Des chercheurs espagnols viennent de publier les résultats d’une étude dans laquelle ils établissent un lien entre la junk food (ou malbouffe) et le risque d’avoir des télomères courts à un âge avancé. En d’autres termes, ils démontrent ici que se nourrir régulièrement de plats industriels ultratransformés accélère le vieillissement cellulaire et favorise l’apparition précoce de plusieurs maladies.
La consommation d’aliments ultratransformés a augmenté dans le monde entier et a déjà été associée au risque de développer plusieurs maladies. Des scientifiques montrent cette fois-ci que ce type de nourriture peut également affecter la longueur des télomères, via des mécanismes d’oxydation et d’inflammation.
Un risque deux fois plus élevé
Les télomères sont des régions de l’ADN, situées aux extrémités d’un chromosome. Ils comportent des séquences répétitives d’ADN et jouent un rôle protecteur. En effet, ils évitent que le chromosome ne « s’effiloche », ce qui pourrait provoquer des erreurs génétiques (le déroulement de l’ADN pourrait être interprété comme une corruption, ou bien des chromosomes pourraient fusionner entre eux par cette extrémité). En outre, lorsque l’ADN se réplique, le segment répliqué est généralement plus court que l’original (la réplication est incomplète). La présence des télomères, qui sont exempts d’information génétique essentielle, prévient ainsi la perte de données.
Avec l’âge, les télomères raccourcissent naturellement, car chaque fois qu’une cellule se divise, une partie du télomère est perdue. Mais voilà, lorsque le télomère devient trop court, il ne peut plus assurer son rôle. Plusieurs études ont déjà montré que des télomères courts favorisaient l’apparition de maladies liées à l’âge. Pour établir un lien entre l’alimentation et la taille des télomères, des chercheurs de l’Institut de recherche en santé de Navarre, à Pampelune, ont mené une enquête auprès d’un échantillon de personnes âgées.
Les 886 participants, âgés de 57 à 91 ans, ont été recrutés dans le cadre du projet SUN (Seguimiento Universidad de Navarra). Ce dernier a permis de suivre une cohorte de personnes pendant près d’une vingtaine d’années (de 1999 à 2018), pour analyser leur alimentation, leur mode de vie, et les conséquences sur leur santé.
La longueur des télomères a été mesurée à partir d’échantillons de salive ; la consommation d’aliments ultratransformés a été estimée en utilisant un FFQ (Food frequency questionnaire) de 136 éléments, validés et classés selon le système NOVA. Ce dernier permet de répartir les aliments en quatre groupes, selon le degré de transformation des matières qu’ils contiennent. C’est un outil reconnu et utilisé au niveau mondial, créé par des chercheurs de l’Université de São Paulo, en réponse au développement exponentiel de l’industrie agroalimentaire.
Grâce aux données recueillies, les chercheurs ont établi un lien entre la fréquence de consommation d’aliments ultratransformés et le risque d’avoir des télomères courts, à l’aide de modèles de régression logistique. Il s’avère que les participants avec la plus forte consommation de ces produits industriels (soit au moins 3 portions par jour) avaient presque deux fois plus de chances d’avoir des télomères courts que ceux avec la consommation la plus faible.
Les aliments ne provoquent pas directement le raccourcissement des télomères. Mais Maira Bes-Rastrollo, chercheuse à l’Université de Navarre et co-auteure de l’étude, explique que leur consommation régulière entraîne un stress oxydatif et une inflammation qui vont aboutir à des télomères plus courts.
La solution : privilégier les fruits et légumes frais
Qu’est-ce qu’un aliment ultratransformé au juste ? C’est un aliment qui a subi divers procédés industriels avant d’atterrir dans votre assiette (hydrogénation, hydrolyse, friture, etc.), des traitements qui visent à prolonger leur conservation et/ou améliorer leur aspect. Il peut également s’agir d’un aliment auquel on a ajouté diverses substances (colorants, émulsifiants, édulcorants, texturants, arômes, etc.), pour les mêmes raisons.
Selon la classification NOVA, les aliments ultratransformés appartiennent au groupe 4 : ils sont constitués de 5 ingrédients ou plus et subissent une transformation industrielle complexe (recombinaison ou reconstitution d’ingrédients). Ce sont généralement des aliments riches en sucres, en sel et en matières grasses, pauvres en nutriments… et très appréciés des consommateurs ! Sodas, biscuits apéritifs, chips, barres chocolatées, confiserie, pâtisseries, céréales pour enfants, plats cuisinés, voilà tout autant de produits dont tout le monde raffole, mais qui à haute dose, s’avèrent très dangereux pour la santé.
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Il est aujourd’hui reconnu que la consommation de ces aliments est associée à des risques d’obésité, de diabète, de cholestérol, de maladies cardiovasculaires, voire de cancer. Selon une étude publiée en 2018 par l’Inserm, l’INRA et l’Université Paris 13, une augmentation de 10% de la proportion d’aliments ultratransformés dans le régime alimentaire est associée à une augmentation de plus de 10% des risques de développer un cancer (en particulier un cancer du sein).
Généralement moins chers et pratiques pour les familles, ces produits continuent d’envahir les rayons des supermarchés. Les consommateurs s’exposent ainsi régulièrement à des substances néfastes. « Les effets du cocktail de tous les additifs inclus dans les aliments ultratraités sur la santé à long terme restent peu connus », a déclaré Maira Bes-Rastrollo. Pour ralentir le vieillissement cellulaire, la spécialiste conseille d’adopter au maximum un régime méditerranéen, soit un apport élevé en fruits et légumes, du poisson et de l’huile d’olive. « Une meilleure éducation de la population sur la façon de cuisiner des repas sains et faciles est souhaitable », ajoute-t-elle.