Aurons-nous bientôt du lait artificiel dans notre bol au petit-déjeuner ? Pas impossible, avance Milena Bojovic, chercheuse à la Macquarie University (Australie). Elle a étudié les grandes évolutions à venir du secteur laitier.
Certaines entreprises se sont déjà emparées du filon du lait de synthèse. Entre autres, l’entreprise Perfect Day, aux États-Unis, s’est mise à produire de la crème glacée à partir de ce produit. Son argument : « la crème glacée au lait de vache est ‘savoureuse, mais non durable’, la crème glacée à base de plantes ‘plus durable, mais pas savoureuse’, alors que leur produit serait ‘à la fois durable ET savoureux’ », présente Milena Bojovic en guise d’exemple dans son travail de recherche publié dans le Journal of the Agriculture, Food, and Human Values Society.
La scientifique s’est plongée dans de nombreuses études et données pour étudier les grandes tendances qui pourraient dessiner l’avenir de l’industrie laitière dans le monde. Parmi celles-ci, on trouve le lait synthétique. Selon elle, ce produit a le potentiel de bousculer tous les codes de l’industrie laitière en place, pour le meilleur et pour le pire.
Tout d’abord, qu’est-ce que le lait de synthèse ? Le principe est un peu le même que celui de la viande de laboratoire, qui a tant fait parler d’elle ces dernières années. « Le lait synthétique ne nécessite pas de vaches ou d’autres animaux. Il peut avoir la même composition biochimique que le lait animal, mais il est cultivé à l’aide d’une technique biotechnologique émergente connue sous le nom de ‘fermentation de précision’, qui produit de la biomasse cultivée à partir de cellules », explique Milena Bojovic dans un communiqué.
Ce produit semble donc répondre à plusieurs enjeux. Il permettrait de ne pas faire appel à l’élevage de masse pour répondre à la demande en lait. Un fait qui semble positif autant d’un point de vue écologique que du point de vue du bien-être animal. De plus, le lait de synthèse rencontre moins de difficultés que la viande. « Contrairement à la viande synthétique, qui a du mal à faire correspondre la complexité et les textures des différents produits carnés, le lait synthétique est susceptible de ne pas être distingué du lait de vache en raison de sa forme liquide », souligne ainsi la chercheuse.
Le lait synthétique est-il l’avenir ?
À l’heure où 80 % de la population mondiale consomme régulièrement des produits laitiers, on comprend donc que le lait de synthèse puisse apparaître comme un concurrent de taille sur le marché. « S’il peut être produit à moindre coût que le lait de vache, le potentiel de changement relativement rapide de l’industrie laitière provoqué par l’agriculture cellulaire est élevé », affirme Milena Bojovic.
Serait-ce pour autant une bonne chose ? La scientifique se garde bien de présenter le lait synthétique comme la panacée. « Bien que la technologie présente un énorme potentiel de gains pour l’environnement et le bien-être des animaux, elle s’accompagne de défis et d’inconvénients potentiels », souligne-t-elle. En effet, selon elle, ces laits alternatifs ne remettent pas nécessairement en cause la « corporatisation » ou l’homogénéisation de l’agriculture industrielle conventionnelle.
Très concrètement, « cela signifie que les grands producteurs de lait synthétique pourraient éliminer les systèmes laitiers à faible technologie ou à petite échelle – et les produits laitiers alternatifs ». Reste à savoir, également, ce qu’il adviendra des agriculteurs si toutes les coopératives se tournent vers le lait synthétique. Autrement dit, « quand le lait synthétique gagnera du terrain dans les années à venir, nous devrons nous garder de reproduire les inégalités existantes dans le système alimentaire actuel ».
Dans tous les cas, il reste en tout cas du chemin à faire, en termes d’investissement et de développement technologique, avant d’en arriver là. Qu’on le veuille ou non, affirme la scientifique, « l’industrie laitière traditionnelle n’est pas près de disparaître ».