Plus d’une centaine de vaccins sont aujourd’hui en cours de développement pour lutter contre le SARS-CoV-2. Parmi ces nombreuses tentatives, l’une semble particulièrement prometteuse : le vaccin baptisé ChAdOx1 nCoV-19, développé par des chercheurs de l’Université d’Oxford. Celui-ci est basé sur un adénovirus de chimpanzé, auquel ont été ajoutés des gènes codant pour les protéines de pointe, caractéristiques du nouveau coronavirus.
Après une première phase de tests sur des singes, l’équipe a réalisé ses premiers essais cliniques sur l’Homme au mois d’avril. Les premiers résultats viennent d’être publiés dans The Lancet : la réponse immunitaire semble efficace et les scientifiques n’ont relevé aucun effet secondaire néfaste. Ce vaccin pourrait bientôt devenir la solution que tout le monde attend…
Un vaccin qui stimule la production d’anticorps neutralisants
À la base, il s’agit d’une version affaiblie d’un virus du rhume, un adénovirus, provoquant des infections chez les chimpanzés. Il a été modifié génétiquement de façon à ce qu’il soit incapable de se répliquer et se développer chez l’Homme. Ses concepteurs lui ont également ajouté des gènes codant pour la protéine de pointe. Le but ? Entraîner le système immunitaire à reconnaître ce site caractéristique, afin qu’il détruise rapidement les particules de coronavirus si elles pénètrent dans l’organisme.
Les essais de phase 1, initiés en avril, puis de phase 2, sont toujours en cours. La première phase consistait à vacciner plus de 500 volontaires, âgés de 18 à 55 ans ; la moitié de l’échantillon a reçu un vaccin témoin, un vaccin homologué contre la méningite à méningocoques, servant de contrôle (les deux sont susceptibles de provoquer des effets secondaires similaires). Entre le 23 avril et le 21 mai, l’essai a regroupé au total 1077 participants, âgés de 18 à 55 ans, répartis dans cinq hôpitaux britanniques, sans antécédents de COVID-19. Lors de la deuxième phase, selon leur roadmap, les chercheurs visent à étendre la tranche d’âge des participants, de 55 à 70 ans, puis au-delà.
Un prélèvement sanguin a été effectué sur chaque participant le jour de la vaccination, puis 28 jours plus tard. L’innocuité et la réponse immunitaire ont été évaluées chez tous les participants ayant reçu ChAdOx1 nCoV-19, mais certains ont subi des prélèvements de sang supplémentaires pour mesurer leur réponse immunitaire plus en détail. Un petit sous-ensemble de participants (10 individus) a également reçu une deuxième dose du vaccin. Tous seront suivis pendant un an à compter du jour de la première injection.
Les premiers résultats sont plutôt encourageants, car les chercheurs n’ont pour le moment relevé aucun effet indésirable grave. Quelques réactions jugées bénignes ont toutefois été notées : fatigue, fièvre, maux de tête, douleur au point d’injection, douleurs musculaires et frissons. Un petit groupe de participants a été prié de prendre du paracétamol avant l’injection, puis toutes les 6 heures après la vaccination, pendant 24 heures. Ces individus ont, de ce fait, présenté moins de symptômes indésirables.
Non pas un, mais deux vaccins candidats prêts pour la phase 3
Au vu des résultats, cette formule de vaccin semble stimuler efficacement les défenses immunitaires. Les chercheurs ont en effet observé qu’il favorisait la production d’anticorps neutralisants chez 91% des participants ayant reçu une seule dose, et chez l’ensemble des personnes ayant reçu deux doses. Par ailleurs, ce vaccin expérimental a augmenté le taux de lymphocytes T capables d’identifier le SARS-CoV-2.
L’équipe à l’origine du vaccin précise toutefois que malgré ces premières observations très positives, beaucoup d’analyses restent à effectuer avant d’affirmer que ce vaccin pourrait véritablement aider à gérer la pandémie. « Nous devons en savoir plus sur le virus ; par exemple, nous ne savons toujours pas à quel point nous devons provoquer une réponse immunitaire pour nous protéger efficacement contre l’infection », précise Sarah Gilbert, professeure de vaccinologie à l’Université d’Oxford et co-auteure de l’étude.
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En outre, l’équipe souligne que de nouveaux essais seront nécessaires pour reproduire les résultats obtenus dans différents groupes de personnes. La plupart (91%) de ces premiers participants étaient blancs et âgés de 35 ans en moyenne. Davantage de diversité est indispensable pour tester la sécurité et l’efficacité du vaccin. Pour les essais de phase 2 et de phase 3 — qui prévoit de réaliser le test sur un échantillon beaucoup plus important, de 5000 personnes —, les volontaires seront recrutés au Royaume-Uni, au Brésil et en Afrique du Sud.
Ce vaccin candidat n’est pas le seul à montrer les premiers signes de succès : des chercheurs chinois semblent également sur une piste prometteuse. Leur vaccin est lui aussi basé sur un adénovirus affaibli, mais cette fois-ci, il s’agit d’un virus affectant les humains plutôt que les chimpanzés. Eux aussi ont récemment présenté leurs résultats : lors des essais de phase 2, 85% des participants ont développé des anticorps neutralisants et 90 % ont vu augmenter leur taux de lymphocytes T. « Dans l’ensemble, les résultats des deux essais sont globalement similaires et prometteurs », déclarent Naor Bar-Zeev et William J. Moss, tous deux membres de l’International Vaccine Access Center (IVAC) de la Johns Hopkins Bloomberg School of Public Health.
De même, la société américaine de biotechnologie Moderna, en partenariat avec les National Institutes of Health des États-Unis, a également publié des premiers résultats prometteurs de l’essai de phase 1 de son vaccin ARNm-1273 dans le New England Journal of Medicine. Cette formule, testée sur 45 adultes sains, âgés de 18 à 55 ans, semblait également sûre, bien tolérée et favorisait la production d’anticorps neutralisants.
En attendant les phases 2 et 3, les chercheurs britanniques se sont d’ores et déjà associés au laboratoire AstraZeneca, pour pouvoir produire en masse les doses du vaccin si nécessaire. Ils prévoient également de démarrer des études plutôt controversées, qui consistent à exposer délibérément des individus sains au nouveau coronavirus après les avoir vaccinés. Ces expérimentations, dénommées challenge trial, devraient avoir lieu en parallèle ou suite à la phase 3.