Des chercheurs identifient un contrôleur de conscience dans le cerveau des souris

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Localiser précisément « la salle de contrôle » du cerveau, c’est un peu le Graal des neurologues. Une zone appelée claustrum apparaît aujourd’hui comme un candidat crédible : peu étudiée, elle demeure mystérieuse, mais cette région cérébrale joue un rôle crucial dans les fonctions cérébrales supérieures, telles que les différentes fonctions sensorielles. Des observations chez la souris ont déjà confirmé le rôle majeur joué par le claustrum dans la coordination de toute l’activité cérébrale. Une nouvelle étude menée par une équipe de chercheurs japonais montre qu’il s’avère largement impliqué dans l’état de conscience.

Le claustrum est une fine couche de matière grise cérébrale située entre le cortex insulaire et le striatum, qui présente des connexions réciproques avec presque toutes les zones néocorticales (la couche externe des hémisphères cérébraux). Peu d’études sont parvenues à mettre en évidence le rôle précis du claustrum et ses fonctions restent à élucider. Des chercheurs japonais du RIKEN Center for Brain Science (CBS) apportent aujourd’hui la preuve que, chez la souris, l’activité cérébrale à ondes lentes, caractéristique des états de sommeil et de repos, est contrôlée par le claustrum. Or, la synchronisation des états silencieux et actifs à travers de grandes parties du cerveau par ces ondes lentes pourrait contribuer à la conscience.

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Localisation du claustrum dans le cerveau humain. Cette fine couche de matière grise se trouve entre le cortex insulaire (insula) et le striatum. Crédits : Wikimedia Commons

Une découverte fortuite

L’état de conscience est un phénomène biologique complexe, qui regroupe le sens de l’éveil et la perception de l’environnement. On distingue plusieurs états et niveaux de conscience ; elle se manifeste par plusieurs phénomènes (sensations, mémoire, attention, pensée, imagination, libre arbitre, etc.). La conscience est un sujet d’étude relativement récent : ce n’est qu’au début des années 2000 que les neurosciences commencent à décrypter le phénomène.

C’est par hasard, au cours d’une recherche sur le système olfactif, que Yoshihiro Yoshihara, chef d’équipe à l’Institut RIKEN, est tombé sur une souche de souris génétiquement modifiée présentant une population spécifique de cellules cérébrales qui n’était présente que dans le claustrum. Ces neurones pouvaient être activés ou au contraire, réduits sélectivement au silence, par optogénétique. Ceci a permis de mettre en évidence un vaste réseau neuronal contrôlé par le claustrum. L’étude de Yoshihara et ses collègues vient d’être publiée dans Nature Neuroscience.

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Les neurones du claustrum apparaissent ici en vert (présynapses) et rouge (transsynapses). Tous les corps cellulaires neuronaux et les dendrites apparaissent en bleu. Crédits : RIKEN

Ils ont commencé par cartographier les entrées et sorties du claustrum et ont constaté que de nombreuses zones cérébrales « supérieures », telles que celles impliquées dans les fonctions sensorielles et le contrôle moteur, étaient connectées au claustrum. Les connexions sortantes du claustrum étaient largement réparties dans le cerveau, atteignant quasiment toutes les zones cérébrales. « Le claustrum est au centre d’un vaste réseau cérébral couvrant les zones impliquées dans le traitement cognitif », explique Kimiya Narikiyo, l’un des co-auteurs de l’étude. « Il atteint essentiellement toutes les zones cérébrales supérieures et tous les types de neurones, ce qui en fait l’orchestrateur potentiel de toute l’activité cérébrale ».

En effet, c’est ce que les chercheurs ont découvert lorsqu’ils ont manipulé les neurones du claustrum via optogénétique (méthode qui consiste à rendre des neurones sensibles à la lumière, de manière à pouvoir stimuler spécifiquement un seul type cellulaire sans impacter les cellules voisines). Il se trouve que la décharge neuronale dans le claustrum était étroitement corrélée à l’activité des ondes lentes dans de nombreuses régions du cerveau qui reçoivent ses données.

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Un centre de contrôle de la conscience ?

Ainsi, lorsqu’ils ont activé artificiellement le claustrum par stimulation optogénétique à la lumière, cela a fait taire l’activité cérébrale à travers tout le cortex – un phénomène connu sous le nom d’état down, habituellement observé lorsque les souris sont endormies ou au repos.

Pendant le sommeil et les phases de repos, les états up et down (hauts et bas) sont synchronisés à travers le cortex par des vagues d’activité lentes, qui se déplacent de l’avant du cerveau vers l’arrière. Un processus dont nous n’avons absolument pas conscience, mais qui s’avère essentiel à la santé de notre cerveau, comme l’explique Yoshihara : « La vague lente est particulièrement importante pendant le sommeil, car elle favorise l’homéostasie des synapses à travers le cerveau et consolide les souvenirs de la période de veille précédente ». Mais les structures et mécanismes neuronaux qui contrôlent ces ondes lentes à travers les zones corticales étaient jusqu’alors inconnus…

Leur expérience a permis aux chercheurs d’affirmer que le claustrum est vital pour générer cette activité à ondes lentes, car l’ablation génétique des neurones du claustrum a considérablement réduit ces ondes dans le cortex frontal. « Nous pensons que le claustrum joue un rôle central dans le déclenchement des états Down pendant l’activité à ondes lentes, grâce à ses entrées généralisées dans de nombreuses zones corticales », explique Yoshihara.

Lorsque ces zones corticales entrent par la suite dans un état up de manière synchrone, cela sert à « rejouer » les souvenirs de la journée, à transférer des informations d’une zone cérébrale à l’autre et à consolider les souvenirs à long terme, autrement dit, « toutes les fonctions qui peuvent contribuer indirectement à un état conscient », observe Yoshihara. Le claustrum apparaît ainsi comme un coordinateur de l’activité globale des ondes lentes ; c’est pour les chercheurs un grand pas dans la compréhension des connexions cérébrales impliquées dans l’état de conscience.

Source : Nature Neuroscience, Y. Yoshihara et al.

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