Le mont Cleveland est un volcan situé au nord-ouest des États-Unis, sur l’île de Chuginadak, en Alaska. Il culmine à plus de 1700 mètres et entre en éruption tous les dix ans en moyenne. Ce volcan est entouré de cinq autres plus petits, désignés par « les îles des Quatre Montagnes ». Aujourd’hui, la plupart d’entre eux sont en sommeil, mais certains indices poussent les géologues à penser que le volcan Cleveland et ses voisins pourraient constituer une sorte de supervolcan.
Cleveland, tout comme ses voisins, est un stratovolcan, ce qui signifie que sa structure se compose de matière accumulée lors de ses éruptions successives. C’est l’un des volcans les plus actifs d’Amérique du Nord sur ces vingt dernières années. Il est de type explosif ; ses éruptions produisent d’épais nuages de cendres qui s’élèvent de 4500 à 9000 mètres. Aujourd’hui, des spécialistes soumettent l’idée que ce volcan et les cinq monts voisins, dénommés Carlisle, Herbert, Kagamil, Tana et Uliaga, seraient en fait les extrémités d’une même immense chambre magmatique.
Une analyse récente de la sismicité, des dépôts géologiques, des tendances structurelles, des émissions de gaz et de la gravité, suggère en effet que le volcanisme dans la région de ces îles pourrait être influencé par la présence d’une grande caldeira, jusque-là non reconnue, qui serait en grande partie cachée par les dépôts récents et l’océan environnant.
Arborez un message climatique percutant 🌍
Une éruption qui entraînerait un bouleversement climatique
Les stratovolcans comme ceux-ci explosent de manière impressionnante ; les laves qui en émergent sont relativement visqueuses et s’accumulent au point de sortie au lieu de former des coulées. Quand la matière ainsi accumulée devient instable, elle s’effondre ou explose en formant un panache volcanique de cendres et de débris s’élevant à plusieurs kilomètres. Des nuées ardentes peuvent également dévaler les pentes du volcan très rapidement et sur plusieurs kilomètres. Ce type de volcans est appelé « volcan gris ». La plupart des volcans qui composent la ceinture de feu du Pacifique sont des volcans gris.
Leur indice d’explosivité est parfois si élevé qu’il peut arriver qu’un volcan gris soit totalement détruit au cours d’une éruption ; il donne alors naissance à ce que l’on appelle une caldeira. Il s’agit d’une dépression circulaire ou elliptique à fond plat, de plusieurs kilomètres de diamètre, délimitée par une falaise. Ce type de dépression résulte d’une ancienne éruption volcanique lors de laquelle la chambre magmatique s’est complètement vidée ; par conséquent, le sommet du volcan s’est effondré dans celle-ci.
Or, les scientifiques ont récemment relevé divers indices suggérant la présence d’une caldeira dans les îles des Quatre Montagnes. La composition de certains gaz s’échappant du mont Cleveland, notamment un flux de dioxyde de soufre (SO2) particulièrement élevé et soutenu, ainsi que la manière dont les évents de plusieurs montagnes s’alignent, indiquent la possibilité qu’une importante chambre magmatique se cache profondément sous terre. De même, des essaims de microtremblements de terre, à une profondeur de 5 à 10 km sous des évents datant de l’holocène entre Cleveland et Tana, suggèrent une migration de fluide magmatique. « Tout ce que nous observons correspond à une caldeira dans cette région », résume Diana Roman de la Carnegie Institution for Science à Washington, DC.
Si leur hypothèse se confirme, l’arc des Aléoutiennes d’Alaska — la ligne d’îles qui s’étend sur 2500 kilomètres, de la mer de Béring vers la côte russe — pourrait abriter un monstre équivalent au puissant supervolcan du Yellowstone. La chaîne tout entière contiendrait environ 80 volcans. Plus d’une quarantaine d’entre eux sont déjà entrés en éruption à plusieurs reprises depuis 1741, date à laquelle on a commencé à tenir un registre des événements volcaniques. La région est donc connue depuis longtemps pour être géologiquement active.
L’un des volcans les plus actifs est le mont Cleveland, qui a connu plus d’une vingtaine d’explosions au cours des deux derniers siècles. L’une d’entre elles, qui a eu lieu en 1944, a même atteint le niveau 3 sur l’échelle VEI (Volcanic Explosivity Index), ce qui correspond à une explosion qualifiée de « catastrophique ». Si un supervolcan se trouvait effectivement caché dans cette zone et qu’il venait à exploser, le phénomène — d’indice d’explosivité estimé à 8, soit le maximum sur l’échelle — bouleverserait le climat mondial pendant plusieurs années… Il en est d’ailleurs de même pour le supervolcan de Yellowstone.
Objectif : mieux se préparer au danger
Il y a un peu plus de deux mille ans, un autre volcan de l’arc des Aléoutiennes, baptisé Okmok, a éclaté avec une telle intensité que les scientifiques supposent que les changements climatiques qui en ont découlé ont probablement conduit à des récoltes peu fructueuses autour de la mer Méditerranée ; l’événement aurait ainsi contribué à la chute de la République romaine et des pharaons régnant sur l’Égypte.
Selon les experts, la caldeira dissimulée sous les îles des Quatre Montagnes pourrait avoir des conséquences encore plus terribles. Néanmoins, pas de quoi s’affoler pour le moment : beaucoup plus de données devront être réunies avant de déclencher une éventuelle alarme. « Notre espoir est de retourner dans les îles des Quatre Montagnes et de regarder de plus près le fond marin, d’étudier les roches volcaniques plus en détail, de collecter plus de données sismiques et gravimétriques et d’échantillonner de nombreuses autres zones géothermiques », déclare Diana Roman.
Même si de futures analyses confirment l’existence d’une caldeira, il faudra du temps pour acquérir une compréhension claire de son fonctionnement. Par comparaison, le supervolcan de Yellowstone est situé dans un endroit bien plus accessible pour les géologues, qui peuvent aisément collecter de nombreuses données toute l’année. Pourtant, les experts débattent encore au sujet de ce qui se passe réellement sur ce site…
En attendant d’obtenir des informations complémentaires, savoir que le mont Cleveland puise dans une caldeira peut déjà aider les volcanologues à mieux comprendre la nature de ses éruptions. « Cela nous aide potentiellement à comprendre ce qui rend Cleveland si actif. Cela peut également nous aider à déterminer à quel type d’éruptions il faut s’attendre à l’avenir et à mieux nous préparer à leurs dangers », déclare John Power, chercheur au US Geological Survey de l’Alaska Volcano Observatory et auteur principal de l’étude. Avec des panaches qui s’étendent parfois à plus de cinq kilomètres dans les airs, ces éruptions sont parfois sources de difficultés pour l’aviation civile américaine. Une meilleure connaissance de cette région à haute activité volcanique permettra de mieux les anticiper.