Alaska : l’origine d’un des plus puissants tsunamis jamais enregistrés enfin élucidée

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En 2015, l’un des plus puissants tsunamis du siècle a été enregistré en Alaska suite à l’effondrement d’un massif rocheux. Bien que quelques hypothèses aient été avancées, le mécanisme exact à l’origine du phénomène demeurait toujours incertain. Mais récemment, des scientifiques ont pu fournir une explication rigoureuse du processus, impliquant le réchauffement climatique.

Il y a trois ans, en Alaska, un tsunami extrêmement puissant a déferlé à travers les fjords suite à l’éboulement de 163 millions de tonnes de roches dans l’eau, générant une vague dévastatrice de plus de 180 mètres de haut, ayant détruit toutes les forêts des rives alentours. Le cataclysme, qui s’est déroulé en octobre 2015 au niveau du fjord de Taan (Alaska du sud-est), est considéré comme le quatrième tsunami le plus puissant enregistré au cours du dernier siècle.

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Et son origine, liée à la fonte des glaces, suggère que ce genre d’événement tendra à devenir plus fréquent avec le réchauffement climatique. La nouvelle étude, publiée dans la revue Nature, le qualifie de « danger occasionné par le réchauffement climatique ». « De nombreux glissements de terrains sont amenés à se produire avec la fonte des glaciers et le dégel du pergélisol alpin » explique Bretwood Higman, géophysicien au Ground Truth Trekking (Seldovia, Alaska). « Il y a 40 ans, le fjord de Taan n’existait pas, tout était recouvert de glace » ajoute Dan Shugar, géophysicien à l’université de Washington.

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Photographie montrant la configuration du fjord de Taan et indiquant les différents éléments impliqués dans le tsunami de 2015. La gigantesque vague résultante a débarrassé le rivage de toute végétation. Crédits : Bretwood Higman & al.

Cependant, le glacier en question — le glacier de Tyndall —  a reculé d’environ 16 kilomètres entre 1961 et 1991, tout en s’affinant de plus de 300 mètres avant de se stabiliser à son emplacement actuel. Le phénomène n’a pas simplement contribué à ouvrir le fjord, il a également fait disparaître une grande masse de glace qui soutenait les fondations du glacier.

Lorsque le glissement de terrain s’est produit en regard du glacier, la topologie confinée du fjord a généré une vague gigantesque qui s’est propagée à environ 97 km/h. « Imaginez laisser tomber une boule de bowling dans votre bain » prend comme analogie Shugar. « L’eau peut se propager dans toutes les directions du bain. Mais lorsqu’elle rencontre un bord, elle ne peut aller plus loin, elle prend donc de la hauteur ».

Shugar indique que le tsunami n’était pas le plus puissant enregistré jusqu’à présent, mais qu’il est toutefois du même type. « Le tsunami le plus puissant jamais enregistré s’est également produit en Alaska, dans la baie de Lituya, et c’était un événement remarquablement similaire à celui-ci : un glissement de terrain a frappé la pointe du glacier et a fini sa course dans les eaux du fjord. Mais dans ce cas, un séisme était à l’origine de l’éboulement ».

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Carte montrant l’étendue du glissement de terrain (marron) dans les eaux du fjord de Taan. Crédits : Bretwood Higman & al.

La vague de ce tsunami a atteint 523 mètres de hauteur en 1958. Bien que les enregistrements scientifiques n’aient commencé qu’au siècle dernier, les chercheurs pensent que des tsunamis encore plus violents se sont produits dans un passé plus lointain. Afin d’étudier le tsunami de 2015, les chercheurs se sont rapidement rendus sur le site après avoir détecté la signature sismique du glissement de terrain, quelque huit mois après.

Sur place, ils ont pris conscience de l’étendue de la destruction, en observant les rivages rasés de toute végétation, les multiples empilements de roches et de débris, ainsi que les éclats de roches encastrés dans les rares troncs d’arbre encore présents, similaires à des éclats d’obus.

Aucune victime n’a été à déplorer lors de l’événement, mais Shugar se montre inquiet pour les équipages de potentiels bateaux qui pourraient, dans le futur, se trouver dans les fjords, un tel tsunami étant susceptible de se reproduire. Il prend comme exemple un récent tsunami à l’origine similaire, ayant provoqué quatre décès au Groenland.

« Au fur et à mesure que les pentes des montagnes s’ajustent au réchauffement climatique, elles peuvent donner lieu à des éboulements, des avalanches, voire même céder entièrement » explique Martin Lüthi, géologue à l’université de Zurich qui a récemment travaillé sur des tsunamis provoqués par des chutes de glaces dans les fjords groenlandais.

« Plusieurs énormes glissements de terrains ont eu lieu dans des zones de dégel rapide partout à travers le monde, et ont généré de gigantesques vagues de tsunami en atteignant les lacs ou les fjords. Les auteurs de l’étude ont certainement raison lorsqu’ils proposent d’identifier, cartographier et surveiller les zones potentielles de danger afin de réduire les dégâts dus aux tsunamis provoqués par les glissements de terrain » ajoute Lüthi.

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Sur place, les scientifiques ont identifié des empilements rocheux, des traces de débris et des signatures géologiques laissés par le passage du tsunami. Crédits : Bretwood Higman & al.

« Leurs explications concernant le rôle de la fonte des glaciers dans la création de situations dangereuses sont convaincantes et effrayantes » confie Ronadh Cox, géophysicien au William College (Massachusetts). « Pour moi, il s’agit d’une étude très importante ». Il rappelle, en outre, que les tsunamis ne sont pas les seuls dangers provoqués par le retrait et la fonte des glaciers.

La fonte des glaces peut, en effet, entraîner la formation de lacs de hautes altitudes très instables pouvant provoquer d’importantes inondations. Les glaciers situés en eaux profondes peuvent aussi être à l’origine de la formation, dans les fjords, de vagues similaires aux vagues scélérates océaniques.

Le rapport publié par les chercheurs montre indéniablement les conséquences du réchauffement climatique à l’échelle globale et son rôle dans certains cataclysmes destructeurs. « Plus nous continuerons sur notre lancée, plus les pentes des montages deviendront instables, conduisant à une fréquence plus élevée de ce genre d’événement » conclut Shugar.

Source : Nature

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