Dans le but de réduire leur empreinte carbone, de nombreuses compagnies aériennes ont pris l’initiative de faire voler leurs avions à des altitudes plus élevées. Cependant, d’après une étude réalisée par des chercheurs britanniques, les avions modernes volant à haute altitude créent des traînées de condensation qui perdurent plus longtemps par rapport aux modèles plus anciens (volant plus bas). Selon ces scientifiques, ces traînées persistantes contribueraient davantage au changement climatique que le carbone produit par la combustion du carburéacteur.
Les traînées de condensation sont des nuages peu denses constitués d’eau liquide ou de cristaux de glace qui se forment lorsque l’air chaud et humide éjecté des gaz d’échappement des moteurs entre en contact avec l’air froid de l’atmosphère. Lorsque les conditions sont réunies, ces nuages peuvent emprisonner l’excès de chaleur dans l’atmosphère en agissant comme une couverture réfléchissant le rayonnement infrarouge vers la Terre. La suie provenant des moteurs peut également s’enrober de vapeur d’eau et entraîner la formation de cristaux de glace, produisant ainsi des nuages plus épais.
L’impact exact des traînées de condensation sur l’environnement demeure incertain. Toutefois, une étude réalisée en mars dernier par des scientifiques du MIT a révélé qu’elles représentent 60 % de la contribution de l’industrie aéronautique au changement climatique, soit le double de l’impact des émissions carbone des réacteurs d’avions. Ainsi, des chercheurs de l’Imperial College de Londres ont décidé d’étudier la question sous un nouvel angle. « La plupart des gens ne comprennent pas que les traînées de condensation et les émissions de carbone du carburéacteur provoquent un double réchauffement climatique », a déclaré dans un communiqué le Dr Edward Gryspeerdt, auteur principal de l’étude.
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Pour leur étude, publiée dans Environmental Research Letters, le Dr Gryspeerdt et son équipe ont utilisé l’apprentissage automatique. Ils se sont basés sur des images du satellite GOES-R de la NASA pour suivre plus de 64 000 traînées de condensation provenant d’avions survolant l’océan Atlantique Nord. L’équipe a ensuite comparé ces données aux informations de suivi des vols pour analyser comment les différents types d’avions créent des traînées de condensation.
Les résultats ont révélé que les avions modernes, volant au-dessus de 12 km d’altitude, tels que les Airbus A350 et les Boeing 787, produisent des traînées de condensation plus épaisses et plus durables comparées à celles des avions commerciaux plus anciens. Selon l’équipe, ces avions ont été spécialement conçus pour voler à des altitudes plus élevées où l’air plus mince réduit les traînées aérodynamiques. Cependant, au fur et à mesure que les avions gagnent en altitude au-dessus de l’océan, l’air est plus propice à la formation de traînées de condensation, contrairement à ce que les experts pensaient jusqu’ici.
« Les avions les plus récents volent de plus en plus haut dans l’atmosphère pour augmenter le rendement énergétique et réduire les émissions de carbone », explique le Dr Gryspeerdt. « La conséquence involontaire de cela est que ces avions survolant l’Atlantique Nord créent désormais des traînées de condensation plus nombreuses et plus durables, emprisonnant de la chaleur supplémentaire dans l’atmosphère et augmentant l’impact climatique de l’aviation », ajoute-t-il.
Ainsi, même si les modèles d’avions récents produisent moins d’émissions carbone, leur impact environnemental global est plus important. Les chercheurs soulignent également que leur étude « met des bâtons dans les roues de l’industrie aéronautique », désormais confrontée à un double dilemme : réduire les émissions de carbone et diminuer l’impact des traînées de condensation.
Les jets privés au centre du problème
L’étude du Dr Gryspeerdt et ses collègues a également révélé que les jets privés, déjà surveillés de près pour leurs émissions carbone très élevées, sont les plus grands producteurs de traînées de condensation. Selon l’équipe, bien que ces avions soient de petite taille, ils produisent des traînées de condensation comparables à celles des avions commerciaux.
« Nous savons déjà que ces avions génèrent une énorme quantité d’émissions de carbone par passager afin que les très riches puissent voler confortablement », déclare Gryspeerdt. « Nos conclusions s’ajoutent aux inquiétudes concernant l’impact climatique causé par les jets privés, alors que les pays pauvres continuent d’être frappés par des événements météorologiques extrêmes ».
Même si les traînées de condensation sont devenues problématiques pour leur impact environnemental, les chercheurs avancent qu’il existe une solution simple. D’après eux, comme la suie provenant de la combustion incomplète du carburéacteur constitue le point clé de nucléation des cristaux de glace, la réduction de cette dernière pourrait engendrer moins de traînées de condensation.
« Notre étude fournit la première preuve que l’émission de moins de particules de suie entraîne des traînées de condensation qui tombent du ciel plus rapidement que celles formées sur des particules de suie plus nombreuses provenant de moteurs plus anciens et plus sales », conclut le Dr Marc Stettler, co-auteur de l’étude.