L’IA pourrait transformer l’industrie alimentaire en rationalisant et en améliorant les processus tout au long de la chaîne d’approvisionnement, selon un récent rapport du Massachusetts Institute of Technology (MIT). Elle permettrait par exemple d’améliorer les rendements des cultures et d’accélérer les processus de recherche et de développement, contribuant ainsi à relever les principaux défis du secteur.
L’industrie alimentaire est la plus grande industrie au monde, employant notamment plus d’un milliard de personnes et produisant l’équivalent de plus de 9 000 milliards d’euros par an (hors boissons). Elle doit cependant faire face à des défis de taille, dont la subsistance d’une population en constante croissance dans un monde où les ressources diminuent en raison des pressions environnementales résultant des besoins toujours croissants.
Le système alimentaire mondial est responsable de près d’un quart des émissions de gaz à effet de serre, y compris le piégeage thermique du méthane. Les engrais et autres produits chimiques utilisés pour l’agriculture nuisent aux écosystèmes et amenuisent les réserves de terres arables en réduisant la qualité des sols. D’autre part, le secteur agronomique (agriculture et élevage) occupe environ 30 % des terres habitables de la planète, dont deux tiers sont consacrés aux cultures agricoles.
Ces pressions environnementales provoquent, à leur tour, des pertes croissantes. L’agriculture représente près d’un quart des pertes économiques dues aux phénomènes météorologiques extrêmes (tempêtes, chaleurs extrêmes, stress hydrique, etc.), augmentant à mesure que le climat se réchauffe. Les monocultures à grande échelle (riz, soja, maïs, etc.), dont dépend la subsistance de millions de personnes, sont les plus vulnérables à ces phénomènes, sans compter leurs impacts sur les écosystèmes et la qualité des sols.
Par ailleurs, d’un point de vue sanitaire, la consommation excessive de certains aliments comme la viande et la nourriture transformée constitue un facteur de risque important pour des affections telles que les maladies cardiovasculaires et neurodégénératives, le cancer, etc. Produire des aliments à la fois sains, respectueux de l’environnement et nutritifs, tout en minimisant le gaspillage pour une population mondiale en constante croissance, constitue donc un défi multisectoriel que producteurs et industriels tentent de relever depuis des décennies.
D’après les analystes du MIT, l’IA a un potentiel important pour soutenir cet objectif complexe en augmentant l’efficacité et optimisant la productivité tout au long de la chaîne d’approvisionnement, depuis les champs agricoles jusqu’aux consommateurs, en passant par les industries de transformation des produits. La technologie a d’ailleurs déjà joué un rôle clé dans les changements récents qui ont impacté de nombreux secteurs d’activité, y compris l’industrie alimentaire.
Un potentiel d’amélioration multisectoriel
Dans le secteur agricole, l’IA contribue déjà à améliorer la qualité et le rendement des cultures en aidant par exemple à la surveillance des champs, à l’adaptation des apports en intrants et à l’optimisation des récoltes. Des algorithmes d’IA sont également utilisés en laboratoire pour modéliser des expériences d’édition génétique permettant d’améliorer la résilience des cultures et leur valeur nutritionnelle.
D’après le rapport du MIT, l’analyse prédictive basée sur l’IA accélère les processus de recherche et de développement à la fois en agronomie et en agroalimentaire. La modélisation avancée permet aux chercheurs d’explorer des ingrédients ou composés en simulant des milliers de conditions ou réactions chimiques à la fois. « L’IA réduit le temps et les ressources nécessaires à l’expérimentation de nouveaux produits alimentaires et transforme les cycles traditionnels d’essais-erreurs en découvertes plus efficaces, basées sur les données », indique le rapport.
Elle peut aussi être utilisée pour la réduction des impacts environnementaux, en rationalisant l’utilisation de produits chimiques agricoles ou en contribuant à limiter le gaspillage alimentaire. Tomorrow, une start-up basée à Seattle, utilise par exemple l’IA pour améliorer les processus de réfrigération et prolonger la durée de conservation des produits. De grands distributeurs comme Coop ou Carrefour utilisent des outils d’IA pour limiter le gaspillage, tandis qu’Unilever utilise la plateforme Tracemark alimentée à l’IA de Google pour améliorer la traçabilité de sa chaîne d’approvisionnement et lutter contre les produits dont la production contribue à la déforestation.
La technologie peut aussi être utilisée dans les processus de contrôle de qualité, en améliorant la détection des contaminants, en prédisant la durée de conservation des aliments, etc. Nestlé utilise par exemple un système d’inspection visuelle basé sur l’IA pour le contrôle qualité, tandis que Danone a conclu un partenariat avec Sight Machine pour la surveillance en temps réel de la qualité au niveau de ses usines laitières. L’Agence britannique de sécurité sanitaire (UKHSA) étudie en outre l’utilisation de l’IA pour la détection des épidémies de maladies d’origine alimentaire.
Les experts du MIT indiquent que la technologie permettra de rationaliser la chaîne de valeur complexe de l’industrie en favorisant le partage de données et en traduisant les vastes flux de données en informations exploitables. Les algorithmes permettraient de démocratiser l’accès à l’analyse des données, que ce soit au niveau des producteurs, des industriels ou des distributeurs. Ce partage permettra, à son tour, aux entreprises agroalimentaires de prendre des décisions stratégiques éclairées.
Cependant, malgré ce potentiel, l’adoption de la technologie par l’industrie enregistre un certain retard en comparaison d’autres secteurs. Le partage des données reste limité, car chaque entreprise de la chaîne de valeur a des besoins très différents. En outre, les normes et les réglementations des données sont rares et des formations poussées ou de nouveaux talents sont nécessaires pour s’adapter à la nouvelle vague technologique.
Néanmoins, « si les grandes entreprises agricoles sont leaders dans la mise en œuvre de l’IA, des avancées prometteuses émergent souvent de collaborations stratégiques exploitant les atouts complémentaires des institutions universitaires et des startups », affirment les chercheurs. Les grandes entreprises pourraient par exemple apporter leur expertise en matière de collecte et de rationalisation de données, tandis que les start-ups pourraient apporter des innovations.