Un mystérieux objet céleste se dirige actuellement vers notre planète. Il ne représente aucune menace, mais pourrait être piégé dans notre orbite, devenant ainsi une nouvelle mini-lune. Si le phénomène se confirme, l’objet, baptisé 2020 SO, sera la troisième mini-lune à séjourner ainsi sur l’orbite de la Terre.
À l’instar de ces deux prédécesseurs, 2020 SO est classé comme un astéroïde. Toutefois, certains indices laissent à penser qu’il pourrait s’agir d’anciens déchets spatiaux d’origine humaine, errant dans l’espace depuis un moment et réintégrant aujourd’hui notre orbite.
Lune naturelle ou artificielle ?
Le sujet fait débat parmi les astronomes amateurs et professionnels, sur la Minor Planet Mailing List. Certains scientifiques pensent que 2020 SO pourrait en réalité être l’étage Centaur (l’étage supérieur) de la fusée qui a lancé la sonde lunaire Surveyor 2, en 1966. Cette mission d’exploration lunaire menée par la NASA n’avait malheureusement pas abouti : le véhicule spatial s’est écrasé sur le sol lunaire trois jours après son lancement. Or, la taille (entre 6 et 14 mètres de long) et la vitesse de déplacement de 2020 SO, qui s’avère bien moins rapide qu’un astéroïde, indiquent qu’il pourrait bel et bien s’agir de ce compartiment de fusée (un étage Centaur mesure environ 12 mètres).
2020 SO a été détecté le 17 septembre. Selon Tony Dunn, professeur de physique au lycée Archbishop Riordan de San Francisco et astronome amateur, l’objet devrait être « capturé » par la Terre à compter du mois prochain et jusqu’en mai 2021. Sur Twitter, il propose une animation représentant la trajectoire probable de l’objet (qui reste à préciser avec de futures observations) :
Asteroid 2020 SO may get captured by Earth from Oct 2020 – May 2021. Current nominal trajectory shows shows capture through L2, and escape through L1. Highly-chaotic path, so be prepared for lots of revisions as new observations come in. @renerpho @nrco0e https://t.co/h4JaG2rHEd pic.twitter.com/RfUaeLtEWq
— Tony Dunn (@tony873004) September 20, 2020
La trajectoire de l’objet suggère qu’il entrera et sortira par deux des points de Lagrange de la Terre (des points « stables » de l’espace, où l’interaction gravitationnelle de la Terre et du Soleil se combinent de manière à fournir un point d’équilibre à un troisième objet de masse négligeable).
Le premier astéroïde à avoir été découvert en orbite autour de notre planète se nomme 2006 RH120. Découvert par le Catalina Sky Survey, cet objet d’environ quatre mètres de diamètre est resté temporairement en orbite autour de la Terre, entre septembre 2006 et juin 2007. C’est au début de cette année, le 15 février, qu’une autre deuxième mini-lune temporaire a été détectée (par le Catalina Sky Survey également). Cet objet de petite taille (1,9 à 3,5 mètres de diamètre), baptisé 2020 CD3, aurait été capturé par la Terre en 2016. Il était prévu qu’il demeure dans notre orbite jusqu’au mois de mai 2020, mais il nous a finalement quittés au mois de mars pour reprendre son orbite autour du Soleil.
La nature de 2020 SO n’est à ce jour pas encore officiellement établie. Mais il s’apprête à pénétrer dans notre orbite et sera au plus proche de la Terre par deux fois : le 1er décembre, il se situera à une distance d’environ 50’000 kilomètres ; puis, le 2 février 2021, la mini-lune se trouvera à environ 220’000 kilomètres de la Terre. Deux occasions pour les scientifiques d’étudier ce mystérieux objet d’un peu plus près…
Plus de cinquante ans dans le vide de l’espace
Pour la NASA, 2020 SO fait pour le moment partie des astéroïdes Apollon. Les objets appartenant à cette famille d’astéroïdes géocroiseurs ont une orbite plus grande que celle de la Terre, mais avec une excentricité qui leur permet de croiser l’orbite terrestre. Ce type d’astéroïde est surveillé de très près, et selon les calculs du Jet Propulsion Laboratory, il n’y a aucun risque que 2020 SO entre en collision avec la Terre.
Mais l’incertitude concernant son origine est importante, d’autant plus que la simulation proposée par Dunn suggère que 2020 SO apparaissait aussi en orbite autour de la Terre en septembre 1966, ce qui vient appuyer l’hypothèse du débris de fusée…
L’objet se trouve sur une orbite d’une durée d’un peu plus d’un an, et sur une très faible inclinaison par rapport à l’orbite de la Terre ; c’est-à-dire qu’il n’est pas incliné, mais sur la même trajectoire orbitale. Son excentricité — la déviation de la forme de son orbite par rapport à un cercle parfait — est juste un peu plus élevée que celle de la Terre. Sa vitesse est très inférieure à celle d’un astéroïde Apollon. Les objets provenant de la Lune ont également une vitesse inférieure à celle des astéroïdes, mais Alice Gorman, archéologue spatiale à l’Université Flinders (Australie) souligne que 2020 SO est encore plus lent que les roches lunaires. Tout semble donc indiquer que l’objet n’est qu’un débris spatial.
Cette conclusion ne surprend guère les experts : les débris spatiaux sont malheureusement fréquents et ne peuvent être tous suivis à la trace. Les fusées réutilisables, comme celles conçues par SpaceX, ne sont qu’une invention récente. Pendant des décennies, les agences spatiales ont lancé des fusées à plusieurs étages, qui se détachaient au fur et à mesure de la mission. Or, ces déchets spatiaux sont étonnement faciles à perdre selon Gorman : « Il y a tellement de facteurs dans l’environnement spatial, comme les facteurs gravitationnels et d’autres choses qui affectent le mouvement, que cela peut parfois être assez imprévisible », explique-t-elle.
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Résultat : des milliers de satellites disparus et des morceaux d’anciennes fusées défilent dans le ciel à des vitesses moyennes de 20’000 km/h. Ces déchets constituent d’ailleurs une menace constante pour les nouvelles missions. C’est la raison pour laquelle l’Agence spatiale européenne a approuvé le financement de la mission ClearSpace-1, la première mission spatiale au monde dédiée au nettoyage de l’espace !
S’il s’avère que 2020 SO est bien une partie de la fusée de 1966, cela signifie que l’objet erre dans l’espace depuis 54 ans. Une occasion unique pour les scientifiques, d’étudier les effets d’un tel voyage dans le vide sur un vaisseau fabriqué par l’homme. « Il serait intéressant de faire une spectroscopie de réflectance, qui montrerait à quel point les surfaces sont rugueuses, à quel point elles ont été détériorées après avoir été bombardées par la poussière et les micrométéorites », remarque Gorman. Et s’il s’agit finalement d’un astéroïde, ce sera une première pour les experts, qui n’auront jamais vu un rocher spatial se déplacer de cette manière.