Une algue pourrait contribuer à la formation des nuages

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L'algue unicellulaire E. huxleyi. | STEVE GSCHMEISSNER
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Bien que les modèles climatiques et météorologiques aient évolué au cours de ces dernières années afin d’intégrer des données de plus en plus nombreuses, des mécanismes aussi ordinaires que la formation des nuages réservent encore certaines surprises. Des scientifiques viennent en effet de découvrir un nouveau processus potentiellement à l’oeuvre dans cette dynamique atmosphérique.

La physique des nuages décrit la formation d’un nuage comme le refroidissement d’un volume d’air jusqu’à condensation d’une fraction de sa vapeur d’eau. Cette dernière se trouve classiquement sous forme de masses éparses en suspension dans l’atmosphère. Une nouvelle étude révèle cependant que cette vapeur proviendrait également de la présence d’une algue particulière dont la coque servirait de structure sur laquelle la vapeur se condenserait puis formerait des gouttelettes à l’origine des nuages.

« Je n’avais jamais vu cela auparavant » affirme Christopher Fairall, physicien atmosphérique à la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA). En effet, ces résultats, publiés dans la revue Cell, suggèrent que les processus dynamiques atmosphériques sont plus complexes que prévu.

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Emiliania huxleyi est une algue unicellulaire pouvant recouvrir des milliers de km² de surface océanique. Celle-ci — avec d’autres organismes photosynthétiques — occupe la base de la chaîne alimentaire dans la plupart des eaux du monde.

Une majorité de ces organismes possèdent une coquille constituée de plaques de carbonate de calcium appelées coccolithes. Lorsqu’ils meurent, la coquille tombe généralement au fond de l’océan et s’accumule avec d’autres matériaux pour constituer une couche sédimentaire. Mais certaines coquilles sont projetées dans l’air par des vagues ou des éclatements de bulles de surface.

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Emiliania huxleyi observées au microscope électronique. Les plaques de carbonate de calcium sont nettement visibles. Crédits : Mike Herald

C’est au milieu de ces particules atmosphériques que Miri Trainic, chimiste de l’atmosphère au Weizmann Institute of Science (Israël), et ses collègues, ont trouvé ces coccolithes. Ces dernières diffusent la lumière et contribuent à la brume océanique, mais elles servent également de surfaces sur lesquelles la vapeur peut se condenser. Cependant, l’exact rôle des coccolithes dans la formation nuageuse n’est pas encore précisément connu.

Les organismes comme E. huxleyi meurent naturellement, mais ils peuvent également mourir en grand nombre en cas d’infection virale. Trainic et son équipe ont donc décidé de déterminer si le nombre de coccolithes atmosphériques variait avec le temps et, si oui, dans quelle mesure.

Notamment, les chercheurs ont souhaité savoir comment une infection virale par le virus EhV (virus ciblant naturellement E. huxleyi) pouvait influer sur le nombre de coccolithes libres dans l’eau et dans l’air.

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Le schéma de l’expérience utilisée par les chercheurs. Les algues Emiliania huxleyi infectées se trouvent dans l’eau, puis, à leur mort, un certain nombre de coccolithes se retrouvent en suspension dans l’air au-dessus de la surface. Crédits : Miri Trainic & al.

Au début de leurs tests, chaque millimètre d’eau contenait environ 20 millions de coccolithes libres. Mais 5 jours après l’infection de l’algue avec le virus EhV, ce nombre a triplé dans l’eau ; tandis que dans l’air au-dessus de l’eau, il a été multiplié par 10. Cela signifie que ces coquilles aéroportées pourraient jouer un rôle important dans la formation des nuages. En grand nombre, ces petites plaques de carbonate de calcium fournissent une surface importante sur laquelle la vapeur peut se condenser en gouttelettes.

Les résultats montrent également que lorsque les coccolithes montent dans l’atmosphère, leur nombre peut très vite augmenter, étant donné que les coquilles retombent extrêmement lentement.

Les petites plaques mettent environ 100 secondes pour redescendre d’1 cm. Une coccolithe de sel aggloméré, formée lors de l’évaporation de l’eau d’une gouttelette salée, est plus dense et chute donc à 25 fois cette vitesse. Progressivement, les particules de sel chutent, permettant au nombre de coccolithes présentes dans les embruns d’augmenter graduellement, et ainsi d’avoir une influence grandissante sur la formation des nuages.

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Images en microscopie électronique de différentes coccolithes retrouvées dans l’air au cours de l’expérience. Crédits : Miri Trainic & al.

« Ces coquilles offrent une surface non négligeable de condensation à la vapeur d’eau » explique Patricia Quinn, chimiste atmosphérique à la NOAA. Selon elle, les coccolithes influeraient également sur la chimie même de l’atmosphère. Par exemple, le carbonate de calcium pourrait réagir avec le sulfure de diméthyle, un gaz produit naturellement par E. huxleyi ainsi que d’autres micro-organismes marins, et ainsi le neutraliser. Un tel processus pourrait réduire le nombre d’aérosols océaniques à l’origine de la formation des nuages.

Donc, un nombre élevé de coccolithes dans l’atmosphère dû à des infections virales, conduirait en réalité à une réduction de la formation nuageuse plutôt qu’à son augmentation. Ces résultats sont prometteurs, et la prochaine étape pour les scientifiques est d’aller étudier ces mécanismes in situ dans les eaux norvégiennes, où E. huxleyi est très présente.

Sources : Cell

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