La sonde Chang’e 5 s’était posée sans encombre sur le sol lunaire le 1er décembre. Sa mission : collecter près de deux kilos de roches de notre satellite naturel. Ces échantillons sont à présent entre les mains de l’Agence spatiale chinoise. Après les précédentes missions américaines (Apollo) et soviétiques (Luna), qui remontent aux années 1960 et 1970, la Chine devient la troisième nation à rapporter des matériaux lunaires sur Terre.
La mission de collecte n’aura duré que deux jours. Les matériaux ont été prélevés dans une zone de la Lune relativement plus « jeune » (1,2 milliard d’années environ) que celles explorées par les missions précédentes (qui étaient âgées entre 3,1 et 4,4 milliards d’années). Ainsi, les scientifiques espèrent que ces échantillons de matière lunaire apporteront de nouveaux éléments sur les origines et la formation de la Lune. Ils pourraient également aider les chercheurs à dater plus précisément les surfaces de planètes telles que Mars et Mercure.
Cette mission Chang’e 5 est la dernière d’une série de missions dédiée à l’exploration lunaire, entamée par la China National Space Administration (CNSA) en 2007. Cette année-là, la sonde orbitale Chang’e 1 décolle du Centre spatial de Xichang avec pour objectif de cartographier et modéliser en 3D certaines régions de la Lune. Un travail d’exploration de plusieurs années, avec à terme, le lancement de missions habitées prévu d’ici 2030.
Des matériaux qui permettront de compléter l’histoire de la Lune
Ce 17 décembre, le module de retour de la sonde a atterri à Siziwang Banner, dans la région de la Mongolie intérieure, au nord de la Chine, à 1h59 (heure de Pékin). La capsule de retour s’est séparée de l’orbiteur à environ 5000 km au-dessus de l’Atlantique. Puis, elle est entrée dans l’atmosphère terrestre à une vitesse d’environ 11,2 km/s. Après une décélération aérodynamique, un parachute s’est ouvert, à environ 10 km au-dessus du sol, pour permettre un atterrissage en douceur dans la zone prévue.
La capsule devrait être transportée par avion à Pékin pour être ouverte, et les précieux échantillons seront livrés à l’équipe de recherche pour analyse. Selon Li Chunlai, concepteur en chef adjoint de la mission Chang’e-5, la plupart des échantillons lunaires seront stockés à l’Observatoire astronomique national de Chine (NAOC) de l’Académie chinoise des sciences à Pékin. Certains matériaux seront stockés sur un site séparé, à l’abri des risques naturels, et d’autres seront mis de côté pour être exposés au public. La Chine mettra également certains des échantillons à la disposition des scientifiques d’autres pays, a déclaré Pei Zhaoyu, directeur adjoint du Centre d’exploration lunaire et du programme spatial de la CNSA.
La sonde s’est posée dans l’océan des Tempêtes, à l’ouest de la face visible de la Lune, dans la région du Mons Rümker, inexplorée jusqu’ici ; les roches lunaires ont été collectées sur différents sites pour assurer la diversité des échantillons. Ces nouveaux matériaux ont donc une grande valeur scientifique. Les chercheurs espèrent pouvoir percer les mystères des activités volcaniques et des impacts de météorites subis par la Lune au cours du dernier milliard d’années.
En effet, ces échantillons pourraient combler une lacune importante dans la compréhension du volcanisme lunaire. Les roches récoltées lors des précédentes missions suggèrent que l’activité volcanique a culminé il y a 3,5 milliards d’années, puis s’est subitement arrêtée. Or, certaines observations de la surface lunaire ont révélé des traces de lave volcanique datant d’il y a un ou deux milliards d’années seulement. Si les échantillons de Chang’e-5 confirment que la Lune était toujours active à cette période, « nous réécrirons l’histoire de la Lune », souligne Xiao Long, géologue planétaire à l’Université chinoise des géosciences de Wuhan, qui a participé à la sélection du site d’alunissage. L’étude de la composition des roches pourrait également expliquer comment cette activité thermique a été alimentée pendant si longtemps.
Les bases d’une future exploration lunaire et plus lointaine
Chang’e-5 est l’une des missions les plus complexes et les plus difficiles de l’histoire aérospatiale de la Chine. L’engin comprenait un orbiteur, un alunisseur, un module de remontée (du sol vers l’orbite lunaire), ainsi qu’une capsule de retour. Une fois les échantillons scellés, le module de remontée a décollé avec succès de la Lune, puis s’est amarré à l’ensemble orbiteur-capsule de retour, demeuré en orbite lunaire. Là, les échantillons ont été transférés dans la capsule, puis le module de remontée s’est détaché et a effectué une descente contrôlée vers la Lune. L’orbiteur a alors entamé son voyage de retour.
Pei Zhaoyu a déclaré que cette mission représentait non seulement la fin du programme d’exploration lunaire actuel de la Chine, mais avait également jeté les bases d’une future exploration lunaire et lointaine habitée. Le pays envisage en effet de lancer sa première mission habitée d’ici dix ans. En attendant, elle prévoit parallèlement la création d’une station spatiale avec équipage d’ici 2022. « Nous espérons coopérer avec d’autres pays pour construire une station internationale de recherche scientifique lunaire, qui pourrait fournir une plateforme commune pour l’exploration scientifique lunaire et les expériences technologiques », a ajouté le directeur du programme spatial.
Après avoir investi des milliards dans son programme spatial, afin d’égaler les États-Unis et la Russie, la Chine semble avoir définitivement rattrapé son retard. Rappelons que l’an passé, elle avait déjà largement démontré ses capacités technologiques en faisant atterrir un engin, la sonde Chang’e 4, sur la face cachée de la Lune pour la première fois au monde.
L’Agence de presse Xinhua partage les premières images de la récupération de l’engin :