Des astronomes détectent un sursaut gamma généré à l’aube de l’Univers

sursaut gamma univers primitif
Vue d'artiste d'un sursaut gamma juste après l'effondrement de son étoile progénitrice. | Nuria Jordana-Mitjans/Université de Bath
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Le 5 septembre 2021, des astronomes ont détecté la lumière d’un sursaut gamma très énergétique, noté GRB 210905A, dont le décalage vers le rouge (redshift) est supérieur à 6. Il pourrait s’agir de l’un des GRB les plus énergétiques et les plus éloignés jamais détectés : l’événement qui a donné naissance à ce sursaut gamma s’est vraisemblablement produit alors que l’Univers n’avait que 880 millions d’années !

Les sursauts gamma (ou GRB pour gamma-ray bursts) sont de brèves rafales de photons gamma, durant quelques secondes à plusieurs heures, suivies d’émissions rémanentes, à des longueurs d’onde plus grandes (rayons X, UV, IR, ondes radio, etc.), qui peuvent durer jusqu’à plusieurs mois. Ce sont les événements électromagnétiques les plus énergétiques et les plus lumineux. On pense que les GRB sont dus à l’effondrement d’une étoile massive (supernova) ou à la fusion de deux étoiles à neutrons ; les sources de la plupart des GRB se situent à des milliards d’années-lumière de la Terre, dans des galaxies lointaines.

La lumière de ce sursaut gamma a voyagé pendant plus de 12,8 milliards d’années avant d’atteindre la Terre. Une équipe internationale de chercheurs, dirigée par le Dr Andrea Rossi, chercheur à l’Institut national italien d’astrophysique, a examiné la rémanence de l’explosion pendant plusieurs mois pour mieux comprendre l’événement stellaire qui en était à l’origine. Non seulement ce GRB était l’un des plus lointains et des plus énergétiques jamais détectés, mais il se trouve que sa rémanence était l’une des plus lumineuses jamais enregistrées.

Une invitation à rêver, prête à être portée.

Un suivi minutieux, dans toutes les longueurs d’onde

Le GRB dont il est question ici, GRB 210905A, est de type « long » (comme la majorité des GRB observés), ce qui correspond à une émission de rayons gamma supérieure à deux secondes, provenant généralement d’explosions d’étoiles très massives. Les GRB dits « courts », d’une durée inférieure à deux secondes, sont généralement liés à la collision d’objets compacts tels que les étoiles à neutrons.

courbe lumière GRB
Courbe de lumière du sursaut GRB 210905A vue par Swift/BAT, Konus-Wind, Swift/XRT et le télescope terrestre Rapid Eye Mount. © A. Rossi et al.

Ce sursaut lumineux a d’abord été détecté par les instruments embarqués à bord de l’observatoire Swift, dédié à l’observation des GRB, ainsi que par l’instrument KONUS, un « chasseur » de GRB installé sur le satellite WIND de la NASA. Après la détection du premier flash, les astronomes ont poursuivi les observations pendant huit mois supplémentaires à l’aide d’un ensemble de télescopes terrestres et spatiaux, y compris les télescopes Hubble, Swift et Chandra.

« Il faut à la fois être capable d’observer le phénomène lorsqu’il est encore brillant pour obtenir un résultat clair et sans équivoque, et ensuite avoir accès à ces installations qui permettent de couvrir une large gamme de longueurs d’onde, des rayons gamma aux rayons X, en passant par l’optique et la radio », souligne le Dr Rossi. Ces observations de suivi, réalisées dans la gamme des rayons X, dans le visible et dans le proche infrarouge, ont permis à l’équipe de déterminer le décalage vers le rouge (ou redshift) de la source du rayonnement : celui-ci est estimé à 6,3.

GRB 210905A est seulement le dixième sursaut avec un décalage vers le rouge supérieur ou égal à 6 détecté au cours des 16 dernières années. En outre, sa galaxie hôte est à ce jour la quatrième hôte de GRB à z > 6 connue.

Des propriétés similaires à celles des GRB plus récents

Les données du Burst Alert Telescope (ou BAT) de l’observatoire Swift montrent une structure complexe à trois impulsions, détectée jusqu’à environ 800 secondes après le déclenchement de la rafale. Chaque impulsion a duré quelques dizaines de secondes, la seconde étant légèrement plus faible que les deux autres. Selon l’équipe, l’énergie totale du jet (supérieure à 1052 erg selon leurs calculs) est trop importante pour être soutenue par un magnétar standard, ce qui suggère que le moteur de ce sursaut était probablement un trou noir nouvellement formé.

Les scientifiques ont été surpris de découvrir que, malgré l’âge de l’événement qui a donné naissance à ce GRB, le phénomène présentait des propriétés (telles que la longueur d’onde des rayons X) remarquablement similaires à celles observées dans les GRB causés par des explosions survenues à la fois beaucoup plus récemment et beaucoup plus près de la Terre.

« Malgré l’énergie et la luminosité exceptionnelles du GRB 210905A et de sa rémanence, nous démontrons qu’elles sont cohérentes à 2σ près avec celles de sursauts moins éloignés, ce qui indique que les mécanismes d’alimentation et les progéniteurs n’évoluent pas de manière significative avec le décalage vers le rouge », concluent les chercheurs dans leur article. En d’autres termes, le mécanisme responsable des GRB n’évolue pas avec l’Univers.

Cette découverte permet de mieux comprendre la façon dont les étoiles massives se forment et évoluent tôt dans l’Univers. À présent, les chercheurs espèrent approfondir leur compréhension de l’explosion originelle grâce au télescope James Webb, qui pourrait dévoiler des caractéristiques inédites de l’étoile massive qui est à l’origine de ce GRB. « Les sursauts gamma à z ≳ 6 sont des événements rares du point de vue des capacités de suivi d’aujourd’hui, mais ils ne représentent qu’une petite partie d’une population plus large que les futures missions proposées promettent de découvrir », souligne l’équipe, qui fait notamment allusion aux projets THESEUS de l’Agence spatiale européenne et au Gamow Explorer de la NASA.

À noter que la plupart des astronomes impliqués dans l’étude des GRB sont membres de la collaboration STARGATE, consacrée à l’étude des atmosphères d’exoplanètes avec les télescopes spatiaux. Pour la professeure Carole Mundell, astronome à l’Université de Bath et co-auteure de l’étude sur le GRB 210905A, « il s’agit d’un exemple passionnant de collaboration et de coordination entre des scientifiques du monde entier, qui travaillent ensemble pour rassembler, combiner et interpréter des données ».

Source : A. Rossi et al., Astronomy & Astrophysics

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