On sait enfin comment se sont formées les étoiles au centre de la Voie lactée

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Vue d’artiste de la Voie lactée. | NASA/JPL-Caltech
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Au centre de notre galaxie, se trouvent plus d’une centaine de jeunes étoiles qui ne devraient pas exister. En effet, la présence du trou noir supermassif empêche en théorie toute formation d’étoiles dans cette zone. Deux astrophysiciens ont peut-être trouvé une explication à cet étrange phénomène.

La Voie lactée héberge en son centre un trou noir supermassif, Sagittarius A*, autour duquel sévit une puissante force de gravité. Par conséquent, dans cette zone, tous les nuages de gaz et de poussière suffisamment denses pour être susceptibles de former des étoiles sont irrémédiablement attirés par le trou noir et désintégrés par les forces de marée. Comment expliquer alors l’existence de plus de 100 jeunes étoiles massives à quelques années-lumière seulement du centre de notre galaxie ?

Une possibilité serait que ces étoiles se soient formées ailleurs, puis aient migré vers le centre de la galaxie. Cependant, cette théorie implique que les étoiles orbitent dans le disque de la galaxie ; or, il apparaît qu’elles sont organisées dans un, voire deux disques désalignés par rapport au plan galactique. Deux astrophysiciens, Rosalba Perna de l’Université Stony Brook à New York et Evgeni Grishin de l’Université Monash en Australie, proposent aujourd’hui un nouveau scénario pour leur formation in situ. Selon eux, ces étoiles pourraient être le résultat d’un événement de rupture par effet de marée subi par une étoile errante plus ancienne.

Une invitation à rêver, prête à être portée.

Du gaz comprimé par une puissante onde de choc

La dynamique du jeune amas d’étoiles situé à proximité de Sgr A* est étudiée depuis plus de deux décennies. Des études ont montré que la plupart de ces étoiles se déplacent dans le sens des aiguilles d’une montre, mais certaines se déplacent dans le sens inverse. Une dizaine d’entre elles sont regroupées dans un disque mince, incliné par rapport au plan galactique ; la présence d’un deuxième disque, dans une orientation différente, a été proposée puis confirmée peu de temps après. L’observation de deux disques implique deux épisodes distincts de formation d’étoiles.

Plusieurs modèles ont été proposés pour expliquer leur origine, reposant sur des scénarios de formation in situ ou de migration après formation dans un amas lointain. Mais aucun de ces modèles n’a jusqu’à présent permis d’expliquer toutes les propriétés de ces étoiles. « Nous proposons ici une nouvelle idée qui peut non seulement expliquer la formation des jeunes étoiles à proximité immédiate de Sgr A*, mais aussi prédire naturellement un regroupement dans une structure en forme de disque d’orientation aléatoire par rapport au plan de la galaxie », écrivent les deux scientifiques dans The Astrophysical Journal Letters.

Un événement de rupture par effet de marée (ou TDE, pour tidal disruption event) est un phénomène qui se produit lorsqu’une étoile se rapproche suffisamment de l’horizon des événements pour être déformée, puis « spaghettifiée » par les forces de marée du trou noir. Ces événements provoquent d’énormes explosions et génèrent parfois d’énormes jets accompagnés d’ondes de choc se propageant à travers la poussière et les gaz environnants.

Parmi les multiples dizaines de TDE observés à ce jour, seule une poignée d’entre eux présentent des preuves de la présence d’un jet ; ainsi, le taux typique par galaxie de TDE à jet est de l’ordre de 10-7 à 10-6 par an. Néanmoins, un tel mécanisme a pu fonctionner au voisinage de Sgr A* et pourrait donc expliquer la présence des étoiles : une onde de choc aurait pu comprimer le nuage de gaz suffisamment pour qu’il résiste à la gravité ambiante. La formation d’étoiles induite par des jets a déjà été observée à l’échelle galactique, et cette rétroaction positive a été confirmée par des simulations numériques.

Un modèle qui coïncide parfaitement avec les observations

« Nous pouvons estimer de manière prudente que 1% des TDE produisent des jets, ce qui conduit à des taux de TDE à jet autour de Sgr A* d’environ 0,1 à 1 par million d’années. C’est un taux particulièrement intéressant pour notre modèle », soulignent Perna et Grishin. En effet, ce taux de TDE est similaire à l’âge des étoiles du centre galactique, qui a été estimé entre 1 et 10 millions d’années. En outre, les observations d’écoulements de TDE ont révélé une extension radiale jusqu’à l’échelle du parsec — soit une distance comparable à la taille des deux disques observés de jeunes étoiles.

Les deux chercheurs ont calculé comment l’une de ces ondes de choc affecterait les nuages ​​​​de gaz près du centre galactique. Ils ont découvert que malgré la gravité intense de la région, elle aurait pu assurer leur cohésion le temps nécessaire à la formation d’étoiles. Par ailleurs, les masses des étoiles formées selon ce scénario — qui tend à favoriser la formation d’étoiles massives — sont cohérentes avec leurs masses réelles.

Les ondes de choc n’étant pas nécessairement alignées avec le disque galactique, il n’est pas surprenant que les étoiles se soient formées sur un autre plan. Plusieurs épisodes de TDE peuvent ainsi conduire à la formation de plusieurs disques orientés dans des directions aléatoires. Les deux chercheurs précisent que le phénomène n’est évidemment pas propre à la Voie lactée, mais concerne toutes les galaxies. « Le fait que les TDE se produisent toujours au même endroit au centre d’une galaxie, autour de son trou noir supermassif, rend la rétroaction des TDE potentiellement importante dans l’autorégulation de la formation d’étoiles et donc, pour le taux de TDE lui-même », concluent-ils.

Bien qu’elle soit convaincante, cette nouvelle théorie doit encore être testée et quantifiée via des simulations numériques détaillées avant d’être définitivement admise.

Source : R. Perna et E. Grishin, The Astrophysical Journal Letters

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