Des chercheurs ont identifié un composé naturel d’origine végétale inhibant efficacement l’hyaluronidase, une enzyme clé impliquée dans la progression du cancer et des maladies démyélinisantes telles que la sclérose en plaques (SEP). L’enzyme est également impliquée dans de nombreuses autres affections, telles que l’arthrose, les lésions cérébrales liées à la surconsommation d’alcool et certaines infections cutanées. Le composé pourrait potentiellement être exploré pour cibler toutes ces affections à la fois.
Les changements dans la composition et la structure de la matrice extracellulaire sont impliqués dans une large variété d’activités cellulaires, y compris la survie même de la cellule. Ils peuvent influencer à la fois le comportement des cellules au cours du développement embryonnaire et la prolifération des cellules cancéreuses. Dans le système nerveux central, ces changements contribuent à la neuroplasticité, mais entravent également la réparation des neurones dans les maladies neurodégénératives.
La synthèse accrue de hyaluronane (ou acide hyaluronique) – l’un des composants clés de la matrice extracellulaire, ainsi que la suractivation de l’hyaluronidase (l’enzyme qui le décompose), ont été identifiées comme étant les principaux processus liés au développement des tumeurs. Il a également été démontré qu’elles inhibent la remyélinisation en entravant la maturation des oligodendrocytes, les cellules spécialisées produisant naturellement la myéline.
Entourant les axones, les branches filiformes partant de chaque cellule nerveuse, la gaine de myéline est essentielle à la transmission de l’influx nerveux. En temps normal, le système nerveux dispose d’un processus naturel de remyélinisation en cas de dommages au niveau des axones. L’altération de ce processus est associée à la progression des maladies neurodégénératives (ou maladies démyélisantes), telles que la SEP. Certains nourrissons prématurés présentent également des retards de myélinisation, entraînant des lésions cérébrales, voire une paralysie d’origine cérébrale.
Une équipe de l’Oregon Health & Science University (OHSU) suggère que l’inhibition de l’activité de l’hyaluronidase à l’aide de composés à petites molécules pourrait être explorée à la fois pour traiter le cancer et les maladies démyélinisantes. Dans cette vision, les chercheurs ont identifié un composé naturel ciblant un type spécifique d’hyaluronidase.
« Cette découverte pourrait être utile pour la maladie d’Alzheimer ou d’autres maladies neurodégénératives. Tant que le problème sous-jacent est lié à la dégradation de l’acide hyaluronique, cela pourrait être utile pour les gens », affirme dans un communiqué de l’OHSU Angela Hoffman, coauteure de l’étude (aujourd’hui retraitée) de l’Université de Portland.
Une cible associée à au moins 5 affections différentes
Les mammifères possèdent de nombreux types d’hyaluronidase, chacun possédant des activités, des localisations et des mécanismes moléculaires propres. Dans le cadre de la nouvelle étude, Hoffman et ses collègues se sont concentrés sur une forme de l’enzyme appelée « protéine induisant la migration cellulaire et liant l’hyaluronane (CEMIP) ». En plus de la SEP et le cancer, la CEMIP est également impliquée dans de nombreux troubles, tels que l’arthrose, les infections cutanées, les lésions cérébrales dues à la consommation excessive d’alcool et probablement certaines formes de démence, dont la maladie d’Alzheimer.
De précédentes études ont caractérisé de nombreux inhibiteurs d’hyaluronidase montrant différents degrés d’efficacité pour freiner la dégradation de l’acide hyaluronique. Il s’agit de composés synthétiques ou d’origine végétale, de protéines, de polysaccharides, d’acides gras et de glycosaminoglycanes. Parmi ceux d’origine végétale, les flavonoïdes ont montré des activités anticancéreuses et anti-inflammatoires notables.
Dans le cadre d’une étude antérieure, les chercheurs ont identifié un dérivé de la flavone apigénine inhibant sélectivement l’activité de la CEMIP. Baptisé S3, il a également favorisé la remyélinisation fonctionnelle chez des modèles murins de maladie démyélinisante. Cependant, la molécule est relativement insoluble et ne traverse que faiblement la barrière hématoencéphalique. Or, des doses élevées étaient nécessaires pour bloquer l’activité de la CEMIP.
Pour la nouvelle étude – détaillée dans Journal of Biological Chemistry –, les chercheurs ont évalué l’efficacité des composés à petites molécules, notamment des thiocarbamates synthétiques et d’autres flavonoïdes. Leur efficacité à inhiber la CEMIP a ensuite été comparée à celle du composé S3 à la fois dans une lignée cellulaire tumorale et dans des cultures primaires de cellules progénitrices d’oligodendrocytes. Plus précisément, les composés ont été évalués pour leur capacité à influencer la prolifération, la survie et la différenciation cellulaires.
Lors d’essais in vitro, les chercheurs ont constaté que la sulféritine, un flavonoïde d’origine végétale, inhibait efficacement la CEMIP. On la trouve par exemple dans les plantes du genre Dahlia, le bident à feuilles tripartites (Bidens tripartita) et certaines plantes du genre Passiflora.
D’autres recherches ont également suggéré qu’elle possède des effets préventifs contre l’obésité et d’autres maladies métaboliques. L’équipe a aussi identifié deux autres inhibiteurs synthétiques. La prochaine étape de la recherche consistera à évaluer l’efficacité de ces nouveaux composés sur d’autres modèles animaux.