Découverts il y a une quinzaine d’années, les sursauts radio rapides (ou FRB pour fast radio burst) sont des flashs d’ondes radio d’une durée de quelques millisecondes, dont l’origine physique reste inconnue. Parmi les hypothèses envisagées, les magnétars — des étoiles à neutrons dotées d’un puissant champ magnétique, qui résultent d’explosions de supernovas — apparaissent comme une source probable de ces émissions. Mais la récente découverte d’un nouveau sursaut radio rapide d’origine mystérieuse pourrait remettre en question cette hypothèse.
À ce jour, les scientifiques ont découvert plus d’une centaine de sources de FRB, dont 24 produisent des rafales répétées. Malgré le nombre croissant de détections, leur origine reste une question ouverte ; les sources sont généralement localisées à des centaines de millions d’années-lumière.
FRB 20200120E est un FRB répétitif découvert en 2021 par le radiotélescope CHIME, basé au Canada ; ce signal serait associé à un amas globulaire (amas stellaire très dense) situé dans la galaxie spirale M81, à environ 12 millions d’années-lumière de la Voie lactée — il pourrait donc s’agir du FRB extragalactique le plus proche.
Les observations ont permis de localiser ce FRB à 2 parsecs du centre optique de l’amas globulaire. Or, les amas globulaires abritent de vieilles populations stellaires, ce qui remet en question les modèles de FRB qui reposent sur de jeunes magnétars formés dans une supernova à effondrement de cœur. Selon une nouvelle étude publiée dans Nature, le FRB 20200120E proviendrait plutôt d’un magnétar formé soit par l’effondrement d’une naine blanche induit par accrétion, soit par la fusion d’étoiles compactes dans un système binaire.
Un amas globulaire « trop vieux » pour héberger un magnétar
« Pour produire un FRB, il faut disposer d’une énorme quantité d’énergie, qui peut être rapidement libérée et utilisée dans divers processus. Les seules sources de ce type que nous connaissons sont soit les champs magnétiques d’un amas d’étoiles à neutrons – les magnétars – soit l’énergie gravitationnelle des trous noirs », explique dans un communiqué le Dr Marcin Gawroński, de l’Institut d’astronomie de l’Université Nicolas Copernic de Toruń, en Pologne. C’est pourquoi les magnétars sont rapidement apparus comme une source probable de FRB.
Pourtant, les astronomes ne parviennent pas à expliquer pourquoi la plupart des FRB sont uniques (ils ne sont détectés qu’une seule fois), alors que d’autres se produisent plusieurs fois, certains adoptant même une stricte périodicité. Par exemple, le FRB 121102, découvert en 2014 grâce aux données de l’observatoire d’Arecibo, est déjà à l’origine de plus de 200 signaux, dont l’émission est très erratique. La source du FRB 180916, en revanche, affiche une période d’émissions de 4 jours, puis reste silencieuse pendant 12 jours, avant d’émettre à nouveau. Parce qu’ils sont la plupart du temps uniques et très aléatoires, les FRB sont difficiles à étudier.
Depuis la détection de FRB 20200120E, une équipe internationale d’astronomes s’est focalisée sur la galaxie M81, dans l’espoir d’en apprendre plus sur ce sursaut répétitif. Les plus grands radiotélescopes européens ont été utilisés (parmi lesquels le radiotélescope d’Effelsberg, le radiotélescope de Sardaigne, et le RT4 de Toruń, de 100, 64 et 32 mètres de diamètre respectivement), afin de mieux localiser cette source et de caractériser son environnement. Dès les premières observations, les chercheurs ont détecté une série de quatre sursauts, suivis peu de temps après par deux autres. Mais ils ont été très surpris par leurs découvertes.
Ils se sont tout d’abord aperçus que le sursaut rapide provenait bien d’un amas globulaire — soit une zone densément peuplée d’étoiles, ce qui éliminait tout espoir de pouvoir localiser précisément la source. Or, ces amas sont généralement composés d’étoiles très anciennes, âgées de milliards d’années, et de faible masse, il était donc peu probable d’y trouver un « jeune » magnétar. « Quand nous avons vu les premiers résultats, nous ne pouvions pas y croire, et au début, nous pensions même que nous avions fait une erreur de calcul. Il s’est avéré que non », se souvient Gawroński.
Plusieurs autres pistes à l’étude
Par conséquent, si le FRB était bel et bien produit par un magnétar, ce dernier ne pouvait pas s’être formé de manière habituelle, autrement dit suite à l’explosion d’une étoile massive. En effet, ces étoiles ont une durée de vie relativement courte à l’échelle du cosmos et au bout de quelques millions d’années, finissent en supernova. Ce qui signifie qu’aucun nouveau magnétar n’a pu se former de cette façon dans l’amas globulaire considéré ici.
En revanche, les scientifiques avancent qu’un magnétar aurait pu se former suite à l’explosion d’une « vieille » étoile, une naine blanche en particulier. En théorie, ceci peut se produire au sein d’un système binaire dans lequel une naine blanche accrète lentement la matière de son compagnon ; les binaires compacts se forment efficacement à l’intérieur des amas globulaires. L’accrétion se poursuit jusqu’à ce que la masse de l’étoile approche la limite de Chandrasekhar : elle devient alors trop importante pour que l’étoile reste stable, ce qui peut conduire à une explosion thermonucléaire, au cours de laquelle une étoile à neutrons peut également se former. Mais dans ce cas, les chercheurs ne s’expliquent pas pourquoi ils n’ont observé aucun rémanent ou toute autre trace de cette explosion.
Autre source possible de ce mystérieux sursaut : la fusion de deux vieilles étoiles compactes (deux naines blanches ou deux étoiles à neutrons), un phénomène appelé kilonova, qui aurait conduit à la formation d’un objet plus jeune. Mais selon les experts, il est peu probable qu’un tel événement se produise dans notre Univers local. Il est également possible que la source ne soit pas un magnétar, mais un binaire à rayons X de faible masse (formé par une naine blanche et une étoile à neutrons, ou par une étoile à neutrons et une exoplanète), ou encore un trou noir en accrétion. L’équipe n’a cependant pu relever aucune preuve de l’un ou l’autre phénomène (aucun rayonnement X ni gamma). L’origine des FRB reste donc incertaine à ce jour, mais grâce à ces récentes observations, l’éventail des possibilités s’élargit.