Des chercheurs présentent le processus qui aurait pu conduire à l’apparition de la vie sur Terre

processus apparition molécules organiques
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Toute forme de vie sur Terre est composée de molécules organiques. Mais comment ces molécules à l’aube de la vie sont-elles apparues ? Des chercheurs de l’American Museum of Natural History apportent d’importants éléments de réponse dans une nouvelle étude publiée cette semaine dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences. Leurs résultats pourraient même aider à la recherche de la vie dans le reste de l’Univers.

Cette nouvelle étude, financée par la NASA, a permis d’identifier le processus qui aurait pu être à l’origine de la production des toutes premières molécules organiques sur notre planète, il y a environ 4 milliards d’années.

Une réaction d’oxydoréduction au fond de l’océan

La vie est constituée de molécules organiques, un mélange d’atomes de carbone et d’autres éléments tels que l’hydrogène, l’azote et l’oxygène. La plupart de ces molécules organiques proviennent de la réduction du dioxyde de carbone (CO2), par plusieurs voies de « fixation du carbone », comme le processus de photosynthèse chez les végétaux. Mais la plupart de ces réactions ont besoin de l’énergie d’une cellule pour s’établir. La question est donc : comment les toutes premières molécules organiques sont-elles nées ?

Pour tenter de répondre à la question, Victor Sojo et Reuben Hudson ont conçu un nouveau dispositif basé sur le même principe que les réacteurs microfluidiques, de minuscules laboratoires autonomes qui permettent aux scientifiques d’étudier le comportement des fluides, y compris les gaz, à l’échelle microscopique. Des études géologiques montrent que le CO2 se trouvait à des concentrations relativement élevées dans l’océan pendant l’Hadéen, tandis que le dihydrogène (H2) était le produit de multiples processus dans la croûte terrestre. La théorie suggère que la vie aurait émergé des évents alcalins hydrothermaux, où les matières organiques auraient pu être produites par la réduction du CO2 via l’oxydation du dihydrogène, facilitée par des gradients de pH géologiquement soutenus.

Lors de précédentes expérimentations, le processus de réduction n’a pas fonctionné ; le mélange de bulles d’hydrogène gazeux et de CO2 dans un liquide, n’a rien produit. Les scientifiques pensent que l’hydrogène gazeux, hautement volatil, s’est peut-être simplement échappé avant qu’il n’ait eu le temps de réagir.

Pour contourner le problème, il fallait donc tant que possible empêcher le gaz de s’échapper. La solution est venue de discussions entre Sojo et Hudson, qui se sont rencontrés au Centre RIKEN pour la science des ressources durables à Saitama, au Japon. Leur nouveau concept de réacteur a été mis au point dans le laboratoire de Hudson, dans le Maine. « Au lieu de faire barboter les gaz dans les fluides avant la réaction, la principale innovation du nouveau réacteur est que les fluides sont entraînés par les gaz eux-mêmes, donc il y a très peu de chance pour qu’ils s’échappent », explique Hudson.

De cette manière, les chercheurs sont parvenus à combiner l’hydrogène et le CO2 pour produire une molécule organique : de l’acide formique (de formule HCOOH). Le procédé de synthèse utilisé est similaire à la seule des six voies biologiques connues de fixation du carbone qui libère de l’énergie au lieu de la consommer, appelée voie de Wood-Ljungdahl (ou voie réductrice de l’acétyl-coenzyme A). Celle-ci consiste à réduire le CO2 en monoxyde de carbone (CO), qui lui-même est ensuite converti en acétyl-CoA, sous l’action successive de deux enzymes. Cet ensemble de réactions est rencontré chez certaines bactéries et archées. Le processus proposé par les chercheurs pourrait en quelque sorte être « l’ancêtre » de la voie de Wood-Ljungdahl.

En outre, il implique des réactions qui auraient très bien pu avoir lieu dans d’anciens évents hydrothermaux océaniques. Cette découverte peut expliquer non seulement l’apparition de la vie sur Terre, mais constitue également une preuve que la vie peut exister ailleurs dans le système solaire, comme l’explique Sojo : « Des systèmes hydrothermaux similaires pourraient exister aujourd’hui ailleurs dans le système solaire, notamment sur Encelade et Europe — des lunes de Saturne et de Jupiter respectivement ». Plus globalement, il est possible que la vie ait émergé dans n’importe quel autre monde rocheux comportant de l’eau à l’état liquide.

Des implications environnementales

Concrètement, les chercheurs ont réalisé une réduction de CO2 via l’oxydation de dihydrogène à température ambiante, à pression modérée (1,5 bar), entraînée par des gradients de pH microfluidiques à travers des précipités inorganiques de Fe(Ni)S (fer-nickel-soufre). Un marquage au deutérium a révélé que le transfert d’électrons vers le CO2 ne se produit pas par hydrogénation directe via le H2 : en réalité, les précipités de Fe(Ni)S semblent faciliter le transfert d’électrons, via un mécanisme électrochimique impliquant deux demi-réactions distinctes.

schéma processus réduction CO2
(A) Dans les anciens évents alcalins, l’oxydation du dihydrogène (à gauche) est favorisée par un pH basique, en raison de la présence d’ions hydroxyde (OH-). Les électrons libérés traversent le réseau Fe(Ni)S (au centre) vers la solution acide la plus oxydante du côté de l’océan. Là, ils rencontrent du CO2 dissous et une concentration relativement élevée de protons (H+), favorisant la production d’acide formique (HCOOH) ou de formiate (HCOO-). Ce système électrochimique permet la réaction globale entre H2 et CO2, ce qui n’est pas observé dans les conditions de réaction standards. (B) Schéma du réacteur.

Selon les auteurs de l’étude, une fois produit, et selon les conditions locales, le formiate aurait eu un potentiel chimique abiotique suffisant. Il se trouve en effet à la base de plusieurs mécanismes biologiques : chauffé en présence d’ammoniac (un composant des effluents alcalins), le formiate produit du formamide ; une nouvelle réaction de ce dernier mélange aboutit à du cyanure d’hydrogène ; enfin, la déshydratation du formiate produit du monoxyde de carbone (CO).

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Selon Laura Barge, du Jet Propulsion Laboratory de la NASA et co-auteure de l’étude, comprendre la façon dont le dioxyde de carbone peut être transformé en molécules organiques dans des conditions géologiques douces est important pour évaluer la possibilité d’apparition de la vie sur d’autres mondes. Mais ce n’est pas tout : le processus pourrait ouvrir la voie à de nouvelles méthodes pour diminuer l’impact des gaz à effets de serre sur notre environnement.

En effet, face à la crise climatique actuelle, plusieurs recherches autour de la réduction du CO2 sont en cours. De la compréhension des origines du métabolisme à la géochimie des cycles de l’hydrogène et du carbone sur Terre, en passant par les applications de chimie verte, les résultats de cette étude sont donc intéressants dans plusieurs domaines.

Source : PNAS, Hudson et al.

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