Les Amérindiens ont découvert les îles Malouines avant les Européens

Du charbon, des restes d'otaries et un renard disparu mettent sur la piste.

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Un crâne d'otarie mâle extraite de la pile d'ossements en arrière-plan, à New Island. | Kit Hamley
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Renversement de perspective dans la saga de la découverte des îles Malouines (ou îles Falkland). Une nouvelle étude remet en cause le scénario traditionnel d’un archipel inexploré avant l’arrivée des Européens sur la base d’un faisceau de preuves indirectes, et suggère sa découverte préhistorique par les Yagans, peuple marin du sud de la Terre de Feu. Situées à 400 km de l’Amérique du Sud, les Malouines ont été officiellement découvertes exemptes de traces d’activité humaine par les Européens au XVIe siècle, puis colonisées à partir de 1764.

Les Yagans, peuple marin habitant le sud de la Terre de Feu (l’archipel qui se trouve à l’extrême sud du continent sud-américain), auraient visité les Malouines avant les Européens à une ou plusieurs reprises vers 1400. Telle est la tonitruante conclusion d’une récente étude publiée mercredi dans la revue Science Advances.

À l’origine du renouveau de cette théorie, évoquée dès le XIXe siècle, un nouveau faisceau d’indices circonstanciels allant dans le sens d’une présence humaine préhistorique sur les côtes de cet archipel de la superficie de l’Île-de-France, constitué de deux îles principales et de 750 confettis de terres.

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Menée par Kit Hamley, de l’université du Maine, l’investigation s’est concentrée sur un site spécifique de l’île la plus occidentale des Malouines, New Island, où avait été trouvé en 1979 un projectile autochtone taillé dans une roche locale.

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Emplacement du site fouillé sur New Island. © Science Advances/Hamley et al.

Les alentours du site de trouvaille du projectile préhistorique ont révélé des piles d’ossements d’animaux marins et des dépôts de charbon particulièrement importants par rapport aux îles Malouines, notamment de 1400 vers 1550, soit avant et pendant les premières explorations européennes sans colonisation.

Des dépôts de charbon particulièrement révélateurs

Pour comparer les dépôts de charbon de New Island avec ceux des îles Malouines en général, supposées inexplorées dans leur intérieur, les chercheurs ont extrait des carottes de tourbe de New Island, du mont Usborne — le sommet des Malouines, à 750 m d’altitude — et de Bleaker Island, une île où Darwin avait repéré des canoës en 1833 lors de son expédition à bord du Beagle, qu’il avait présumé dérivés depuis la Terre de Feu par le courant des Malouines, un courant froid qui atteint le nord de l’Argentine depuis la Terre de Feu en passant par les Malouines.

Verdict : sur 7000 ans d’enregistrement sédimentaire, les dépôts de charbon sur Bleaker Island et au mont Usborne sont uniformes et restent faibles, alors que les dépôts à New Island sont multipliés par 100 et dépassent en intensité tous les autres dépôts précédant la colonisation européenne, de 1400 à 1550. Sachant que l’augmentation significative de l’intensité des feux est caractéristique de l’arrivée de l’être humain sur une nouvelle île, cela semble confirmer la présence de canoës par dérive sur Bleaker Island… mais une arrivée bien réelle sur New Island !

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Taux d’accumulation du charbon sédimentaire (nombre de charbons par cm² par an) selon l’âge des sédiments. La couleur correspond aux trois lieux où ont été prélevées les carottes de tourbe. © Science Advances/Hamley et al.

Chasse à l’otarie à crinière et au gorfou sauteur

Aux charbons se rajoutent des tas d’ossements, datés pour deux d’entre eux de 1275 à 1420. Ils constituent une preuve forte de déchets d’activité humaine. Déjà, ces accumulations d’ossements sont issues de dizaines de gorfous sauteurs et de leurs prédateurs, les otaries à crinière — un assemblage contemporain de prédateurs et de proies semble incongru. De plus, les tas sont situés sur des pentes sujettes à l’érosion, et leur dépôt ne paraît pas cohérent avec l’absence de dépression à cet endroit.

Mais alors, comment expliquer l’absence de traces de boucherie sur les os ? C’est là qu’intervient l’hypothèse des auteurs concernant les mystérieux visiteurs : il s’agissait des Yagans, le seul peuple marin de la Terre de Feu. Ce peuple utilisait préférentiellement des outils en os et en coquilles, capables de trancher la chair, mais qui ne laissent pas de marques de découpe. Les Yagans étaient d’excellents marins, qui connaissaient les îles Diego Ramirez à 100 km au sud de la Terre de Feu. Lors de leurs voyages maritimes, ils emportaient leur famille, du feu (littéralement, au milieu de leur bateau)… et leurs chiens !

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Un loup des Malouines. © Kane Fleury/Otago Museum/Wikimedia Commons

Le loup des Malouines, un dingo argentin après tout ?

La dernière preuve circonstancielle qu’évoquent les auteurs est le mystère du loup des Malouines (qui serait en réalité plus proche morphologiquement d’un renard), le seul mammifère endémique des îles, qui a disparu en 1876. Le comportement très curieux et sans méfiance de ce canidé envers les Européens a fait émerger l’idée qu’il avait évolué longtemps isolé de l’Homme sur l’île… ou bien qu’il descendait d’animaux semi-domestiques amenés là par les Yagans !

En effet, les Yagans étaient connus pour vivre en grande proximité avec des canidés qu’ils avaient domestiqués ou semi-domestiqués, dont le chien yagan (une forme domestiquée aujourd’hui disparue du renard de Magellan) et Dusicyon avus, le plus proche parent du loup des Malouines avant son extinction.

Source : Science Advances

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