Affaire Boeing : un lanceur d’alerte affirme que les fuselages des 787 sont mal assemblés

Ce qui les rend «susceptibles de se disloquer en plein vol», estime l'ingénieur lanceur d'alerte (qui travaille chez Boeing).

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Un Boeing 787 d'All Nippon Airways au-dessus du Tokyo Haneda Airport. | Masahiro Takagi/Wikimedia Commons
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À nouveau sous le feu des projecteurs, Boeing fait face à une énième accusation concernant un manquement grave aux normes de sécurité. Après le suicide présumé du tristement célèbre John Barnett, un autre ingénieur, Sam Salehpour, a dénoncé l’entreprise pour avoir bâclé la construction et l’assemblage des fuselages des Boeing 787, ce qui les rend susceptibles de se disloquer en plein vol avec le temps. L’ingénieur sera appelé à témoigner devant la Sous-commission permanente des enquêtes du Sénat américain la semaine prochaine.

Les allégations de Salehpour constituent un nouveau coup dur pour Boeing, dont la réputation est déjà sérieusement entamée en raison de graves accidents successifs. Parmi les plus marquants figure celui de 5 janvier, au cours duquel la porte-bouchon (qui sert à boucher une issue et qui n’est pas censée s’ouvrir) d’un Boeing 737 Max de la compagnie Alaska Airlines s’est détachée en plein vol. L’événement, devenu viral, a suscité une véritable vague de polémiques et fait encore aujourd’hui l’objet d’une enquête fédérale. La série 737 Max est également impliquée dans les accidents dramatiques survenus en 2018 et 2019, qui ont coûté la vie à 346 personnes.

Salehpour, qui travaille pour Boeing depuis plus d’une décennie, dénonce quant à lui d’importants manquements dans le processus de fabrication des Boeing 787 (également surnommés Dreamliner). Selon l’ingénieur, l’entreprise fait appel à différents prestataires pour la fabrication des différents tronçons du fuselage de ces derniers. Ce processus permet notamment d’importantes économies en matière de coûts et de temps de fabrication. Il s’agit entre autres d’un « raccourci » qui permettrait de respecter les délais de production de l’entreprise.

Salehpour a affirmé — dans une interview du New York Times — que cette méthode permet d’accélérer le processus de fabrication, mais au détriment de la durée de vie des avions. Boeing a d’ailleurs été plusieurs fois pointé du doigt pour ses délais de production serrés et non conformes aux normes de sécurité, comme nous l’avons rapporté dans un précédent article d’investigation.

En effet, une fois arrivées au niveau de la chaîne de montage finale, les pièces des Boeing 787 ne s’emboîteraient pas correctement. Afin d’y remédier, certains ingénieurs auraient tendance à exercer des contraintes mécaniques excessives au niveau des joints pour donner l’impression que les pièces s’assemblent correctement et qu’il n’y a pas d’interstices entre elles. Selon le lanceur d’alerte, cela implique que les fuselages risquent de se disloquer à mesure que les appareils usent les pièces au fil des vols.

Des problèmes de sécurité similaires pour la série 777

La dénonciation de Salehpour survient après celle de Barnett, qui avait signalé des problèmes de contrôle qualité pour les Boeing 787 et 737 Max. À l’instar de Barnett, Salehpour aurait subi des représailles de la part de la société après avoir soulevé des questions concernant les problèmes qu’il avait constatés. Il a été non seulement exclu des réunions clés, mais a également été réaffecté de force au programme 777 de l’entreprise. Cependant, là encore, il a constaté les mêmes problèmes de pièces mal alignées, assemblées « de force ».

Salehpour a déposé ses constats auprès de la Federal Aviation Administration (FAA) américaine, qui a confirmé avoir bien reçu les informations, mais a pour l’instant refusé tout commentaire avant la fin des enquêtes. De son côté, Boeing a affirmé avoir continué à affiner et à améliorer le processus de fabrication de la série 787 depuis son lancement il y a 20 ans. En outre, paradoxalement, l’entreprise a déclaré encourager les points de vue dissidents dans un objectif de perfectionnement.

Toutefois, bien que Lisa Banks, l’avocate représentant Salehpour, ait reconnu que l’entreprise a apporté des améliorations dans le processus de fabrication des Boeing 787, elles ne sont selon elle pas suffisantes pour en garantir la sécurité. D’autre part, l’entreprise a nié les allégations de l’ingénieur quant aux problèmes liés aux avions 777. « Nous sommes pleinement confiants dans la sécurité et la durabilité de la famille 777 », a déclaré la compagnie dans un communiqué.

Afin de répondre aux critiques et en attendant les témoignages de Salehpour, Boeing a remanié une partie de son personnel exécutif, dont David Calhoun, l’actuel PDG, qui a annoncé sa démission d’ici la fin de l’année. Le groupe a entamé une procédure similaire lorsque Dennis Muilenburg, l’ancien PDG, a démissionné suite aux événements de 2018 et 2019. Par ailleurs, la FAA a imposé une date limite à la société pour l’élaboration d’un plan d’action visant à résoudre les problèmes de contrôle qualité récurrents dans ses processus de fabrication.

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