La psilocybine est un alcaloïde produit par plusieurs types de champignons, dont les psilocybes et les conocybes. Cette molécule est connue pour être le principe actif de certains champignons hallucinogènes ; il s’agit en effet d’un puissant psychotrope recherché pour ses effets récréatifs psychédéliques. Mais la psilocybine est également surtout utilisée en médecine, comme solution thérapeutique d’appoint pour certains troubles psychiques et pathologies douloureuses. Récemment, une équipe de chercheurs a modifié génétiquement une souche d’E. coli afin de lui faire produire de la psilocybine en grande quantité.
La psilocybine est présente dans plus de 200 espèces de champignons et est réputée depuis longtemps pour ses propriétés psychédéliques et hallucinogènes. Ces dernières années, cependant, diverses recherches ont montré que les médicaments psychédéliques ont également un potentiel considérable pour le traitement d’affections telle que la dépression résistante aux traitements.
Mais produire en masse le composé à partir de champignons, nécessiterait beaucoup de temps et beaucoup d’espace de culture. De même, la synthèse artificielle du composé est extrêmement complexe et coûteuse. Ainsi, une équipe de biochimistes dirigée par Andrew Jones et Alexandra Adams de l’Université de Miami a décidé d’essayer autre chose : l’ingénierie métabolique. L’étude a été publiée dans la revue Metabolic Engineering.
Ingénierie métabolique : la modification de la bactérie E. coli avec des gènes de champignon
Il s’agit d’un processus de biosynthèse qui repose sur la modification de cellules afin qu’elles produisent des composés qu’elles ne produisent pas naturellement ou en quantités trop faibles ; le bioéthanol, qui peut être utilisé comme biocarburant, en est un exemple.
Escherichia coli est une bactérie très utilisée à cette fin, car elle est facile à modifier, prolifique, bien comprise et possède un large éventail d’outils génétiques polyvalents disponibles pour l’ingénierie.
Les chercheurs ont introduit dans la bactérie des gènes de Psilocybe cubensis, le champignon hallucinogène par excellence, afin de voir si cela inciterait les bactéries à produire de la psilocybine. Cela a fonctionné avec plus ou moins de succès.
« Nous prenons l’ADN du champignon qui code sa capacité à fabriquer cette substance et le mettons dans E. coli. Cela ressemble à la façon dont on produit de la bière, grâce à un processus de fermentation. Nous prenons la technologie qui permet une production à grande échelle et rapide, et nous l’appliquons à notre E. coli producteur de psilocybine » explique Jones.
Les chercheurs ont identifié la souche bactérienne qui produisait la plus grande concentration de psilocybine, une fiabilité maximale et une faible accumulation de produits intermédiaires.
Surnommant cette souche pPsilo16, ils ont ensuite travaillé pour optimiser sa production, à travers une série d’expériences visant à fournir les meilleures conditions de fermentation. Cela a fourni le meilleur milieu de base, la meilleure température et le meilleur mélange de nutriments pour la production de psilocybine.
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Une production bactérienne de psilocybine à grande échelle
Enfin, l’équipe a pu augmenter sa production dans des bioréacteurs de grande taille, en peaufinant le processus pour produire à terme une concentration de 1.16 gramme de psilocybine par litre — la première démonstration de production de psilocybine chez un hôte procaryotique et la plus forte concentration de psilocybine produite par tout organisme recombinant à ce jour (la concentration de psilocybine dans P. cubensis varie elle-même, mais se situe entre 0.37 et 1.30% du poids sec de tout le champignon).
« Ce qui est motivant, c’est la rapidité avec laquelle nous avons pu atteindre notre production élevée. Au cours de cette étude, nous avons amélioré notre production de quelques milligrammes par litre à plus d’un gramme par litre, soit une augmentation de près de 500 fois » déclare Jones.
Des essais cliniques sur la psilocybine en tant que traitement de la dépression sont en cours. Pendant ce temps, Jones et son équipe étudient les moyens de faire d’E. Coli un hôte encore plus optimisé pour les gènes de la psilocybine.