Après une expédition de 48 jours, le navire S/V KWAI de l’Ocean Voyages Institute – conçu pour le nettoyage en haute mer – a accosté au port d’Honolulu le 23 juin. À son bord : pas moins de 103 tonnes de déchets en plastique et de filets de pêche, directement retirés du vortex de déchets du Pacifique Nord ! C’est plus du double des déchets évacués lors de précédents records de nettoyage réalisés l’an passé.
Le vortex de déchets du Pacifique Nord, communément appelé « gyre de déchets » ou « septième continent », est une zone de l’océan Pacifique où se sont agglutinées des tonnes de déchets, entraînés par les courants marins. Ce « continent de plastique » a été découvert par l’océanographe américain Charles J. Moore, en 1997. Depuis, la masse et l’étendue de ces ordures ne cessent de prendre de l’ampleur…
Un impressionnant mais triste record
Chaque année, plus de 300 millions de tonnes de plastique sont produites, dont la plupart sont à usage unique. Une large proportion des déchets qui en découlent ne sont ni incinérés ni enfouis, et finissent dans l’océan. Une étude disponible sur PLOS One publiée en 2014 faisait état de près de 270’000 tonnes de déchets flottants. Des chiffres qui sont malheureusement en constante augmentation de par les activités humaines. Des cinq principales zones d’accumulation de plastique en haute mer, le gyre du Pacifique, situé à mi-chemin entre Hawaï et la Californie, est la plus grande ; les scientifiques estiment qu’elle contient environ 80’000 tonnes de déchets plastiques.
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L’équipe de l’Ocean Voyages Institute (OVI) se réjouit de ce nouveau record, qu’elle qualifie de « plus grand nettoyage en haute mer de l’histoire ». L’an passé, ils étaient déjà parvenus à retirer 48 tonnes de plastiques lors de deux opérations de nettoyage dans le gyre, puis autour des îles hawaïennes. Ils ont désormais atteint leur objectif qui était de capturer 100 tonnes de plastiques.
Principalement des déchets plastiques, certes, mais aussi de nombreux équipements de pêche commerciale et de « filets fantômes », perdus par accident ou simplement jetés volontairement à l’eau. On estime que 600’000 tonnes de ces filets se retrouvent dans les océans chaque année. Du matériel abandonné qui fait malheureusement des dégâts parmi la vie marine : plusieurs squelettes de tortues et des poissons morts ont été retrouvés prisonniers des cordages…
Comment se déroule un tel nettoyage ? Pas de solution miracle selon Locky MacLean, ancien directeur de Sea Shepherd et militant pour la conservation marine depuis deux décennies : « Ce sont de longues journées en mer, avec un équipage spécifiquement formé, qui scrute l’horizon, puis qui récupère d’énormes quantités de déchets à l’aide de grappins ». Pour mener à bien sa mission, OVI utilise depuis deux ans des trackers GPS, fixés à certains filets par des yachts et des navires bénévoles, et qui lui permettent d’en localiser beaucoup d’autres. En effet, un seul tracker peut mener à de nombreux filets, car l’océan trie régulièrement les déchets : un filet de pêche balisé se trouvera ainsi nécessairement à proximité de plusieurs autres et d’une certaine densité de détritus, dans un rayon de 24 kilomètres environ.
Les déchets récoltés seront recyclés ou éliminés de manière appropriée, en collaboration avec la compagnie maritime Matson. « Nous avons été impressionnés par les efforts révolutionnaires d’Ocean Voyages Institute et les progrès qu’ils ont réalisés avec une si petite organisation, et nous espérons que notre soutien les aidera à poursuivre cet important travail », souligne Matt Cox, PDG de la compagnie.
Une menace pour la biodiversité marine
Grâce à des opérations comme celle-ci, les membres d’OVI aident à sauvegarder l’océan, préservant par la même occasion notre santé et celle de la planète. Mais, bien que le record réalisé par OVI soit tout à fait louable, comme s’en réjouir ? Le geste paraît tellement anodin lorsque l’on sait que chaque année, ce sont jusqu’à 12,7 millions de tonnes de plastique qui pénètrent dans les océans ! Le plastique a même atteint les parties les plus profondes de l’océan, dans la fosse des Mariannes…
Évidemment, la présence de ces déchets et des particules toxiques qu’ils émettent en se dégradant peu à peu nuisent considérablement à la faune marine. Les exemples de désastres ne manquent pas : tortues, cachalots, bernard-l’ermite, oiseaux de mer, entre autres victimes… Que ce soient par l’ingestion pure et simple de microplastiques, ou par les pièges que constitue le matériel de pêche laissé à l’abandon, les animaux marins subissent les conséquences de cette pollution de plein fouet. Selon les Nations Unies, quelque 380’000 mammifères marins sont tués chaque année de cette manière. L’an dernier, une baleine mourante a été retrouvée aux Philippines, avec plus de 40 kg de plastiques dans l’estomac !
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« Les océans ne peuvent pas attendre que ces filets et débris se décomposent en microplastiques, qui empêchent l’océan de stocker le carbone et qui nuisent au réseau trophique océanique déjà fragile », déclare Mary Crowley, fondatrice et directrice générale d’OVI. Dans un précédent communiqué, elle rappelait qu’il était urgent d’agir à tous les niveaux, à savoir : restreindre la fabrication de plastiques jetables, empêcher les déchets plastiques de pénétrer dans les océans et sensibiliser le public, les entreprises et l’industrie maritime à la préservation des milieux marins.
Le S/V KWAI, dirigé par le capitaine Brad Ives, va bientôt repartir pour un deuxième voyage vers le gyre, afin de poursuivre le nettoyage de cette zone assiégée par les débris toxiques. OVI prévoit également de multiplier les navires de nettoyage dans cette zone et d’étendre son action à d’autres parties du monde. Trois navires devraient ainsi opérer pendant trois mois dans le vortex du Pacifique Nord dès l’année prochaine.