De nouvelles recherches indiquent que les émissions de carbone devront être encore plus limitées à l’avenir si l’on souhaite éviter un scénario catastrophe. Le réchauffement climatique fait grimper les océans bien plus, et plus rapidement que prévu, entraînant des risques précoces d’inondation au niveau des régions côtières, déjà mises à mal aujourd’hui.
Plus de 20% de la population mondiale vit actuellement à moins de 30 km des côtes. Ces estimations revues à la hausse, qui ont fait l’objet d’un article dans la revue Ocean Science, révèlent que la menace qui pèse sur ces habitants du littoral est bien plus importante qu’on ne le pensait. Le verdict est sans appel : les dernières données suggèrent que les pays devront réduire leurs émissions de gaz à effet de serre encore plus que prévu pour contenir le niveau de la mer. Sans quoi, les populations côtières en subiront rapidement les conséquences.
Selon Aslak Grinsted, géophysicien de l’Université de Copenhague et co-auteur de cette nouvelle étude, pour rester dans les limites fixées par les prévisions précédentes, il est indispensable de réduire de 200 milliards de tonnes supplémentaires les émissions de carbone, ce qui équivaut à environ cinq ans d’émissions mondiales.
Arborez un message climatique percutant 🌍
Des projections qui diffèrent de façon notable
Les dernières évaluations du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) suggèrent que le niveau moyen mondial de la mer ne devrait pas augmenter de plus de 1,1 m environ au cours de ce siècle, et augmentera encore après 2100. D’autres études ont cependant conclu qu’une élévation considérablement plus importante pourrait survenir, et un certain nombre d’experts attribuent aujourd’hui une probabilité nettement plus élevée à ce scénario.
Grinsted souligne que les projections du niveau de la mer décrites dans le cinquième rapport d’évaluation du GIEC (AR5) et dans le rapport spécial sur l’océan et la cryosphère dans un climat changeant (SROCC) ne sont malheureusement pas accompagnées de prévisions rétrospectives basées sur la même modélisation que celle utilisée pour les projections. De ce fait, il est impossible de vérifier que ces modèles peuvent reproduire une élévation historique du niveau de la mer. Il faut également tenir compte du fait que plusieurs facteurs (fonte des glaces, dilatation thermique) contribuent à cette élévation : ces facteurs ont des sensibilités différentes au réchauffement et leur contribution respective varie avec le temps ; par exemple, ces dernières années, la contribution de la fonte des glaces a augmenté par rapport à celle de la dilatation thermique.
Aslak Grinsted et son collaborateur norvégien, Jens Hesselbjerg Christensen, ont donc adopté une nouvelle approche : ils ont mis au point une nouvelle métrique de la sensibilité transitoire du niveau de la mer (ou TSLS pour transient sea level sensitivity), qui permet de relier le taux d’élévation du niveau moyen de la mer à la variation de la température de surface moyenne sur un siècle. Cette métrique peut expliquer la majorité de la réponse du niveau de la mer aux augmentations de température à cette échelle de temps.
Un lien indéniable avec les émissions de CO2
Les chercheurs ont ainsi identifié une relation presque linéaire avec la température de surface moyenne mondiale (et donc avec les émissions de dioxyde de carbone accumulées), à la fois dans les projections des différents modèles et dans les observations à l’échelle d’un siècle. Ils ont alors constaté que les projections évaluées dans l’AR5 et le SROCC sont nettement inférieures à une extrapolation des enregistrements historiques. Les estimations de Grinsted et ses collègues conduisent à un TSLS de 0,40 ± 0,05 mètre par siècle et par degré. En d’autres termes, les océans pourraient s’élever de près d’un mètre avec un réchauffement global de 2°C, une limite qui pourrait être facilement dépassée dans le cadre des politiques climatiques actuelles.
Ces conclusions font suite à l’avertissement lancé par des chercheurs britanniques, par le biais d’une étude parue le mois dernier dans The Cryosphere, selon laquelle notre planète a subi une perte colossale de glace entre 1994 et 2017, estimée à 28 milliards de tonnes (selon les données obtenues grâce aux observations des satellites Copernicus). Le taux de perte de glace a augmenté de près de 60% depuis les années 1990 — passant de 0,8 à 1,2 milliard de tonnes par an ; le phénomène concerne principalement les glaciers de montagne, et les glaces de l’Antarctique et du Groenland. Cette perte de glace a fait monter le niveau de la mer de 34,6 ± 3,1 mm sur la période.
Cette nouvelle étude nous rappelle à quel point il est crucial de diminuer les émissions de CO2 au niveau mondial. Grinsted et son équipe sont en contact avec le GIEC pour intégrer leurs résultats dans le sixième rapport d’évaluation qui sera publié l’année prochaine. Leur méthodologie de suivi des changements du niveau de la mer pourrait par ailleurs aider les compagnies d’assurance, les promoteurs immobiliers et les urbanistes à mieux se préparer à la future montée des eaux, voire à mettre en place des systèmes de protection contre ce phénomène dévastateur.