Pro-vaccins contre anti-vaccins : qui domine le « champ de bataille » des idées sur Facebook ?

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À l’heure où les chercheurs du monde entier planchent sur la mise au point d’un vaccin contre le coronavirus SARS-CoV-2, les communautés anti-vaccin n’ont jamais été plus actives. Depuis plusieurs années, ces communautés, au même titre que les pro-vaccins, envahissent les réseaux sociaux, notamment Facebook, en créant de nombreuses pages sur divers sujets relatifs à la recherche et à l’utilisation des vaccins. Récemment, une équipe de chercheurs a cartographié la dynamique de ces communautés sur Facebook et a révélé l’ampleur du « champ de bataille » où s’affrontent anti-vaccins et pro-vaccins. Et les résultats sont alarmants : bien que moins nombreuses en termes d’utilisateurs, les pages anti-vaccins se multiplient bien plus rapidement que les pro-vaccins, couvrant un plus large terrain et montrant une influence des opinions grandissante.

Une analyse inédite de plus de 1300 pages Facebook avec près de 100 millions de followers a produit une carte du réseau qui inquiète les professionnels de la santé publique. L’étude révèle que les pages d’anti-vaccins ont moins d’adeptes que les pages pro-vaccin mais sont plus nombreuses, à croissance plus rapide et de plus en plus liées à des pages indécises. Si les tendances actuelles se poursuivent, les chercheurs prédisent que les opinions des anti-vaccins domineront les discussions en ligne dans 10 ans — une période où un futur vaccin contre le COVID-19 pourrait être critique en termes de santé publique.

« Les rouges gagnent. Ils couvrent beaucoup plus de terrain tout en étant moins nombreux », explique l’anthropologue Heidi Larson, qui dirige le Vaccine Confidence Project à la London School of Hygiene & Tropical Medicine, en faisant référence à la couleur des pages Facebook anti-vaccins sur la carte du nouvel article publié dans la revue Nature.

Les pages en ligne sont « une bataille et il n’y avait pas de carte de ce champ de bataille au niveau systémique. Nous avons décidé de jeter un œil à cela. Et nous avons été choqués », indique Neil Johnson, statisticien à l’Université George Washington, qui avait précédemment cartographié le comportement en ligne des groupes haineux et des groupes liés à l’État islamique.

Une cartographie précise de la dynamique des interactions entre pro-vaccins, anti-vaccins et indécis

Pour leur étude, Johnson et ses collègues ont d’abord identifié les pages Facebook comme pro ou anti-vaccins en fonction de leur contenu. Ils ont en outre identifié les pages engagées mais indécises par leur contenu ou par le fait que les administrateurs des pages avaient « aimé » ou avaient été « aimés » par les pages pro ou anti-vaccin. Ils ont trouvé 124 pages pro-vaccin, comme la Fondation Bill & Melinda Gates, avec un total combiné de 6.9 ​​millions de followers. Ils ont trouvé 317 pages d’anti-vaccins, comme RAGE Against the Vaccines, avec un total de 4.2 millions de followers. Et ils ont identifié 885 pages indécises, telles que Breastfeeding Moms in KY, avec 7.1 millions de followers.

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Statistiques sur le nombre d’utilisateurs et de pages Facebook concernant les pro-vaccins (bleu), anti-vaccins (rouge) et indécis (vert). Crédits : Neil F. Johnson et al. 2020

Les chercheurs ont ensuite compté les liens de chaque page vers d’autres pages de discussion sur les vaccins et les liens de ces pages vers d’autres encore, une méthode appelée échantillonnage boule de neige. Un logiciel a transformé les données en une carte dans laquelle les pages sont représentées comme des nœuds circulaires, dimensionnées proportionnellement à leur nombre d’adeptes et représentées en rouge (anti-vaccin), bleu (pro-vaccin) ou vert (indécis). Les nœuds hautement connectés occupent des emplacements plus centraux sur la carte.

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Carte des interactions entre pro-vaccins (bleu), anti-vaccins (rouge) et indécis (vert). Les anti-vaccins occupent une place plus centrale et montrent plus d’interactions avec les indécis que les pro-vaccins. Crédits : Neil F. Johnson et al. 2020

La carte montre de nombreux nœuds rouges centraux interagissant intensément avec de nombreux verts. Un plus petit nombre de nœuds bleus interagissent avec les verts au niveau d’un lien périphérique retiré du « champ de bataille » central, comme les chercheurs l’appellent dans leur article. L’analyse a révélé que les pages anti-vaccin sont connectées à la fois localement et mondialement, tandis que les pages pro-vaccin sont largement mondiales ou nationales.

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Stratégie différente et montée en puissance des communautés anti-vaccins

En pourcentage, les pages rouges ont augmenté leur nombre d’abonnés de manière beaucoup plus importante que les pages bleues au cours de la période d’étude de février à octobre 2019, qui a coïncidé avec une épidémie mondiale de rougeole. La connectivité et l’influence des pages rouges ont également augmenté davantage que celles des pages bleues (le nombre total d’abonnés de toutes les pages a depuis augmenté de plusieurs millions). « Les bleus se battent au mauvais endroit, ils sont d’un côté et l’activité principale est autour des rouges qui sont absolument enchevêtrés avec toute cette série de communautés vertes », explique Johnson.

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Augmentation du nombre de pages et interactions entre février et octobre 2019. Durant l’épidémie de rougeole de 2019, le nombre de pages/interactions anti-vaccins a augmenté de 500%, tandis que celui des pro-vaccins n’a augmenté que de 50%. Crédits : Neil F. Johnson et al. 2020

Les pages bleues et rouges engagent également leurs adeptes différemment, indique Larson. Les groupes pro-vaccins communiquent des informations sur un thème avec un objectif : faire vacciner les gens. En revanche, l’étude révèle que les groupes d’anti-vaccins comprennent plusieurs petits groupes discutant d’un large éventail de sujets de santé et de sécurité. Cela les rend plus sensibles aux diverses préoccupations et fait que les gens indécis se sentent écoutés.

Sinan Aral, économétricien au Massachusetts Institute of Technology (MIT) qui a cartographié la diffusion en ligne de la désinformation, loue le grand échantillonnage de l’analyse. Mais il conseille un « œil sceptique ». Il explique qu’il n’est pas clair que le lien d’une page verte vers une page rouge mène à la persuasion ou que les interactions en ligne déclenchent de réels changements dans la vaccination. Il ajoute que la prédominance prédite en ligne des groupes rouges dans 10 ans « extrapole beaucoup à partir de données limitées ».

Sources : Nature

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