Bien qu’elles constituent des événements relativement rares, les chutes depuis les aéronefs ne sont pas impossibles. La plupart des forces armées reçoivent un entraînement particulier dans le cas où leur parachute dysfonctionnerait, et plusieurs cas de personnes ayant expérimenté de telles chutes ont été enregistrés partout à travers le monde. Mais contrairement à ce que la logique pourrait dicter, ces situations ne sont pas toujours mortelles.
Survivre à une chute directe depuis un aéronef en vol est une histoire qui mérite d’être racontée. L’auteur Jim Hamilton a ainsi compilé plusieurs douzaines de ces histoires. Bien sûr, il apparaît difficile, pour ne pas dire impossible de survivre à des chutes libres depuis l’altitude de croisière des avions de ligne d’aujourd’hui (entre 8km et 12km), mais de nombreux témoignages de survie existent pour des altitudes moins élevées.
Par exemple, il relate la situation d’Alan Magee, pilote d’avion lors de la Seconde Guerre Mondiale qui, après avoir sauté de son B-17 Fliying Fortress sans parachute, a survécu à une chute de 6.7 km en atterrissant sur le toit en verre d’une gare ferroviaire française.
C’est également le cas de Vesna Vulović, un steward serbe qui détient le record mondial Guinness de survie à la plus longue chute jamais réalisée — soit 9.1 km — après que son avion ait explosé en vol dans les années 1970.
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Comment la survie à de telles chutes peut-elle être possible ? Rhett Allain, professeur associé de physique à l’université de la Louisiane, explique, non sans une pointe d’humour, qu’il est « difficile de tester des événements pareils in situ car cela serait contraire à l’éthique de jeter des personnes hors des avions uniquement pour la science. Heureusement, nous ne disposons pas d’assez de données pour encourager une telle pratique ». Toutefois, selon le physicien, les chances de survie peuvent être augmentées par quelques facteurs.
Les personnes massives chutent plus vite
Tout d’abord, Allain explique qu’une petite taille maximise les probabilités de rester en vie. « Les personnes les plus petites chutent plus lentement, ce qui leur confère une meilleure chance de survie ». Cela se confirme lorsque nous chassons un insecte de la taille d’une fourmi du haut d’une table d’un mètre ; pour la fourmi, la hauteur paraît énorme, pourtant, dans la plupart des cas, elle survit.
Cela est rendu possible par la délicate combinaison entre deux phénomènes physiques s’exerçant pendant la chute : la gravité d’un côté qui tend à attirer un corps vers le sol, et le frottement de l’air qui tend à le ralentir. En effet, même si le principe d’équivalence d’Einstein affirme que deux objets de masses différentes tombent à la même vitesse, ce principe n’est vrai que dans le vide, là où il n’y a pas de molécules d’air.
Lorsqu’un parachutiste chute dans le ciel, les frottements de l’air s’opposent à l’accélération de la gravité, et lorsque ces deux phénomènes s’équilibrent, celui-ci acquiert sa vitesse terminale, c’est-à-dire sa vitesse stable de chute jusqu’au sol. « Pour un parachutiste dans une position normale, la vitesse terminale est de l’ordre de 193 km/h » indique Allain.
L’intensité de la gravité dépend de la masse du corps. Les personnes les plus lourdes subissent une attraction plus importante et nécessitent donc des frottements de l’air plus importants pour arrêter leur accélération.
Ces personnes accélèrent plus longtemps avant d’atteindre leur vitesse terminale, et frappent donc le sol à une vitesse plus importante. Bien qu’une large surface corporelle signifie plus de frottements, selon Allain, cela ne permet toutefois pas de compenser l’accélération gravitationnelle due à leur masse plus élevée.
Le célèbre biologiste J.B.S. Haldane, en 1928, a résumé la situation de cette manière : « vous pouvez lâcher une souris dans un puit minier profond de 1000 mètres, et à l’arrivée, elle sera légèrement étourdie et reprendra sa route. Cependant, un rat mourra, un homme sera brisé et un cheval sera écrasé ».
