaux, à naviguer à travers le monde.
Cela fait de nombreuses années que les scientifiques tentent de déterminer si les êtres humains font partie de la liste des organismes sensibles au champ magnétique terrestre. En effet, durant des décennies, il y a eu un va-et-vient constant entre des rapports scientifiques positifs, puis des échecs, pour démontrer ce trait chez l’Homme. Mais à présent, une nouvelle étude pourrait bien mener un terme à cette controverse.
De plus, selon certains scientifiques, les résultats mitigés obtenus sur les cas humains, pourraient être dus au fait que pratiquement toutes ces études antérieures reposaient uniquement sur des décisions comportementales de la part des participants. Cependant, si les êtres humains possèdent bel et bien un sens magnétique, l’expérience quotidienne suggère qu’il serait très faible ou profondément subconscient.
De telles impressions (faibles) pourraient donc très facilement être mal interprétées, ou tout simplement manquées, lorsque vous essayez de prendre des décisions y relatives. Ainsi, le groupe de recherche, comprenant un biologiste géophysique, un neuroscientifique cognitif ainsi qu’un neuro-ingénieur, a adopté une approche différente.
Ce que les chercheurs ont découvert, fournit sans conteste la toute première preuve neuroscientifique concrète, que les humains possèdent bel et bien un sens géomagnétique.
Comment fonctionne le sens géomagnétique biologique ? Il faut savoir que la Terre est entourée d’un champ magnétique généré par le mouvement du noyau liquide de la planète. C’est pourquoi une boussole magnétique pointe vers le nord. À la surface de la Terre, ce champ magnétique est relativement faible, soit environ 100 fois plus faible que celui d’un aimant de réfrigérateur.
Au cours des 50 dernières années, des scientifiques ont réussi à démontrer que des centaines d’organismes (dans presque toutes les branches du règne bactérien, protiste et animal) ont la capacité de détecter et de réagir à ce champ géomagnétique. Chez certains animaux, comme les abeilles mellifères, ces réactions comportementales géomagnétiques sont aussi fortes que des réponses à la lumière, aux odeurs ou au toucher.
Les biologistes ont identifié de fortes réactions, en particulier chez les vertébrés : soit chez les poissons, les amphibiens, les reptiles, de nombreux oiseaux et divers mammifères, dont les baleines, les rongeurs, les chauves-souris, les vaches et les chiens. De plus, ces derniers peuvent être entraînés à la recherche d’aimants cachés. Dans tous ces cas, les animaux utilisent le champ géomagnétique en tant que composant de leur capacité de navigation, ainsi que d’autres éléments tels que la vue, l’odorat et l’audition.
Les sceptiques ont rejeté en masse les premiers rapports, en grande partie parce qu’il ne semblait pas exister de mécanisme biophysique capable de traduire le faible champ géomagnétique de la Terre en signaux neuronaux puissants. Mais cela a radicalement changé lorsque les scientifiques ont découvert que les cellules vivantes possèdent la capacité de construire des nanocristaux de magnétite minérale ferromagnétique. En gros, de minuscules aimants en fer.
Ces cristaux biogéniques de magnétite ont d’abord été observés dans les dents d’un groupe de mollusques, puis dans des bactéries, ainsi que dans divers autres organismes allant des protistes à des animaux tels que les insectes, les poissons et les mammifères, y compris dans les tissus du cerveau humain. Mais à ce moment-là, les scientifiques n’ont pas considéré les humains comme des organismes sensibles au champ magnétique.
Vous aimerez également : La variation du champ magnétique terrestre s’accentue bien plus rapidement que prévu, et les scientifiques ne savent pans encore pourquoi
Lors de cette étude, les chercheurs ont demandé à 34 participants de s’asseoir dans une chambre, tandis qu’ils enregistraient directement l’activité électrique de leur cerveau par le biais d’une électroencéphalographie (EEG). « Notre cage de Faraday modifiée comprenait un ensemble de bobines à 3 axes qui nous permettaient de créer des champs magnétiques contrôlés de grande uniformité via le courant électrique traversant ses fils », ont expliqué les chercheurs. « Puisque nous vivons aux latitudes moyennes de l’hémisphère Nord, le champ magnétique environnemental de notre laboratoire s’incline vers le nord à environ 60 degrés de l’horizontale », ont-ils ajouté.
À savoir que de manière générale, lorsque nous tournons la tête, par exemple en hochant la tête ou en effectuant des mouvements de gauche à droite (ou inversement), la direction du champ magnétique (qui reste constant dans l’espace), se déplace par rapport à notre crâne. « Pour le cerveau des participants, cela n’était pas une surprise, vu qu’ils demandaient aux muscles de bouger la tête de manière appropriée », expliquent les chercheurs.
