Un groupe spécifique de champignons intestinaux influerait sur l’immunité et le comportement

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Le microbiote intestinal, cet écosystème aussi unique que complexe qui fait partie de nous dès la naissance, joue un rôle primordial dans notre santé. Composé d’autant de micro-organismes (non pathogènes) que le nombre de cellules qui constituent le corps entier, cet environnement interne est tellement spécifique que chaque espèce ou ensemble d’espèces aurait une influence particulière sur notre santé et notre comportement. Cependant, les mécanismes régissant cette fascinante interaction interespèces restent flous. En tentant d’en savoir plus à ce sujet, une étude préclinique récente a permis de révéler qu’un groupe spécifique de champignons intestinaux pourrait influencer la neuro-immunité ainsi que les comportements sociaux.

Publiée dans la revue Cell, l’étude a été menée par une équipe de recherche du célèbre Weill Cornell Medicine de New York. Les résultats sont basés sur un ensemble de travaux qui ont permis d’identifier un axe « intestin-immunité-cerveau ». Ce dernier s’est avéré être un véritable système de signalisation intégré, capable d’induire un large éventail d’effets physiologiques, à la fois bénéfiques et néfastes pour la santé. Ces effets sont conditionnés non seulement par les propres cellules du corps, mais aussi par l’écosystème microbien que nos intestins abritent.

Ce qu’il faut savoir, c’est qu’à la naissance, les intestins du nouveau-né, encore majoritairement stériles, se font envahir par toute une population de micro-organismes, que ce soit des bactéries, des champignons ou même des virus. Cette « colonisation » s’effectue progressivement au cours de la vie, en débutant lors l’accouchement par le contact avec la flore vaginale et fécale des mères (naissance par voie naturelle) ou avec ceux qui sont tout simplement présents dans l’environnement immédiat de l’enfant (naissance par césarienne). D’ailleurs, lors d’une naissance par césarienne, une infirmière est censée passer un chiffon sur la bouche du nouveau-né juste après avoir rapidement essuyé le vagin de la mère, afin de lui conférer quelques bonnes bactéries de base.

Ce microbiote, propre à chaque individu, joue un rôle vital dans l’adaptation de l’enfant à son nouvel environnement (l’ancien étant le placenta). Confirmant ce phénomène, plusieurs études ont déjà démontré que cette flore intestinale influençait des fonctions physiologiques comme le transit intestinal ou le système immunitaire. Certaines recherches ont même suggéré que nos intestins seraient notre « deuxième cerveau », notamment via les influences comportementales du microbiote.

« Il y a cette harmonie, une sorte de communication entre ou à travers différents types d’organismes », a déclaré dans un communiqué le Dr Iliyan Iliev, auteur principal de la nouvelle étude et professeur agrégé d’immunologie en médecine dans la division de gastroentérologie et d’hépatologie et membre de l’Institut Jill Roberts pour la recherche sur les maladies inflammatoires de l’intestin au Weill Cornell Medicine.

Toutefois, on ne savait pas encore exactement quelles espèces sont responsables de quelles fonctions ou quels mécanismes. L’étude des chercheurs new-yorkais a alors identifié un nouvel ensemble de signaux moléculaires, reliant un groupe du microbiote intestinal aux cellules du corps de leur hôte, y compris les cellules immunitaires et les neurones. Une piste intéressante qui aboutira peut-être à de nouvelles façons de traiter de nombreuses pathologies.

« Nous avons établi un lien direct entre une voie immunitaire majeure induite par des champignons dans la muqueuse de l’intestin et des signaux dans le système nerveux qui ont un impact sur le comportement animal », explique le Dr Iliev.

Tests précliniques

Bien que le microbiote soit utile à bien des égards, la muqueuse intestinale doit toutefois l’empêcher d’envahir la circulation sanguine, en servant en même temps de barrière et d’absorbeur pour les nutriments des aliments. Mais cet équilibre peut être rompu lors de lésions ou d’infections.

Les chercheurs américains ont observé ce système chez des souris et cartographié les emplacements et le fonctionnement de diverses populations fongiques. Ils ont alors découvert qu’un ensemble unique de champignons avait tendance à s’accumuler à des endroits spécifiques près de l’épithélium intestinal, ou de la muqueuse. Ce qui suggère que ces espèces interagissent étroitement avec les cellules épithéliales qui les avoisinent.

Interaction prouvée : les souris porteuses de certains de ces champignons étaient mieux protégées contre les événements susceptibles de perturber la barrière intestinale, tels que les lésions et les infections bactériennes. Selon les chercheurs, la fonction « bouclier » de la muqueuse intestinale s’était renforcée chez les rongeurs à qui l’on avait administré spécifiquement ces champignons. De plus, lors d’autres expériences, l’équipe a découvert que les souris porteuses de la fameuse communauté fongique montraient un comportement plus sociable que celles qui n’en avaient pas.

Les champignons semblaient en effet induire la sécrétion, par les lymphocytes T, de deux protéines de signalisation immunitaire : les cytokines IL-22 et IL-17. L’IL-22 agit localement dans l’épithélium, renforçant sa fonction bouclier, tandis que l’IL-17 pénètre dans la circulation sanguine pour atteindre les neurones. Les souris dont les neurones étaient dépourvus du récepteur IL-17 ne présentaient pas les effets sociaux qui auraient dû être produits par les champignons, ce qui confirme l’impact « social » du champignon.

Ces résultats ouvrent la voie à des recherches plus poussées sur les mécanismes de cette interaction, en observant les signaux neuronaux impliqués dans différentes régions du cerveau. Selon les auteurs, il est possible que les communautés microbiennes dans l’intestin puissent stimuler différentes régions du cerveau et du système immunitaire, exerçant des effets distincts sur la biologie de leurs hôtes. « Cela ouvre un tout nouveau domaine à explorer », s’enthousiasme le Dr Iliev. Parmi les domaines de recherche potentiellement impliqués dans de futurs travaux associés : l’autisme et les maladies auto-immunes.

Source : Cell

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