Les astronomes du monde entier s’unissent pour lutter contre la pollution lumineuse des satellites

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Les traces de survol des satellites Starlink. | IAU
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Tous les amateurs d’observations nocturnes savent à quel point il est important de s’éloigner de toute source lumineuse pour profiter pleinement du spectacle. Il en est de même pour les astronomes professionnels, qui œuvrent par conséquent depuis des observatoires idéalement situés, généralement en altitude. Ils doivent cependant composer avec une autre source de lumière parasite, dont ils ne peuvent malheureusement s’éloigner : les milliers de mini satellites actifs en orbite autour de notre planète. Pour lutter contre ce problème, l’Union astronomique internationale a créé un nouveau centre pour la protection du ciel contre les interférences des constellations de satellites.

L’Union astronomique internationale (UAI) rassemble plus de 12 000 astronomes professionnels actifs de plus de 100 pays à travers le monde. Sa mission est de promouvoir et de sauvegarder l’astronomie sous tous ses aspects. Aujourd’hui, elle se dit « profondément préoccupée » par le nombre croissant de constellations de satellites lancées et planifiées en orbites basses. C’est pourquoi, en juin 2021, elle a proposé de créer un centre dédié à la protection du ciel contre ces interférences satellitaires, chargé de coordonner les efforts internationaux visant à atténuer l’impact négatif des satellites sur les observations optiques et radioastronomiques.

L’observatoire Square Kilometre Array (SKA) — un projet de radiotélescope géant déployé en Afrique du Sud et en Australie — et le National Optical-Infrared Astronomy Research Laboratory (NOIRLab), de la National Science Foundation, viennent d’être sélectionnés en tant que co-hôtes de ce centre. « Le nouveau Centre est une étape importante pour garantir que les progrès technologiques n’entravent pas par inadvertance notre étude et notre plaisir du ciel », a déclaré Debra Elmegreen, présidente de l’UAI, dans un communiqué.

Une invitation à rêver, prête à être portée.

Embouteillages en orbite basse

En 2019 déjà, l’UAI s’inquiétait de l’émergence de constellations de satellites — notamment celle de SpaceX, Starlink, dont le déploiement a commencé cette année-là — et des nuisances qu’elles pouvaient occasionner envers les observations astronomiques. « Un ciel sombre et silencieux est non seulement essentiel pour faire progresser notre compréhension de l’Univers, dont nous faisons partie, mais aussi une ressource pour toute l’humanité et pour la protection de la faune nocturne », soulignait-elle à l’époque.

Depuis, Starlink s’est étendue. Rappelons que le projet a été conçu pour offrir un accès à Internet haut débit même aux endroits les plus isolés du monde (qui ne sont généralement pas desservis par le réseau classique) ; à terme, il est prévu que cette constellation comprenne 42 000 satellites. En août 2021, la société avait lancé plus de 1700 satellites et comptait environ 90 000 utilisateurs dans le monde. SpaceX construit peu à peu sa « toile » céleste, à raison d’une soixantaine de satellites lancés tous les 15 jours. À moindre échelle, OneWeb fait de même : sa constellation finale ne sera composée « que » de 650 satellites environ ; en décembre 2021, près de 400 satellites étaient déjà placés en orbite.

Premier problème posé par la multiplication de ces engins : le risque de collisions. En effet, les agences spatiales se voient parfois contraintes d’effectuer des manœuvres d’évitement pour protéger leurs propres satellites. En 2019, l’Agence spatiale européenne a ainsi évité de justesse que l’un de ses satellites d’observation, l’ADM-Aeolus, ne percute un mini satellite Starlink. Plus récemment, la Chine a également dû effectuer plusieurs manœuvres pour éviter que sa station spatiale TianHe ne rencontre des satellites Starlink — suite à quoi elle a déposé une plainte contre SpaceX auprès des Nations Unies pour non-respect du Traité de l’espace.

Sans compter que ces collisions potentielles, ainsi que le simple fait que ces satellites puissent tomber en panne et devenir inutilisables, ne feront qu’augmenter encore le nombre de débris spatiaux qui errent aujourd’hui en orbite.

Des observations optiques et radio-parasitées

Mais ce qui préoccupe (et agace) les astronomes, c’est surtout que la simple présence de ces satellites les empêche d’effectuer correctement leurs travaux de recherche. Les traînées lumineuses occasionnées par tous ces engins réfléchissent les rayons du Soleil et nuisent largement aux observations réalisées avec des télescopes optiques — qui nécessitent un ciel le plus sombre possible.

De même, les radiotélescopes, tels que le SKA, ont besoin de silence, afin de pouvoir percevoir les signaux pertinents sur une large gamme de fréquences radio. Mais les satellites de Starlink, comme d’autres constellations de satellites, utilisent également des fréquences radio, dont certaines sont dans la même bande que le SKA. « Une constellation complète de satellites Starlink signifiera probablement la fin des radiotélescopes à micro-ondes basés sur Terre capables de balayer le ciel à la recherche d’objets radio faibles », avait déclaré l’astronome Alan Duffy à ScienceAlert en 2019, lorsque les premiers satellites Starlink ont été lancés.

Le nouveau Centre pour la protection du ciel de l’UIA a donc pour objectif de suivre attentivement le déploiement des différentes constellations de satellites, tout en essayant de trouver le moyen de supprimer leurs traces des différents relevés et observations effectués. Des modifications techniques pourraient notamment être suggérées aux constructeurs pour limiter les problèmes. « Je pense que c’est vraiment important, car 100 000 nouveaux satellites sont prévus d’ici la fin de la décennie », a déclaré l’archéologue spatiale Alice Gorman.

Autre projet d’infrastructure pour l’Internet par satellite : Kuiper, créé par Amazon en 2019, qui poursuit le même objectif que Starlink, à savoir fournir un accès haut débit et à faible latence aux utilisateurs mal desservis par les réseaux terrestres. Amazon prévoit de déployer 3236 satellites — sous condition que la moitié soit en orbite d’ici 2026. L’entreprise a annoncé qu’elle allait envoyer deux prototypes en orbite, KuiperSat-1 et KuiperSat-2, d’ici le quatrième trimestre 2022.

Mais l’entreprise se dit concernée par les problèmes posés par cette profusion de satellites : « L’équipe s’est également engagée à travailler avec des astronomes et d’autres acteurs de l’industrie pour réduire la visibilité des satellites du système Kuiper », précise le communiqué. L’un des deux prototypes sera ainsi équipé d’un pare-soleil de manière à évaluer l’efficacité de ce genre de dispositif pour réduire la réflectivité et ainsi atténuer l’impact de cette pollution lumineuse.

Source : International Astronomical Union

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