ALMA livre des images sans précédent concernant la formation des planètes

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| ALMA (ESO/NAOJ/NRAO), S. Andrews et al.; NRAO/AUI/NSF, S. Dagnello

Depuis plusieurs années, le catalogue des exoplanètes s’est étoffé tandis que les modèles de formation planétaire se sont affinés. Toutefois, de nombreuses incertitudes existent encore concernant la formation, l’évolution et la dynamique des planètes. De nouvelles observations menées avec ALMA sur de jeunes disques protoplanétaires ont pu apporter une lumière cruciale sur ces questionnements.

Les astronomes ont répertorié près de 4000 exoplanètes en orbite autour d’étoiles lointaines. Bien que la découverte de ces nouveaux mondes nous ait appris beaucoup de choses, nous en ignorons encore beaucoup sur la naissance des planètes et les recettes cosmiques précises qui engendrent le vaste éventail de corps planétaires déjà découverts, y compris les Jupiter chauds, les gigantesques mondes rocheux, les planètes naines glacées et, des planètes analogues à la Terre.

Pour aider à répondre à ces questions, une équipe d’astronomes a réalisé la première étude à grande échelle et à haute résolution d’ALMA sur les disques protoplanétaires, les ceintures de poussière et de gaz autour des étoiles jeunes.

Une invitation à rêver, prête à être portée.

Connu sous le nom de Projet de Sub-structures de Disques à Haute Résolution Angulaire (DSHARP), ce programme du Grand réseau d’antennes millimétrique/submillimétrique de l’Atacama (ALMA) a produit de superbes images haute résolution de 20 disques protoplanétaires à proximité, et a offert aux astronomes un nouvel aperçu de la variété de leurs caractéristiques et de la vitesse à laquelle les planètes peuvent émerger. Les résultats de cette étude seront publiés dans un numéro spécial de la revue Astrophysical Journal Letters.

Étudier la structure des disques protoplanétaires pour mieux comprendre la formation des planètes

Selon les chercheurs, l’interprétation la plus convaincante de ces observations est que les grandes planètes, dont la taille et la composition sont semblables à celles de Neptune ou de Saturne, se forment rapidement, beaucoup plus rapidement que ne le permettraient les théories actuelles. De telles planètes ont également tendance à se former dans les confins de leur système solaire, à des distances énormes de leurs étoiles hôtes.

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Les modèles de formation planétaire actuels impliquent tous l’existence préliminaire d’un disque protoplanétaire autour de l’étoile hôte. Il est essentiel de pouvoir étudier ces disques et leur structure pour mieux comprendre la dynamique de la formation des planètes. Crédits NASA/FUSE/Lynette Cook

Une telle formation précoce pourrait également aider à expliquer comment des mondes rocheux, de la taille de la Terre, peuvent évoluer et grandir, survivant à leur adolescence présumée autodestructrice.

« L’objectif de cette campagne d’observation qui durait depuis plusieurs mois était de rechercher des points communs structurels et des différences dans les disques protoplanétaires. La vision remarquablement nette d’ALMA a révélé des structures inédites et des schémas complexes inattendus » déclare Sean Andrews, astronome au Centre d’astrophysique Harvard-Smithsonian (CfA) et responsable de la campagne d’observation ALMA, avec Andrea Isella de l’Université Rice, Laura Pérez de l’Université du Chili et Cornelis Dullemond, de l’Université de Heidelberg.

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« Nous voyons des détails distincts autour d’un large assortiment de jeunes étoiles de différentes masses. L’interprétation la plus convaincante de ces caractéristiques très diverses et à petite échelle est qu’il existe des planètes invisibles en interaction avec le matériel du disque ».

Des indices de formation planétaire dans de jeunes disques protoplanétaires

Les principaux modèles de formation planétaire soutiennent que les planètes naissent de l’accumulation progressive de poussière et de gaz à l’intérieur d’un disque protoplanétaire, en commençant par des grains de poussière glacée qui fusionnent pour former des roches de plus en plus grandes, jusqu’à l’émergence d’astéroïdes, de planétésimaux et de planètes.

Ce processus hiérarchique devrait prendre plusieurs millions d’années, ce qui donne à penser que son impact sur les disques protoplanétaires serait plus répandu dans les systèmes plus anciens et plus matures. Des preuves de plus en plus nombreuses indiquent toutefois que ce n’est pas toujours le cas.

Vidéo présentant une animation artistique de la formation de planètes dans un disque protoplanétaire :

Les premières observations d’ALMA sur de jeunes disques protoplanétaires, datant d’environ un million d’années, révèlent des structures étonnamment bien définies, notamment des anneaux et des trous saillants, qui semblent être les marques distinctives des planètes. Les astronomes ont d’abord été prudents pour attribuer ces caractéristiques aux actions des planètes, car d’autres processus naturels pourraient être en jeu.

« Il était surprenant de voir des signatures possibles de formation planétaire dans les toutes premières images haute résolution de jeunes disques. Il était important de savoir s’il s’agissait d’anomalies ou si ces signatures étaient courantes dans les disques » explique Jane Huang, une étudiante de troisième cycle à la CfA, et membre de l’équipe de recherche.

