Alors que les dépenses du secteur ne cessent d’augmenter, Sam Altman, le PDG d’OpenAI, met en garde contre une « bulle de l’IA » susceptible d’imploser et d’ébranler l’économie mondiale. Les investisseurs y injectent des sommes considérables à un rythme inédit pour une technologie encore récente, mais dont la rentabilité fait désormais débat. Cette dynamique pourrait, selon les analystes, annoncer un effondrement comparable, voire plus grave, que celui de la « bulle d’Internet » du début des années 2000.
Une bulle boursière se forme lorsque le prix d’un actif croît de manière disproportionnée par rapport à sa valeur réelle. Elle traduit une survalorisation spéculative, alimentée par des investissements massifs dans un produit dont les performances économiques ne suivent pas. Lorsque la réalité des rendements se révèle en deçà des espérances, la bulle éclate, entraînant un effondrement des marchés.
Ce phénomène s’est produit à la fin des années 1990, lors de la bulle Internet, qui a précipité la chute de nombreuses entreprises du secteur. Internet, alors perçu comme une révolution, avait suscité un engouement sans précédent des investisseurs. Mais le NASDAQ Composite – la deuxième plus grande bourse mondiale par capitalisation – a perdu près de 80 % de sa valeur entre mars 2000 et octobre 2002, lorsque les entreprises n’ont pas réussi à dégager les profits escomptés. De nombreuses sociétés de télécommunication, après avoir massivement investi dans les réseaux de fibres optiques, ont fait faillite en 2001.
Des analystes estiment aujourd’hui que l’IA, ainsi que l’ensemble de ses infrastructures, pourrait suivre une trajectoire semblable, gonflée par un engouement spéculatif et médiatique. Sam Altman, dont l’entreprise figure parmi les acteurs majeurs de cette « ruée vers l’or » numérique, reconnaît lui-même que le secteur évolue dans une « bulle » probablement sur le point d’imploser.
« Quand des bulles se forment, les gens intelligents s’enthousiasment pour un fond de vérité », a-t-il confié à un groupe de journalistes, selon The Verge. « Sommes-nous dans une phase où les investisseurs sont globalement surexcités par l’IA ? Je pense que oui », a-t-il ajouté.
Un manque de rentabilité par rapport aux capitaux investis
L’intelligence artificielle demeure aujourd’hui l’un des secteurs d’investissement les plus dynamiques. Parmi les projets notables figure le fonds de 500 milliards de dollars du projet Stargate, un vaste programme d’infrastructures soutenu par la Maison-Blanche et plusieurs acteurs privés, visant à développer les capacités de calcul nécessaires à l’IA. Nvidia, l’entreprise qui fournit la majorité des processeurs d’IA aux grandes firmes technologiques, a de son côté annoncé vouloir investir jusqu’à 100 milliards de dollars dans les centres de données d’OpenAI.
Meta, pour sa part, a contracté un emprunt de 26 milliards de dollars afin de construire, en Louisiane, un immense centre de données s’étendant sur près de 160 hectares. D’autres acteurs comme le fournisseur de cloud américain CoreWeave ont également signé un accord de 10 milliards de dollars avec Microsoft pour soutenir la montée en puissance de l’IA générative. Selon un rapport du Wall Street Journal, les dépenses d’investissement dans l’IA ont davantage contribué à la croissance économique des États-Unis au cours des deux derniers trimestres que l’ensemble des dépenses de consommation du pays.
Pourtant, des signaux de fragilité émergent. Un récent rapport du MIT indique que près de 95 % des projets pilotes d’IA générative menés par les entreprises n’enregistrent aucun retour sur investissement significatif. Cette déception se traduit par une érosion progressive de la confiance, certaines sociétés et utilisateurs délaissant la technologie et avançant une productivité bien moindre que ne le laissait espérer le discours promotionnel.
Une bulle potentiellement plus importante que celle d’Internet
Ces constats nourrissent la crainte d’une bulle boursière susceptible d’éclater, avec des répercussions globales, tant l’IA est désormais imbriquée dans l’économie mondiale. L’inquiétude s’est accentuée lorsque la start-up chinoise DeepSeek, fondée en 2023 à Hangzhou, a lancé un modèle de raisonnement de haut niveau dont le coût d’entraînement — estimé à environ 6 millions de dollars — demeure nettement inférieur à celui des géants du secteur comme OpenAI.
La bulle de l’IA est plus importante que celle d’Internet dans les années 1990. © Apollo AcademyPar ailleurs, Sam Altman a admis que, bien que les revenus annuels d’OpenAI pourraient approcher ou dépasser les 20 milliards de dollars d’ici la fin de l’année, selon CNBC, les investissements demeurent peu rentables. Une situation paradoxale, qui s’explique par les dépenses massives consacrées à l’entraînement des modèles, à la maintenance des serveurs et à la croissance rapide des effectifs. Le lancement de GPT-5, le dernier modèle de l’entreprise, a également rencontré des difficultés. Face aux critiques sur sa performance, OpenAI a dû rétablir l’accès à ses anciens modèles GPT-4 pour les abonnés payants.
Un rapport publié en juillet 2025 par Apollo Academy estime que la bulle actuelle de l’IA pourrait être plus importante encore que celle d’Internet. Les dix premières entreprises du S&P 500 — représentant les 500 plus grandes sociétés cotées en bourse aux États-Unis — y apparaissent en effet plus surévaluées qu’elles ne l’étaient à la fin des années 1990, selon plusieurs indicateurs de valorisation, notamment le ratio cours/bénéfices.
« Entre les dix années d’existence et les nombreuses décennies à venir, il y aura des hauts et des bas. Les gens surinvestiront et perdront de l’argent, puis sous-investiront et manqueront des opportunités », admet Sam Altman dans un article de l’Associated Press. Il se montre toutefois confiant : « Sur la période que nous devons planifier, et si les obstacles actuels sont surmontés, nous restons convaincus que cette technologie portera une nouvelle vague de croissance économique sans précédent. »