Des chercheurs ont mis au point un faisceau tracteur d’objets macroscopiques

traction optique objet macroscopique
| Illustration par Jonathan Paiano pour Trust My Science. Licence disponible ICI.
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Le principe de la traction optique est de déplacer un objet à distance. Le concept est largement utilisé dans les films de science-fiction. Il existe également dans la réalité… mais à toute petite échelle. Des dispositifs comme les pinces optiques peuvent par exemple manipuler des particules microscopiques à l’aide de lasers. Aujourd’hui, des chercheurs affirment avoir réussi à créer un faisceau tracteur capable de déplacer des objets macroscopiques.

La lumière contient de l’énergie et de la quantité de mouvement qui peuvent toutes deux être utilisées pour diverses manipulations optiques, telles que la lévitation et la rotation. Au cours des dix dernières années, la traction optique de micro- et nano-objets (cellules, atomes, nanoparticules, etc.) a ainsi été démontrée à plusieurs reprises. Elle est même souvent utilisée aujourd’hui en biologie et en nanotechnologie. La traction optique d’un objet macroscopique, en revanche, est bien plus complexe à mettre en œuvre, car elle nécessite évidemment beaucoup plus de puissance.

Une équipe de l’Université des sciences et technologies de QingDao, en Chine, annonce avoir réussi cette prouesse et présente son faisceau tracteur dans la revue Optics Express. « Dans les études précédentes, la force de traction de la lumière était trop faible pour tirer un objet macroscopique. Avec notre nouvelle approche, la force de traction a une amplitude beaucoup plus grande. En fait, elle est supérieure de plus de trois ordres de grandeur à la pression lumineuse utilisée pour entraîner une voile solaire, qui utilise l’impulsion des photons pour exercer une petite force de poussée », a déclaré Lei Wang, premier auteur de l’étude.

traction optique objet macroscopique
Des chercheurs montrent que la lumière laser peut être utilisée pour tirer un objet macroscopique vers elle. © L. Wang et al.

Le potentiel de déplacer des véhicules sur Mars

Le faisceau tracteur conçu par Wang et ses collaborateurs est parvenu à déplacer un objet composite à base de graphène et de silice (SiO2) : la couche avant était faite de graphène réticulé et la couche arrière de SiO2. Ce matériau a été utilisé sur un pendule de torsion, via lequel les chercheurs ont pu démontrer le phénomène de traction laser d’une manière visible à l’œil nu. Ils ont également utilisé un pendule gravitationnel pour mesurer quantitativement la force de traction du laser ; les deux dispositifs mesuraient environ cinq centimètres de long.

schéma principe traction optique pendule torsion
(A) Un laser frappe un échantillon de matériau composite et le chauffe : cela incite le matériau à s’éloigner de la lumière. (B) Ici, le matériau est recouvert d’une couche transparente à faible conductivité thermique (en jaune) : dans ce cas, une force de traction est créée. (C) Schéma de principe du dispositif de pendule de torsion : le matériau composite est fixé à l’extrémité du bras du pendule. © L. Wang et al.

Lorsque l’objet est irradié par un faisceau laser, les molécules de gaz situées à l’arrière de l’objet reçoivent plus d’énergie et donc, « poussent » l’objet vers la source lumineuse. Cet effet, combiné avec la faible pression (5 Pa) de l’environnement dans lequel a été réalisée l’expérience, induit un déplacement de l’objet. La force de traction (0,8 µN) était nettement supérieure à la pression de rayonnement (environ 0,28 nN) ; elle peut en outre être ajustée en modifiant la puissance du laser.

expérience traction optique pendule gravitationnel
(A-C) Dimensions et détails des matériaux du dispositif de pendule gravitationnel. (D) Photographie du pendule sans traction laser. (E) Photographie du pendule sous traction laser avec une longueur d’onde de 488 nm, et une puissance de 85 mW. Le déplacement observé est d’environ 2,5 mm et la force de traction laser correspondante est estimée à 0,8 µN. © L. Wang et al.

Précisons néanmoins que l’objet composite a été spécialement conçu pour l’expérience et que celle-ci s’est déroulée dans des conditions de laboratoire bien spécifiques (à faible pression atmosphérique).

Si l’efficacité de ce faisceau tracteur sur Terre est pour le moment compromise, il pourrait en revanche s’avérer utile sur d’autres planètes : « L’environnement de gaz raréfié que nous avons utilisé pour démontrer la technique est similaire à ce que l’on trouve sur Mars. Par conséquent, elle pourrait avoir le potentiel de manipuler un jour des véhicules ou des avions sur Mars », explique Wang.

Une technique qui doit encore être améliorée

Les chercheurs soulignent que de nombreux aspects de la technique doivent encore être améliorés avant qu’elle ne soit réellement utilisable. Pour commencer, l’équipe doit faire en sorte que son faisceau tracteur fonctionne sur une plus large gamme de pressions d’air. En outre, il est indispensable d’établir un modèle théorique pour prédire avec précision la force de traction du laser en fonction de différents paramètres (tels que la géométrie de l’objet, l’énergie du laser et le milieu environnant).

En attendant, leur étude constitue une preuve de faisabilité convaincante. « Notre travail démontre que la manipulation flexible d’un objet macroscopique par la lumière est réalisable lorsque les interactions entre la lumière, l’objet et le milieu sont soigneusement contrôlées », a déclaré Wang. Cette étude a également mis en évidence la complexité des interactions laser-matière et le fait que de nombreux phénomènes sont encore loin d’être totalement compris, tant à l’échelle macro que micro, ajoute-t-il.

À savoir que la NASA a elle-même déjà envisagé d’utiliser des faisceaux tracteurs pour collecter des échantillons martiens, explique Universe Today. Le rover Curiosity est équipé d’un instrument d’analyse spectroscopique induite par ablation laser, la ChemCam : un laser vaporise la roche, puis le plasma qui en résulte est analysé à distance par spectroscopie. Or, si un faisceau tracteur était capable d’attirer des particules de régolithe directement au sein du rover, il serait possible de réaliser des analyses beaucoup plus complètes.

De la même façon, ces faisceaux pourraient servir à collecter des particules issues de queues de comètes ou bien de nuages de l’atmosphère terrestre ou d’autres planètes. Le concept a donc d’importantes implications pour l’exploration spatiale.

Source : L. Wang et al., Optics Express

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