Lancé en 2015 par Yuri Milner et Stephen Hawking, le projet Breakthrough Listen vise à rechercher des signes de vie intelligente extraterrestre. Les scientifiques du projet disposent de fonds privés pour développer de nouvelles technologies dédiées à la réception des signaux et exploiter les plus grands radiotélescopes du monde — dont le Green Bank Telescope aux États-Unis et le Parkes Telescope en Australie. Depuis le 1er décembre, les astronomes peuvent également compter sur un nouvel instrument déployé sur le radiotélescope MeerKAT, en Afrique du Sud.
Le programme Breakthrough Listen s’inscrit dans un projet plus large, les Breakthrough Initiatives, qui regroupe une série de programmes scientifiques et technologiques dédiés à l’étude des questions fondamentales de la vie dans l’Univers. Ces programmes sont financés par la Breakthrough Foundation, créée par Yuri et Julia Milner, un couple de milliardaires russes. Le projet Breakthrough Listen, que Stephen Hawking a participé à lancer, a pour objectif de sonder un million d’étoiles proches, l’ensemble du plan galactique et 100 galaxies proches, dans une large gamme de bandes radio et optiques, dans l’espoir d’y détecter un éventuel signe de vie technologiquement avancée.
Cela fait trois ans que les astronomes et ingénieurs de l’initiative Breakthrough Listen développent et installent l’instrumentation numérique la plus puissante jamais déployée dans la recherche de technosignatures — soit des indicateurs de technologie développée par une intelligence extraterrestre. Cet équipement a été intégré aux systèmes de contrôle et de surveillance du radiotélescope MeerKAT et est désormais pleinement opérationnel. « MeerKAT nous donnera la capacité de détecter un émetteur semblable aux balises radio les plus brillantes de la Terre jusqu’à une distance de 250 années-lumière », a précisé la Dre Cherry Ng, scientifique du projet Breakthrough Listen pour MeerKAT.
1000 fois plus d’étoiles ciblées en une fois
Ce nouvel instrument complétera idéalement les efforts de recherches en cours, réalisés notamment via les télescopes Green Bank et Parkes. Contrairement à ces derniers, il possède un atout de taille. Le GBT est constitué d’une énorme parabole d’une centaine de mètres de diamètre ; celle du Parkes mesure 64 mètres de diamètre. Or, chaque campagne d’observation implique de déplacer ces antennes de plus de mille tonnes pour cibler différents points du ciel.
Avec le MeerKAT, en revanche, il est inutile de déplacer mécaniquement les antennes. « MeerKAT se compose de 64 antennes paraboliques [ndlr: de 13,5 m de diamètre chacune], qui peuvent voir une zone du ciel 50 fois plus grande que celle que le GBT peut voir en une seule fois », explique le Dr Andrew Siemion, chercheur principal de Breakthrough Listen. Étendre ainsi la zone du ciel observée multiplie par 1000 le nombre de cibles visées (et multiplie évidemment les chances de détecter un signal), mais améliore également la capacité du programme à rejeter les signaux parasites (provenant des technologies humaines).
L’équipe dispose d’un supercalculateur qui permet de combiner les signaux des 64 antennes pour obtenir des balayages à haute résolution des étoiles ciblées. Ils ont également mis au point un pipeline de traitement automatisé des données, qui balaie les données en temps quasi réel pour rechercher des signaux intéressants. « Le tout sans affecter les recherches des autres astronomes », souligne Siemion.
Le système Proxima Centauri sur la liste des cibles prioritaires
Les chercheurs du projet Breakthrough Listen ont donc désormais accès à l’un des radiotélescopes les plus performants et les plus sensibles au monde, presque 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. « Je suis très enthousiaste à l’idée de pouvoir mener une recherche de technosignatures à l’aide de l’un des télescopes les plus sensibles au monde. Il nous faudra à peine deux ans pour cibler plus d’un million d’étoiles proches », a précisé la Dre Ng.
L’une des premières cibles sondées par le réseau d’antennes est le système de Proxima Centauri, le système planétaire le plus proche du système solaire au sein de la Voie lactée, situé à un peu plus de 4 années-lumière. On sait que cette étoile abrite au moins deux planètes rocheuses dans sa zone habitable — Proxima Centauri b et c — qui pourraient potentiellement héberger une vie extraterrestre. Sur la base des données astronomiques les plus récentes, il est probable qu’il existe d’autres planètes de ce type dans notre voisinage cosmique, que les chercheurs tenteront « d’écouter ».
Quant à la possibilité de détecter un signal, les avis demeurent partagés. Certains pensent qu’une vie intelligente, si elle est existait, se serait déjà manifestée depuis longtemps ; d’autres estiment qu’elle s’est sans doute annihilée elle-même et/ou que nous sommes seuls dans l’Univers. Dans tous les cas, les observations de routine sur MeerKAT sont en cours et permettront peut-être de lever enfin le doute. « L’équipe a hâte de partager les premiers résultats scientifiques dans les mois à venir », a déclaré le directeur général de Breakthrough Initiatives, le Dr S. Pete Worden. Le Square Kilometer Array, dont la construction vient officiellement d’être lancée, apportera lui aussi un bon coup de pouce aux recherches de signaux d’origine extraterrestre.
À savoir que les Breakthrough Initiatives comprennent également la conception et l’envoi d’un messager représentant la Terre et l’humanité à destination de civilisations extraterrestres (projet Breakthrough Message), l’identification et la caractérisation de planètes rocheuses à moins de 20 années-lumière de la Terre (projet Breakthrough Watch) et le développement de mini-sondes spatiales sans équipage se déplaçant à 20% de la vitesse de la lumière pour visiter les étoiles les plus proches en une génération (Breakthrough Starshot).