Une thérapie innovante fondée sur la technologie d’édition génétique CRISPR a permis, au cours d’un essai clinique préliminaire, de réduire de plus de moitié le taux de cholestérol en une seule perfusion. En ciblant spécifiquement le gène PCSK9 — acteur clé de l’hypercholestérolémie — cette approche consiste à supprimer une seule base nucléotidique au sein des cellules hépatiques. Elle pourrait permettre un contrôle prolongé du cholestérol, notamment chez les individus prédisposés génétiquement aux pathologies cardiovasculaires.
Il y a près de dix ans, des travaux ont mis en lumière un phénomène génétique rare : certaines personnes, porteuses d’une mutation inhibant l’expression de la protéine PCSK9, présentaient des concentrations exceptionnellement faibles de cholestérol LDL — cette fraction de lipoprotéines à basse densité responsable de l’encombrement des artères et des maladies cardiovasculaires. Cette découverte a conduit au développement d’une nouvelle classe de traitements visant à neutraliser cette protéine.
Bien que les anticorps anti-PCSK9 aient prouvé leur efficacité, leur nature protéique complexe en fait des thérapies coûteuses, dont l’usage reste limité. Les statines demeurent ainsi la pierre angulaire du traitement de l’excès de cholestérol LDL. Or, ces dernières sont associées à des effets secondaires notables — nausées, douleurs articulaires — qui conduisent près d’un patient sur deux à interrompre le traitement après un an.
Une adhésion régulière au traitement est donc indispensable, tout manquement risquant de compromettre l’équilibre lipidique. « Malgré les options actuelles, les maladies cardiovasculaires athéroscléreuses restent la première cause de mortalité dans le monde », rappelle dans un communiqué de Verve Therapeutics Eugene Braunwald, professeur émérite de médecine à la Harvard Medical School et fondateur du groupe d’étude TIMI au Brigham and Women’s Hospital.
Le traitement expérimental Verve-102, mis au point par Verve Therapeutics, pourrait profondément modifier cet état de fait en offrant, selon ses promoteurs, un contrôle prolongé en une seule administration. « VERVE-102 est très prometteur pour transformer la prise en charge des MCVA et faire passer cette prise en charge de traitements quotidiens ou répétés à une perfusion unique, avec une réduction durable du LDL-C », estime le professeur Braunwald, qui supervise le développement de cette thérapie.
Une réduction allant jusqu’à 69 % du cholestérol LDL
Reposant sur l’outil CRISPR, Verve-102 désactive le gène PCSK9 dans les cellules hépatiques à l’aide d’un éditeur de bases ciblant l’adénine et d’un ARN guide (ARNg). L’ensemble est encapsulé dans des nanoparticules lipidiques conçues pour faciliter leur pénétration dans les cellules. Deux voies d’acheminement sont utilisées : les récepteurs des lipoprotéines de basse densité (LDLR) ou ceux des asialoglycoprotéines (ASGPR). La version précédente de la thérapie, Verve-101, avait engendré des effets secondaires notables en raison d’un problème lié à son excipient.
La nouvelle formulation est administrée par perfusion intraveineuse sur une période de deux à quatre heures. L’essai clinique, baptisé Heart-2, a recruté 14 participants présentant soit une hypercholestérolémie familiale, soit une pathologie cardiovasculaire précoce liée à un taux élevé de LDL-C.
Bien que l’objectif initial de l’essai ait été d’évaluer la sécurité du traitement, les données obtenues révèlent un effet dose-dépendant manifeste. Les réductions moyennes du LDL-C observées atteignent 21 % avec la plus faible dose (0,3 mg/kg), 41 % avec une dose intermédiaire (0,45 mg/kg), et 53 % pour la dose la plus élevée (0,6 mg/kg). Quatre patients ayant reçu cette dernière ont même vu leur taux de LDL-C chuter de 69 %.
Le profil de tolérance s’avère rassurant : aucun effet indésirable grave n’a été relevé. Une seule réaction liée à la perfusion, atténuée par un antalgique léger, a été rapportée. Par ailleurs, aucune altération cellulaire significative n’a été constatée, y compris chez les patients ayant reçu la dose maximale.
« Les données initiales issues de l’étude Heart-2 sont encourageantes en matière d’efficacité et de sécurité, et laissent entrevoir l’avènement d’une ère thérapeutique nouvelle, où une dose unique permettrait de contrôler durablement le taux de LDL-C », s’enthousiasme le professeur Braunwald.
Ces résultats restent toutefois circonscrits à une période d’observation de 28 jours. L’effet durable de la thérapie n’est donc pas encore établi, bien que les premiers signaux soient jugés suffisamment prometteurs. « Les données que nous présentons aujourd’hui laissent entrevoir la possibilité concrète de ce traitement révolutionnaire à dose unique », avance Sekar Kathiresan, cofondateur et directeur général de Verve Therapeutics. L’entreprise prévoit d’engager un essai clinique de phase 2 d’ici au second semestre de l’année.