Si souvent l’on entend dire qu’il pleut des cordes, des hallebardes, voire mêmes des chats et des chiens dans l’expression anglophone consacrée, il serait en réalité plus correct de dire qu’il pleut des bactéries. La pluie provoquée par des bactéries présentes dans l’atmosphère est un phénomène naturel crucial pour les végétaux et les cultures agricoles au sol.
Les précipitations biologiques, ou bioprécipitations, se produisent lorsque des colonies bactériennes se forment à la surface des plantes et sont ensuite dispersées dans l’atmosphère par les vents. Des cristaux de glace peuvent alors se former autour des bactéries en suspension dans les nuages. L’eau s’accumule sur les cristaux, les faisant grossir, jusqu’à ce qu’ils provoquent des précipitations.
Les bactéries chutent avec la pluie au sol et, si certaines d’entre elles parviennent à retomber sur des plantes, le cycle peut alors recommencer. Les scientifiques ont montré que ces bactéries spécifiques étaient plus efficaces pour agréger les cristaux de glace que les particules de poussière ou de suie. En effet, les micro-organismes constituent des noyaux de glace biologique pouvant catalyser la formation de glace à des températures plus élevées, et donc faciliter la formation de précipitations.
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En effet, la plus grande surface des bactéries leur permet d’orienter plusieurs molécules d’eau à la fois autour des cristaux de glace. Cependant, la majorité de ces « bactéries faiseuses de pluie » endommagent également les plantes. En catalysant la formation de cristaux de glace grâce à leurs protéines spécifiques, elles lèsent les végétaux en les fragilisant, pouvant entraîner la destruction complète de grandes surfaces de cultures agricoles.
Au cours des dernières années, les recherches ont montré que la bactérie Pseudomonas syringae était majoritairement impliquée dans le processus en servant de site de nucléation à la glace. Son métabolisme lui permettant de se développer au sol comme dans les conditions extrêmes des nuages.
Il existe deux souches naturelles de P. syringae : l’une appelée « glace+ », qui possède un haut pouvoir de nucléation de la glace, et l’autre appelée « glace- » dont la protéine de nucléation fait défaut.
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Grâce à l’ingénierie génétique et à la technologie de recombinaison de l’ADN, les scientifiques ont pu neutraliser synthétiquement ce gène de nucléation et créer ainsi des lignées de P. synringae altérée. En introduisant des souches glace- dans les cultures agricoles, une compétition entre les deux souches émerge, et la victoire du type glace- signifie un environnement beaucoup moins favorable à la formation de glace sur les végétaux, et donc une diminution de la destruction des cultures.
L’étude des bioprécipitations est essentielle car, selon Brent Christner, chercheur à l’Université de Louisiane, dans certaines régions du monde les bactéries sont le seul facteur permettant la formation de précipitations dans des zones qui seraient au demeurant arides sans elles. La préservation de ces écosystèmes bactériens est donc crucial, et pourrait permettre à terme de développer une technologie bactérienne dans le but de déclencher des précipitations à la demande.