Dans la chambre expérimentale, les chercheurs ont réussi à déplacer le champ magnétique silencieusement (par rapport au cerveau), mais sans que le cerveau n’ait déclenché le moindre signal dans le but de bouger la tête. « Dans ces cas, votre corps enregistrera toujours des signaux vestibulaires concernant sa position dans l’espace, ainsi que les changements de champ magnétique. En revanche, notre stimulation expérimentale n’était qu’un décalage de champ magnétique. Lorsque nous avons déplacé le champ magnétique dans la salle, nos participants n’ont pas ressenti de sensations évidentes », ont détaillé les chercheurs.
Les résultats obtenus grâce à l’EEG, en revanche, ont révélé que certaines rotations du champ magnétique pouvaient déclencher des réponses cérébrales fortes et reproductibles. Un schéma EEG connu, appelé alpha-ERD (soit la désynchronisation liée à un événement), apparaît généralement lorsqu’une personne détecte et traite soudainement un stimulus sensoriel.
Lors de leur expérience, les cerveaux des participants étaient « préoccupés » par le changement inattendu dans la direction du champ magnétique, ce qui a déclenché la réduction de l’onde alpha. « Le fait que nous ayons observé de tels modèles alpha-ERD en réponse à de simples rotations magnétiques constitue une preuve irréfutable de la magnétoréception », expliquent les chercheurs.
« Le cerveau de nos participants n’a répondu que lorsque la composante verticale du champ était orientée vers le bas à environ 60 degrés (en rotation horizontale), comme cela est le cas naturellement ici à Pasadena, en Californie. Ils ne réagissaient pas aux directions non naturelles du champ magnétique, comme lorsque celui-ci était dirigé vers le haut », ont-ils ajouté.
L’équipe de recherche suggère donc que la réponse est ajustée aux stimulus naturels, reflétant un mécanisme biologique qui a été formé par la sélection naturelle. D’autres recherche dans le domaine ont démontré que le cerveau des animaux filtrait les signaux magnétiques et ne répondait qu’à ceux qui présentaient un intérêt environnemental. Il est donc judicieux de rejeter tout signal magnétique trop éloigné des valeurs naturelles, car il s’agit très probablement d’une anomalie magnétique (comme par exemple un éclair (foudre) ou un dépôt de calcaire dans le sol).
Une étude sur les oiseaux a montré que les merles cessaient d’utiliser le champ géomagnétique si sa force était différente d’environ +25% de celle à laquelle ils étaient habitués. Il est possible que cette tendance explique pourquoi les recherches précédentes avaient eu du mal à identifier ce sens magnétique chez les humains. En effet, si les chercheurs des précédentes études augmentaient la force du champ magnétique pour « aider » les sujets à le détecter, ils ont tout simplement peut-être veillé à ce que le cerveau des participants l’ignore tout simplement.
Mais cette nouvelle étude a permis aux scientifiques de démontrer que le mécanisme du récepteur (le magnétomètre biologique chez l’être humain), n’est pas une induction électrique et peut distinguer le nord du sud. « Cette dernière caractéristique exclut complètement le mécanisme dit de ‘‘boussole quantique’’ ou ‘‘cryptochrome’’ qui est populaire de nos jours dans la littérature animale sur la magnétoréception », expliquent les chercheurs dans leur étude.
Les résultats de l’étude des chercheurs ne correspondent qu’avec les cellules à magnétorécepteur fonctionnelles, basées sur l’hypothèse de la magnétite biologique.
Le cerveau enregistre les changements magnétiques de manière inconsciente : les participants à cette expérience n’étaient pas au courant des changements du champ magnétique et de leurs réponses cérébrales y relatives. Pour eux, c’est comme si rien ne s’était passé durant toute l’expérience : ils étaient simplement assis seuls, en silence et dans l’obscurité, durant une heure. Cependant, leur cerveau a révélé un vaste éventail de différences. Certains cerveaux n’ont presque pas réagi, tandis que d’autres montraient des ondes alpha qui ont diminué de moitié par rapport à leur taille normale, après un décalage du champ magnétique.
À présent, les chercheurs souhaitent étudier ce que ces réactions cachées pourraient signifier pour les capacités environnementales de l’Homme. Les scientifiques se questionnent donc : « Les réponses faibles et fortes du cerveau reflètent-elles une sorte de différence individuelle dans la capacité de navigation ? Ceux qui ont une réponse cérébrale plus faible peuvent-ils bénéficier d’un entraînement ? Ceux qui ont de fortes réactions cérébrales peuvent-ils être formés pour ressentir réellement le champ magnétique ? ».
À première vue, une réponse humaine aux champs magnétiques de force terrestre pourrait sembler surprenante. Mais il ne faut pas oublier de prendre en compte les preuves de sensation magnétique chez nos ancêtres animaux. En considérant cela, il serait très certainement plus surprenant encore que les humains aient complètement perdu ce type de réponse aux champs magnétiques.
Le plus important à retenir de cette étude, c’est qu’elle a donc permis de prouver que des capteurs magnétiques fonctionnels envoyaient des signaux au cerveau : soit une capacité sensorielle du subconscient humain, qui était jusqu’à présent inconnue.
À présent donc, toute l’étendue de notre héritage magnétique reste encore à découvrir.