Choisir avec précaution sa surface d’atterrissage
Le second facteur est le type de surface d’atterrissage. Selon Allain, la survivabilité est fortement influencée par la force de décélération appliquée au moment de l’atterrissage. Les surfaces molles confèrent plus de temps pour la décélération, et réduisent donc la force subie. Donc n’importe quelle surface pouvant donner du temps à la décélération augmente nettement les chances de survie.
« Les arbres sont un bon choix pour l’atterrissage, car vous pouvez descendre de branche en branche durant la chute, réduisant ainsi votre vitesse terminale » explique Allain. « Si c’est un arbre touffu et dense, cela pourrait vraiment augmenter votre temps de décélération et réduire votre accélération avant de toucher le sol ».
L’eau pourrait également constituer une bonne surface, à condition de ne pas la frapper en position de plat. « L’eau pourrait fonctionner. Mais il faut chuter dans la position verticale d’un crayon et aller aussi profond que possible, afin de réduire au mieux l’accélération » indique Allain. « Néanmoins, même si l’eau paraît utile, dans la plupart des cas, les gens sont assommés en frappant sa surface et courent donc le risque de se noyer ».
Selon Hamilton et les différents témoignages qu’il a réuni, d’autres surfaces comme la neige, les lignes électriques ou encore les toits augmentent les chances de survie. Par exemple, en 2004, un journal de Johannesburg a rapporté la survie d’une parachutiste sud-africaine tombée d’une hauteur de 2.8 km sur des lignes électriques ; celle-ci, en plus d’avoir évité l’électrocution, n’a souffert que d’une d’une fracture du pelvis.
Quelle position adopter ?
Lors de la chute, l’objectif premier est de maximiser la surface corporelle opposée aux frottements de l’air. Pour ce faire, il est conseillé de chuter horizontalement les bras et les jambes écartés, et la tête tendue vers l’avant. Le but direct est de réduire l’accélération au maximum afin d’acquérir la vitesse terminale la plus faible possible en fin de chute.
Pour Allain, l’atterrissage sur le dos offre la meilleure chance de survie. La NASA a mené une campagne de tests pour déterminer quelle partie du corps absorbait le mieux les forces G. Les résultats ont montré que le corps humain tolérait mieux cette force lorsqu’elle était dirigée de l’avant vers l’arrière (comme lorsque les pilotes de course sont plaqués à leur siège lors d’une accélération).
La NASA appelle ce type d’accélération « globes oculaires intérieurs », car les personnes qui l’expérimentent ont l’impression que leurs globes oculaires sont poussés à l’intérieur de leur tête.
Les forces G provenant d’autres directions, comme la force plaquant au fond du siège (globes oculaires descendants) sont bien plus mortelles, affirme Allain. Dès lors, d’après lui, atterrir dos au sol, face vers le ciel, donne de meilleures chances de survie car cette position reproduit la position « globes oculaires intérieurs ».
Toutefois, une étude menée par l’Highway Safety Research Institute sur 110 cas de chutes depuis des altitudes inférieures à 1 km, a conclu qu’atterrir en premier sur les pieds augmentait les chances de survie. « Le corps dispose d’une distance de décélération plus importante lorsqu’il atterrit sur les pieds, et les os longs des jambes absorbent bien plus d’énergie cinétique avant de se fracturer » explique l’étude.
Bien que cela paraisse évident, une position est néanmoins universellement à éviter : tomber tête la première. « N’atterrissez pas sur votre tête » conseille Jeffrey Bender, professeur de chirurgie au Centre des Sciences de la Santé de l’université de l’Oklahoma. Bender a traité de nombreux patients ayant effectué des chutes de diverses altitudes, dont un parachutiste texan tombé d’1 km d’altitude. Il explique que généralement, les personnes victimes de ces chutes souffrent soit de traumatismes crâniens sévères soit d’hémorragies internes.