Quiconque effectue des achats en ligne est déjà parti en quête des fameux « codes promo » et autres bons de réduction permettant d’obtenir quelques euros de réduction. De même, les coupons papier offerts par certaines marques poussent parfois les consommateurs à choisir leurs produits plutôt que d’autres. Pourquoi ces bons plans, qui ne font le plus souvent gagner que quelques euros, fonctionnent-ils si bien ?
Quasiment toutes les marques et tous les détaillants utilisent aujourd’hui un système de remises et de codes promo. Livraison offerte, 5, 10 ou 15% de réduction sur le montant du panier, un produit offert pour deux produits achetés, voilà tout autant d’avantages dont les consommateurs sont particulièrement friands. Et le succès de ces promotions dépasse toutes les espérances, en particulier auprès de la génération Y.
Une enquête de RetailMeNot (leader mondial de la promotion digitale) menée en 2018 a révélé que les deux tiers des consommateurs américains avaient « fait un achat qu’ils n’avaient pas initialement prévu de faire, uniquement en se basant sur la recherche d’un coupon ou d’une remise ». En outre, 80% des personnes interrogées ont déclaré qu’elles se sentaient davantage enclines à faire un premier achat d’une nouvelle marque s’ils bénéficiaient d’une offre ou d’une remise. Enfin, près de 70% des milléniaux disent qu’ils n’effectuent jamais un achat avant de rechercher un code promo au préalable.
Une stratégie marketing qui mise sur l’effet d’opportunité et de nouveauté
« Les consommateurs d’aujourd’hui veulent avoir l’impression d’avoir dépensé leur argent de la manière la plus intelligente possible », explique Marissa Tarleton, directrice du marketing chez RetailMeNot. Si la perspective de faire des économies pèse effectivement dans la balance, le succès des remises et codes promo n’est pas qu’une question d’argent. Comme de nombreux aspects du marketing, tout est aussi une question de psychologie.
Les promotions s’appuient tout d’abord sur le principe de réciprocité. Lorsqu’un client reçoit un « cadeau », cela déclenche en lui un sentiment de réciprocité : il se sent dès lors obligé de rendre la pareille et ressent un sentiment accru de loyauté envers la marque (ou le détaillant qui a émis le cadeau). En outre, s’il s’agit d’un nouveau client, cet acte permet de donner une très bonne impression à ce dernier — un premier geste généreux, qui va consolider la relation entre la marque et le client dès le départ.
Autre point important associé au comportement d’achat : le sentiment d’urgence créé par certaines promotions, qui sont généralement valables pendant un court laps de temps. En tant qu’être humain, nous recherchons davantage le plaisir que la douleur et la perspective de manquer une offre exceptionnelle (et de le regretter) nous incite généralement à en profiter le plus rapidement possible. Une expérience a montré que le simple fait d’ajouter un compteur affichant le temps restant avant la fin de la promotion a permis d’augmenter le taux de conversion de 300% par rapport à la même promotion affiché sans compteur.
L’effet « nouveauté » joue également un rôle dans l’acte d’achat. Un code promo peut ainsi servir à faire découvrir un autre produit, différent de ce que le consommateur achète d’habitude. Il sera plus enclin à l’essayer s’il n’est pas obligé de payer le prix fort pour cette expérience (dont il n’est pas sûr de l’issue). Même une remise modérée peut changer la donne et inciter l’acheteur à prendre le risque.
Enfin, il apparaît que les lots de produits (« deux pour le prix d’un », « deux achetés le troisième à un euro », etc.) sont moins « culpabilisants » que chaque article pris individuellement lorsqu’il s’agit de justifier son acte d’achat. Un fait que les neuro-économistes nomment « la réduction des points douloureux » ; ceci augmente généralement la probabilité qu’un client achète le lot qu’on lui propose.
Un impact tant physiologique que psychologique
Les spécialistes en neuromarketing soulignent que certaines remises fonctionnent mieux que d’autres. Par exemple, il se trouve que les acheteurs préfèrent obtenir 50% de produit en plus (gratuitement), plutôt que d’économiser 33% sur le prix, même si cela revient exactement au même. Une étude publiée en 2012 dans le Journal of Marketing le confirme : les acheteurs préfèrent de loin obtenir quelque chose de plus gratuitement que d’obtenir quelque chose de moins cher.
De même, les consommateurs tendent à préférer une remise de 25% en plus d’une remise de 20%, au lieu d’une unique remise de 40% — ici encore, l’économie est équivalente. Parfois, une remise en pourcentage paraît plus attrayante, surtout lorsqu’il s’agit d’un petit prix (inférieur à 100€) : une réduction de 10% sur un article à 50€ paraît plus avantageuse que 5€ de réduction (même si cela revient à la même chose). Évidemment, l’intérêt d’une réduction pour le consommateur est toujours relatif : un rabais de 10€ sur un produit à 100€ sera moins attractif qu’un rabais de 10€ sur un produit à 20€.
Les remises et réductions n’ont pas qu’un impact psychologique, mais nous influencent également d’une manière insoupçonnée. Des neuroscientifiques de l’Université de Claremont ont notamment mis en évidence le fait que l’usage de coupons de réduction avait également des effets physiologiques. Leur étude montre que le fait de recevoir un coupon augmente le taux d’ocytocine — l’hormone du plaisir et du bonheur, essentiellement synthétisée par le cerveau.
Parallèlement, se voir offrir un coupon entraîne une diminution de 8% de l’adrénocorticotrophine (une hormone liée au stress) et ralentit la fréquence cardiaque. En d’autres termes, les coupons de réduction « suscitent des réactions physiologiques similaires à une interaction sociale positive », résument les chercheurs.
Plus surprenant : cette étude a montré que le taux d’ocytocine augmente davantage (jusqu’à 38%) lorsque les gens reçoivent un coupon que lorsqu’ils reçoivent un véritable cadeau ! « L’étude prouve que non seulement les personnes qui obtiennent un coupon sont plus heureuses, moins stressées et éprouvent moins d’anxiété, mais aussi que l’obtention d’un coupon – aussi difficile à croire que cela puisse être – se révèle physiquement plus agréable que l’obtention d’un cadeau », a déclaré le Dr Paul Zak, qui a dirigé cette recherche.
Alors que nous sommes en pleine période de soldes, les occasions seront sans doute nombreuses d’augmenter votre niveau d’ocytocine. Mais ne perdez pas de vue que sous l’apparente générosité des marques et de leurs détaillants, chaque offre est pensée pour vous inciter à l’achat et que vous ne ferez peut-être pas toujours le choix le plus économique…