Étant donné que l’échantillon initial de disques que les astronomes pouvaient étudier était très petit, il était impossible de tirer des conclusions globales. De telles caractéristiques auraient simplement pu provenir de systèmes atypiques. Davantage d’observations sur une variété de disques protoplanétaires étaient nécessaires pour déterminer les causes les plus probables des caractéristiques observées.

Disques protoplanétaires jeunes : des caractéristiques structurelles propices à la formation de planètes

La campagne DSHARP a été conçue précisément pour cela, en étudiant la distribution relativement petite des particules de poussière autour de 20 disques protoplanétaires à proximité. Ces particules de poussière brillent naturellement sous une lumière millimétrique, ce qui permet à ALMA de cartographier avec précision la distribution de la densité de petites particules solides autour des jeunes étoiles.

En fonction de la distance de l’étoile par rapport à la Terre, ALMA a pu distinguer des caractéristiques aussi petites que quelques unités astronomiques (UA). En utilisant ces observations, les chercheurs ont été en mesure d’imager une population entière de disques protoplanétaires à proximité, et d’étudier leurs caractéristiques à l’échelle de l’unité astronomique.

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Ensemble des disques protoplanétaires imagés par ALMA dans le cadre du Disk Substructures at High Angular Resolution Project (DSHARP). Crédits : ALMA (ESO/NAOJ/NRAO), S. Andrews et al.; NRAO/AUI/NSF, S. Dagnello

Les chercheurs ont découvert que de nombreuses sous-structures — espaces concentriques, anneaux étroits — sont communes à presque tous les disques, tandis que des motifs en spirale à grande échelle et des caractéristiques en forme d’arc sont également présents dans certains cas. De plus, les disques et les trous sont présents à une large gamme de distances de leurs étoiles hôtes, de quelques UA à plus de 100 UA, soit plus de trois fois la distance de Neptune à notre Soleil.

Ces caractéristiques, qui pourraient être l’empreinte de grandes planètes, pourraient expliquer la capacité de formation et de croissance de planètes rocheuses ressemblant à la Terre. Pendant des décennies, les astronomes ont été perplexes devant un obstacle majeur dans la théorie de la formation des planètes : une fois que les corps poussiéreux atteignent une certaine taille — environ un centimètre de diamètre — la dynamique d’un disque protoplanétaire lisse les inciterait à tomber sur leur étoile hôte, n’acquérant jamais la masse nécessaire pour former des planètes comme Mars, Vénus et la Terre.

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Quatre des vingt disques composant l’étude à haute résolution d’ALMA sur les disques protoplanétaires à proximité. – AS 209 est une étoile hébergeant un disque vieux d’un million d’années, situé à environ 400 années-lumière de la Terre. L’image d’ALMA montre une série très serrée d’anneaux poussiéreux dans son disque interne, et deux bandes minces de poussière supplémentaires très loin de l’étoile centrale. – HD 143006 a environ 5 millions d’années et réside à 540 années-lumière de la Terre. Cette étoile héberge un disque qui montre de grands écarts entre des pistes poussiéreuses qui délimitent les parties interne et externe du disque. Sur la partie inférieure gauche de l’anneau externe, on peut voir une région en forme d’arc dense, annonçant éventuellement une concentration de matière à l’endroit où des comètes ou d’autres corps glacés se forment. – ALMA révèle de larges bras spiraux dans le disque de poussière en orbite autour de IM Lup, une jeune étoile située à environ 515 années-lumière de la Terre. Ces schémas peuvent être le résultat d’un compagnon planétaire invisible qui perturbe le disque, ou d’une instabilité globale de la structure du disque semblable à celle des galaxies spirales comme la Voie lactée. – AS 205 est un système à plusieurs étoiles, chaque étoile possédant son propre disque poussiéreux. Comme la plupart des étoiles de la Voie lactée sont des multiples, cette observation fournit des indices sur le potentiel des planètes dans de tels systèmes. Ce dernier système est situé à environ 420 années-lumière de la Terre. Crédits : ALMA (ESO/NAOJ/NRAO) S. Andrews et al.; NRAO/AUI/NSF, S. Dagnello

Les épais anneaux de poussière que nous voyons maintenant avec ALMA constitueraient un refuge sûr pour les mondes rocheux à maturité. Leurs densités plus élevées et la concentration de particules de poussière créeraient des perturbations dans le disque, formant des zones où les planétésimaux auraient plus de temps pour se développer en planètes à part entière.

« Quand ALMA a véritablement révélé ses capacités avec son image emblématique de HL Tau, nous avons dû nous demander si c’était un cas particulier, car le disque était relativement massif et jeune. Ces dernières observations montrent que, bien que frappant, HL Tau est loin d’être inhabituel et peut en réalité représenter l’évolution normale des planètes autour des étoiles jeunes » conclut Laura Perez.

Source : NRAO

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