La calotte glaciaire du Groenland libère d’énormes quantités de mercure dans les rivières voisines

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Le glacier Russell, s'écoulant de Sermersuaq, la calotte glaciaire du Groenland. | Wikimedia Commons
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Des chercheurs ont récemment fait une découverte inquiétante en analysant des échantillons d’eau d’un glacier du Groenland. Une couche de glace située dans le sud-ouest de la région libère de vastes quantités de mercure dans les rivières voisines. Une situation particulièrement inquiétante pour les écosystèmes arctiques.

Le mercure est certes un métal présent à l’état naturel dans certaines roches, mais étant donné sa toxicité, s’il s’accumule dans l’organisme des animaux marins, il pourrait poser des problèmes majeurs pour les écosystèmes arctiques, et par conséquent pour l’alimentation des communautés indigènes locales.

Les scientifiques savent depuis longtemps que lorsque les glaciers glissent sur leur terrain, ils broient les roches sous-jacentes, libérant potentiellement du mercure dans leur eau de fonte. Jon Hawkings, de l’université d’État de Floride, et ses collègues, ont donc voulu savoir si cela était le cas au Groenland. Pour cela, ils ont analysé les eaux de fonte s’écoulant de la limite sud-ouest de la calotte glaciaire du Groenland.

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Des concentrations de mercure 10 fois plus élevées que la normale

Hawkings et son équipe ont effectué deux expéditions au Groenland, en 2015 et 2018, et ont recueilli des échantillons d’eau de trois rivières de fonte qui reçoivent des quantités substantielles d’eau de la calotte glaciaire du Groenland — jusqu’à 800 mètres cubes par seconde. Les échantillons ont été filtrés pour éliminer tout sédiment et mis à l’abri de toute contamination. Les chercheurs ont ensuite analysé la concentration de mercure dans chacun d’eux.

fuite mercure calotte glaciaire groenland carte
a,b) Emplacements des sites d’échantillonnage fluviaux (avec les bassins versants modélisés en gris), des stations d’échantillonnage SS (a) NK et AF (b). Les principaux apports glaciaires sont indiqués en b. © Jon Hawkings et al.

« Les concentrations de mercure dans cette région sont au moins 10 fois plus élevées que celles d’une rivière moyenne », explique Hawkings. Cela signifie que l’eau de fonte est aussi riche en mercure que certaines rivières très polluées. Sauf que dans ce cas, le mercure n’a pas été introduit dans l’eau directement par les humains… « Bien que ce mercure ne soit pas introduit par l’Homme, la calotte glaciaire fond beaucoup plus rapidement en raison du changement climatique », explique Hawkings.

Cette source de mercure exporte des quantités importantes dans les fjords (des étendues d’eau longues et étroites creusées par les glaciers en mouvement) situés en aval, selon les chercheurs. Cette région du Groenland pourrait exporter jusqu’à 42 tonnes de mercure chaque année, soit environ 10% de l’exportation mondiale estimée de mercure des rivières vers les océans. Ces concentrations de mercure sont parmi les plus élevées jamais enregistrées dans la littérature scientifique pour des eaux naturelles non contaminées par l’activité humaine.

Le mercure est l’un des éléments centraux de la préoccupation mondiale en raison de sa toxicité lorsqu’il s’accumule dans les réseaux alimentaires. « Plus on remonte dans la chaîne alimentaire, plus le mercure se concentre », explique Hawkings. Cette situation est particulièrement préoccupante pour les membres des communautés indigènes vivant dans l’Arctique. « C’est une région qui contient à la fois beaucoup de glaciers qui fondent et des communautés indigènes qui dépendent fortement des animaux marins récoltés dans les eaux locales comme source de nourriture », explique Maya Bhatia, de l’Université d’Alberta au Canada, qui n’a pas participé à l’étude.

« Les concentrations élevées de mercure et son exportation importante vers les fjords en aval ont des implications importantes pour les écosystèmes arctiques, soulignant le besoin urgent de mieux comprendre la dynamique du mercure dans le ruissellement de la calotte glaciaire dans le cadre du réchauffement climatique », concluent les chercheurs dans leur document.

Source : Nature Geoscience

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