Le problème majeur des batteries haute performance est qu’elles contiennent du cobalt. Ce minerai, dont les ressources mondiales se situent principalement en Afrique, se fait de plus en plus rare et donc de plus en plus cher (33’000 dollars la tonne en 2019). En outre, les exploitations minières – notamment en République démocratique du Congo – sont peu respectueuses des droits humains. Ainsi, depuis des années, les chercheurs tâchent de trouver un moyen de se débarrasser du cobalt tout en conservant les mêmes performances énergétiques. Une équipe de la Cockrell School of Engineering de l’Université du Texas à Austin affirme aujourd’hui qu’elle a réussi à atteindre cet objectif…
Les chercheurs sont parvenus à concevoir une batterie lithium-ion sans cobalt. Pour cela, ils ont utilisé une nouvelle classe de cathodes – qui sont généralement en cobalt – constituée majoritairement de nickel. Ils décrivent leurs résultats dans la revue Advanced Materials.
Un nouveau « cocktail » métallique pour augmenter la capacité
Aujourd’hui, la plupart des cathodes de batteries au lithium-ion utilisent des combinaisons d’ions métalliques, comme le nickel-manganèse-cobalt (NMC) ou le nickel-cobalt-aluminium (NCA). Le cobalt étant l’élément le plus cher, les cathodes peuvent ainsi représenter jusqu’à la moitié des coûts de l’ensemble de la batterie ! À un prix actuel d’environ 28’500 $ la tonne, il est plus cher que le nickel, le manganèse et l’aluminium combinés, et représente 10% à 30% de la plupart des cathodes de batteries lithium-ion.
En outre, le minerai est souvent pointé du doigt pour les problèmes humains liés à son extraction : selon les organisations humanitaires, la République démocratique du Congo – premier producteur mondial de cobalt – compte encore de nombreux enfants dans ses mines ! En outre, les mineurs travaillent la plupart du temps sans les protections adéquates et l’exposition au minerai est à l’origine de malformations congénitales chez leurs enfants. Il est donc urgent de trouver une alternative à ce matériau…
Les nouvelles cathodes présentées par les chercheurs texans sont, quant à elles, constituées à 89% de nickel ; le manganèse et l’aluminium étant les autres éléments clés. Une quantité élevée de nickel signifie que la batterie peut stocker davantage d’énergie. « Cela signifie des distances de conduite plus longues pour les véhicules électriques et une meilleure autonomie de la batterie pour les ordinateurs portables et les téléphones portables », souligne Arumugam Manthiram, professeur au Walker Department of Mechanical Engineering et directeur du Texas Materials Institute.
Cependant, une densité énergétique élevée entraîne généralement une durée de vie plus courte, autrement dit, un nombre de charges et décharges plus restreint avant que la batterie ne perde son efficacité et ne puisse plus être complètement chargée. En outre, l’absence de cobalt tend à ralentir la réponse cinétique de la batterie (la vitesse à laquelle la cathode peut être chargée/déchargée). Mais l’équipe de chercheurs menée par Manthiram a réussi à contourner le problème.
Ils ont réussi à augmenter la durée de vie et la capacité de la batterie via une combinaison optimale de métaux (nickel, manganèse et aluminium) et en assurant une distribution uniforme de leurs ions. La clé de cette innovation réside donc dans l’infiniment petit : lorsqu’ils ont conçu ce nouveau type de cathode, ils se sont assurés que les ions des différents métaux restaient uniformément répartis dans la structure cristalline. En effet, si les ions se regroupent, on observe une perte de performance : c’est d’ailleurs le problème rencontré par les nombreux modèles de batteries sans cobalt à haute énergie développées ultérieurement.
Une course aux batteries sans cobalt
Malgré une capacité spécifique légèrement inférieure aux batteries NMC et NCA, ces batteries à haute teneur en nickel fonctionnent à une tension supérieure d’environ 40 mV et n’affichent aucun compromis en termes de capacité de débit par rapport aux NMC et NCA. En outre, une analyse par calorimétrie à balayage différentiel a montré que les batteries au nickel ont une stabilité thermique supérieure à celles des autres types de batteries.
Les chercheurs étaient véritablement soucieux de pallier tous les problèmes posés par l’usage massif du cobalt. « Notre objectif est d’utiliser uniquement des métaux abondants et abordables pour remplacer le cobalt tout en maintenant les performances et la sécurité, puis de tirer parti des processus de synthèse industrielle qui sont immédiatement évolutifs », précise Wangda Li, co-auteur de l’étude.
Pour mettre rapidement leur technologie sur le marché, Manthiram, Li et leur collaborateur Evan Erickson ont monté une start-up, baptisée TexPower. Ils ont d’ailleurs bénéficié de subventions du Département américain de l’énergie, qui vise à réduire la dépendance des États-Unis à l’égard des importations de matériaux clés pour les batteries.
Manthiram et ses collègues ne sont évidemment pas les seuls à se pencher sur la question. Soucieuses de se débarrasser de leur dépendance au cobalt, plusieurs organisations gouvernementales et entreprises privées tentent de concevoir des batteries haute performance exemptes de ce minerai. Pour preuve, la dernière annonce d’Elon Musk concernant un nouveau type de batteries « révolutionnaire », qui pourrait rendre les véhicules électriques plus accessibles (financièrement parlant). Rendez-vous le 22 septembre pour le Battery Day, lors duquel la firme d’Elon Musk devrait enfin dévoiler ses projets…
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L’Union européenne a elle aussi investi récemment dans le développement de batteries sans cobalt : le projet COBRA (CObalt-free Batteries for FutuRe Automotive Applications) vient ainsi de recevoir une dotation de 11,8 millions d’euros. L’objectif ? Mettre au point une nouvelle génération de batteries sans cobalt, d’ici 2024. Le cahier des charges ? Une densité énergétique de 750 Wh/L, au moins 2000 cycles de décharge/recharge utiles et un taux de recyclage supérieur à 95%. Et ce n’est pas tout : ces batteries devront se recharger plus rapidement et résister aux températures extrêmes. Le tout pour un coût inférieur à 90 € le kWh. Une vingtaine de partenaires ont déjà commencé à travailler sur le projet.